Après plusieurs années marquées par des difficultés économiques, la Maison des écrivains et de la littérature (Mel) - principal employeur d’auteurs dans le domaine de l’éducation artistique et culturelle - est au bord de cesser définitivement ses activités. Une fermeture qui mettrait un terme à près de quarante ans d'engagement en faveur de la diffusion de la littérature. Dans une tribune publiée ce 15 juin 2025, un collectif de 130 écrivains alerte sur une disparition jugée « inconcevable, » et appelle la ministre de la Culture à réagir.
Le 17/06/2025 à 13:37 par Hocine Bouhadjera
5 Réactions | 376 Partages
Publié le :
17/06/2025 à 13:37
5
Commentaires
376
Partages
Dans cette mobilisation, ce sont des voix majeures de la littérature contemporaine qui s’unissent pour alerter sur ce qu’elles considèrent comme une aberration. Parmi les signataires, Annie Ernaux, prix Nobel de littérature 2022; plusieurs Goncourt comme Mohamed Mbougar Sarr, Marie NDiaye, Nicolas Mathieu, le président de l'Académie Goncourt Philippe Claudel, Delphine de Vigan ou encore Sorj Chalandon.
Installée depuis 1986 dans le salon de l’hôtel particulier des Goncourt, en plein cœur de Paris, la Maison des écrivains et de la littérature (MEL), née sous l’impulsion de Jack Lang, est en sursis. Faute de financements suffisants - sa subvention annuelle est passée de 500.000 € à 200.000 € en deux ans -, l’association ne pourra plus fonctionner au-delà du mois de juin.
La MEL, administrée par douze écrivains, rémunère les auteurs intervenants, contribuant à leur activité professionnelle tout en renforçant leur présence sur le terrain. Elle est même le premier employeur d’écrivains dans le domaine éducatif. Outre des interventions scolaires, l’association organise des résidences, des festivals et des événements en France comme à l’étranger. Elle sert également de centre de ressources pour les professionnels et référence des aides destinées aux auteurs.
« Nous, écrivains, écrivaines, tenons à rappeler que les missions confiées à la MEL nous semblent exemplaires et que notre inquiétude grandit à l’idée de voir cette structure hautement nécessaire disparaître », peut-on lire dans cette tribune, publiée dans Libération.
Pour les auteurs signataires, la MEL a construit un réseau sans équivalent entre les auteurs et les publics scolaires, universitaires, mais aussi éloignés des centres culturels traditionnels. Près de 1000 rencontres par an sont organisées : « C’est un maillage à large échelle qui s’est construit au fil du temps entre les enseignants, les élèves et étudiants et les écrivains […] y compris dans de petites communes en milieu rural où la littérature vivante ne pénètre guère », mettent-ils en évidence.
Selon eux, elle constitue un outil rare de soutien à la fois à la création et à l’éducation artistique, alors même que ces deux missions sont constamment invoquées comme priorités ministérielles. Ainsi, la baisse de subventions ne menace pas seulement le fonctionnement administratif de l’association, mais tout un écosystème littéraire, éducatif et culturel, structuré avec patience depuis des années.
Parmi les projets déjà abandonnés figurent les interventions en universités, les rencontres ouvertes au grand public organisées autrefois au Petit Palais, et désormais le festival Littérature – enjeux contemporains, dont la 15ᵉ édition prévue en décembre au théâtre du Vieux-Colombier semble compromise, rappellent les signataires.
« Le désengagement du ministère viendrait endommager fortement la construction d’un avenir répondant aux priorités de ce gouvernement en matière de livre et de lecture », constate le collectif.
Elle s’inscrit, selon ce dernier, dans un contexte plus large de désinvestissement dans la culture, déjà visible dans certaines régions - comme les Pays de la Loire - où des dispositifs de soutien au livre ont également été amputés : « Reconstituer un paysage aussi fructueux, élaboré de longue haleine, après qu’il aura été sacrifié, provoquerait un dommage dont on aurait du mal à se remettre », assure-t-il. Un courrier a été envoyé à la ministre de la Culture le 2 juin, sans réponse à ce jour.
Dans un article publié dans Le Monde, le ministère de la Culture avait invité la MEL « à se rapprocher des acteurs territoriaux à qui sont désormais confiés les crédits déconcentrés correspondant au développement des activités d’éducation artistique et culturelle ».
Les signataires demandent « au ministère de la Culture de prendre toute la mesure de la gravité que cette fermeture entraînerait quant à la transmission et la formation des générations futures à un moment où la lecture est plus que jamais menacée ». Le ministère se rend coupable, selon ces derniers, d’un remaniement profond des valeurs qu’il est censé défendre : la lecture, la création, la transmission.
À la suite de la publication de cette tribune, la directrice Sylvie Gouttebaron se dit, au nom de la MEL, « très très heureuse, ça fait du bien à l'équipe ». Surtout qu'elle intervient à un bon moment : « La décision du tribunal des Activités économiques de Paris est attendue le 26 juin prochain — avec, en nous, l’espoir que cette mobilisation pèsera dans la balance. » À cette date, on en saura plus : redressement judiciaire ou liquidation...
La liste des 130 écrivains signataires :
Annie Ernaux, Nicolas Mathieu, Mohamed Mbougar Sarr, Philippe Claudel, Brigitte Giraud, Delphine de Vigan, Clara Dupont-Monod, Philippe Delerm, Rachida Brakni, Florence Seyvos, Marie Desplechin, Sorj Chalandon, Marie NDiaye, Lydie Salvayre, Monica Sabolo, David Foenkinos, Marie Modiano, Miguel Bonnefoy, Isabelle Autissier, Jacques Bonnaffé, Dominique A, Sylvain Prud’homme, Alice Zeniter, Jean-Philippe Toussaint, Julia Deck, François-Henri Désérable, Jeanne Benameur, Agnès Desarthe, Anne Berest, Nathacha Appanah, Cécile Coulon, Carole Martinez, Valentine Goby, Valérie Zenatti, Arno Bertina, Philippe Jaenada, Jean-Christophe Bailly, Luc Lang, Marie Nimier, Sylvie Germain, Véronique Ovaldé, Tanguy Viel, Nathalie Azoulai, Chloé Delaume, Gaëlle Nohant, Olivier Cadiot, Leïla Sebbar, Yves Ravey, Olivier Rolin, Jean Rolin, Cloé Korman, Olivier Adam, Jean-Marie Laclavetine, Mohammed AÏssaoui, Gilles Marchand, Loulou Robert, Antoine Choplin, Claudine Galéa, Stéphanie Hochet, Bernard Chambaz, Karine Reysset, Elise Goldberg, Salim Bachi, Iegor Gran, François Beaune, Sophie Divry, Anne Plantagenet, Gaëlle Obiegly, Jérôme Prieur, François Caillat, Adrien Genoudet, Mathilde Forget, Stéphane Audeguy, Hugo Boris, Karim Kattan, Eric Pessan, Louis Vendel, Jean-Baptiste Cabaud, Tiffany Tavernier, Carole Fives, Olivia Rosenthal, Koffi Kwahulé, Dominique Sigaud, Sophie Daull, Yamina Benhamed Daho, Constance Chlore, Vidya Narine, Christian Garcin, Yahia Belaskri, Dominique Fabre, Paula Jacques, Patricia Reznikov, Agnès Riva, Karin Serres, Marie Cosnay, Valérie Mréjen, Victor Jestin, Suzanne Doppelt, Sylvie Tanette, Marielle Hubert, Emmanuelle Favier, Anne Savelli, Sophie Lemp, Elsa Flageul, Cécile Balavoine, Eric Genetet, Alexandra Koszelyk, Nicolas Houguet, Lisa Balavoine, Sébastien Berlendis, Anne Boquel, Etienne Kern, Dalya Daoud, Sylviane Dupuis, Wilfried N’Sondé, Frédérik Houdaer, Judith Wiart, Jean-Pierre Martin, Fabienne Jacob, Franck Courtès, Valérie Rouzeau, Hugo Lindenberg, Christine Montalbetti, Claire Fercak, Ismaël Jude, Colombe Schneck, Alexia Stresi, Minh Tran Huy, Emma Marsantes, Pascal Commère, Marcus Malte, Geneviève Brisac, Sylvain Pattieu, Christophe Fourvel.
Sylvie Gouttebaron nous confiait il y a peu que les salaires ne pourraient plus, à partir de ce mois de juin, être versés aux employés, et qu'une dette de 70.000 € restait à honorer auprès des auteurs. « On a engagé cette somme à l'automne 2024. À cette époque, nous espérions encore recevoir une subvention », précisait-elle.
La situation financière de la MEL n’a cessé de se dégrader ces dernières années. Après le retrait du Centre national du livre, principal soutien historique, en 2019, une convention triennale a été mise en place avec la DRAC Île-de-France. Ce partenariat s’est accompagné d’un financement stabilisé, mais le ministère de la Culture, de son côté, a réduit sa participation : de 500.000 € en 2023, la subvention est passée à 200.000 € en 2025, représentant une baisse de 60 %.
À LIRE - La Maison des Écrivains et de la Littérature, persécutée ou panier percé ?
« On a attendu longtemps pour avoir cette subvention. On est allés les voir directement le 13 février 2024, sinon nous n'aurions jamais eu de réponse », se souvient la directrice. Le ministère a justifié cette réduction par un changement d’orientation stratégique : les crédits sont désormais réaffectés aux collectivités territoriales, supposées porter elles-mêmes les actions d’éducation artistique et culturelle.
Outre les tensions budgétaires, la MEL a également été fragilisée par des conflits internes. Une enquête publiée par ActuaLitté début 2024 évoquait des accusations de « système totalitaire » au sein de la structure. Sollicité par des membres de l’équipe, le syndicat SUD Culture Solidaires a rapporté « une souffrance des équipes », nourrie par des « dysfonctionnements internes, [...] souffrance au travail et [...] insécurité financière ». En 2020, le Conseil de prud’hommes avait déjà condamné la MEL pour avoir abusivement renouvelé le contrat d’une salariée.
La directrice regrette la perte d’un lieu structurant pour les auteurs « n’ont plus de foyers ».
Crédits image : La Maison des écrivains et de la littérature, dans le 16e arrondissement (Celette, CC BY SA 4.0)
Par Hocine Bouhadjera
Contact : hb@actualitte.com
5 Commentaires
rez
17/06/2025 à 16:39
dati doit avoir déjà trouvé un acheteur pour cet immeuble.
jack freshi
17/06/2025 à 22:54
André Gide apporte son soutient indéfectible et pérenne.
On lâche rien !
Cœur avec les doigts
PS : dans l'oreillette on me signale qu'un certain P. Sollers apporte également son soutien à la cause...
comme disait Caligula, il ne faut jamais perdre espoir...
Necroko
18/06/2025 à 06:01
Un cercle vicieux donc pour la littérature et dire que la droite veut éliminer le CNC 🙄 et pourrir l'économie Française avec sa "rigueur" 😒comme elle a pourri l'éducation nationale, la santé, la sécurité, la solidarité (on aurait du retirer sa Légion à Sarkozy juste pour bilan catastrophique).
Mais bizarrement : L'État s’engage à soutenir la filière musicale française à hauteur de 500 millions d'euros
https://www.lemonde.fr/culture/article/2025/06/17/l-etat-francais-promet-500-millions-d-euros-pour-soutenir-la-filiere-musicale-d-ici-2030_6613600_3246.html
tant mieux pour la filière musicale (pitié pas le rap 😖)
j'écoute beaucoup de Nouvelles Chanteuses Françaises (donc tant mieux) :
https://www.youtube.com/watch?v=KU5Ro922qe0&ab_channel=AliceetMoi-Topic
https://www.youtube.com/watch?v=p8AgGTtXmac&ab_channel=Ad%C3%A8leCastillon
https://www.youtube.com/watch?v=_eUYB7M4EDE&ab_channel=CharlotteCardin
https://www.youtube.com/watch?v=VFvDwn2r5RI&ab_channel=MarineVEVO
https://www.youtube.com/watch?v=aoz8YJNWd5w&ab_channel=Solann
https://www.youtube.com/watch?v=E5m7fvgJvK8&ab_channel=yoa
https://www.youtube.com/watch?v=0DRg7XapkTo&ab_channel=StyletoVEVO
https://www.youtube.com/watch?v=hEkFZ_ecjNU&ab_channel=Ad%C3%A9
https://www.youtube.com/watch?v=gIowE-dJuYY&ab_channel=EnolaCox-Topic
https://www.youtube.com/watch?v=fz-VAOtiyW0&ab_channel=CANDICE
https://www.youtube.com/watch?v=z-184f51Nik&ab_channel=helenabllyVEVO
https://www.youtube.com/watch?v=Ag3E7mJeRYI&ab_channel=margueriteVEVO
https://www.youtube.com/watch?v=u1SlD9c9qLM&ab_channel=NinaBattisti-Topic
https://www.youtube.com/watch?v=CpYDOjJu5ko&ab_channel=BarbaraPraviVEVO
https://www.youtube.com/watch?v=1aM8ipEtgs0&ab_channel=PommeOfficialVEVO
🥰
hebert
18/06/2025 à 10:49
Toujours la litanie des arguments qui annoncent la fin de la CULTURE au bénéfices de tous ces auteurs qui œuvrent " pour le rayonnement de la France"
Quand on aura supprimé ce machin , plus personne ne saura p à quoi ça servait.
A part ceux qui en vivaient bien en base clos.
fredo
18/06/2025 à 19:25
Malheureusement tout le monde sait que vous avez raison. (La moitié des signataires du reste qui ne peuvent pas refuser d'apposer leur accord...) Toujours les mêmes auteurs pendant une génération qui trustent les places. Leur écriture s'en ressent mais il ne faut pas trop le dire. Après on pleurniche que les gens ne lisent pas. Mais regardez ceux qui contrôlent cette MEL. Zéro lecteurs mais maintenus artificiellement dans leur petit fauteuil de l'Hotel Particulier à coup de 500000 euros. Lang a eu une idée de génie (prix unique) mais la MEL était un grand ratage... F