Ce jeudi 22 mai, l’Hôtel de l’Industrie (Paris 6e) a accueilli la cérémonie de la 3e édition du Prix du livre La Tribune, placée cette année sous la présidence de l’écrivain et intellectuel Giuliano da Empoli. Après une première sélection de cinq ouvrages dans les catégories Fiction et Essai en mars, puis une seconde délibération le 30 avril, le jury — composé de quatorze membres* — a finalement rendu son verdict.
Deux lauréats ont été distingués parmi les finalistes : Justine Augier pour son essai Personne morale (Actes Sud), et Abel Quentin pour son roman Cabane (L’Observatoire).
À travers l’enquête sur les agissements de Lafarge en Syrie, Justine Augier plonge au cœur des mécanismes qui poussent certaines entreprises à transgresser leurs principes.
Rédigé avec l’intensité d’un thriller, son essai interroge la notion de responsabilité morale et juridique face aux enjeux géopolitiques contemporains. Grâce à l’engagement de femmes courageuses décidées à faire éclater la vérité, elle montre qu’il est encore possible de résister, et de rendre justice.
« Ce récit haletant nous confronte à l’ambiguïté des choix et à la tentation du renoncement, et met chaque décideur face à ses devoirs. »
Avec finesse et ironie, Abel Quentin s’inspire du rapport Meadows (1972) — célèbre pour ses prédictions sur l’effondrement écologique — pour imaginer le destin des quatre scientifiques à l’origine de cette alerte.
Entre satire politique et drame intime, Cabane dresse le portrait de personnages hantés par leurs choix, notamment Gudsonn, le génie norvégien reclus dans une cabane perdue, à mi-chemin entre refuge et prison mentale.
« Une fiction grinçante et tragique qui nous tend le miroir d’un monde au bord du précipice. »
Dans son allocution, Denis Lafay, fondateur du Prix, a salué la pertinence et l’actualité des deux œuvres primées. Pour lui, elles incarnent une interrogation centrale : comment chacun de nous, auteur comme lecteur, conçoit-il et exerce-t-il sa responsabilité ?
« Les deux lauréats, l’ensemble des finalistes, et le président de la cérémonie Giuliano da Empoli partagent un même mantra : ils investiguent l’exercice de la responsabilité, et donc ils interrogent chacun d’entre nous, lectrice, lecteur, dans sa conception de la responsabilité, son rapport à la responsabilité. Sa responsabilité vis-à-vis de la responsabilité. De quel substrat éthique cimentons-nous notre pratique de la responsabilité ?
Appliqué à l’écriture, le sujet de la responsabilité est vertigineux. L’auteur est-il toujours et totalement responsable de son texte ? Est-il investi d’une responsabilité à l’égard des lecteurs ? ou des enjeux de son époque ? Sait-il qu’il contribue à éveiller, à remuer, à stimuler le sens que le lecteur affecte à la responsabilité ? Est-il conscient que son travail, qu’il soit rigoureux essai ou fantasque roman, peut porter une responsabilité politique ?
Il faut lire les ouvrages des lauréats comme L’Heure des prédateurs de Giuliano da Empoli : une mise en garde. Et une exhortation : être ensemble responsables, afin de protéger les principes démocratiques de ceux qui veulent les tordre. Ces livres sont une boussole, laquelle fournit un examen, aide à comprendre, invite à agir en responsabilité : voilà comment je résume l’ADN de La Tribune, celui du Prix éponyme, et l’objet même des livres célébrés ce soir ».
Crédits photo : Prix La Tribune
Par Dépêche
Contact : depeche@actualitte.com
Paru le 04/09/2024
284 pages
Actes Sud Editions
22,00 €
Paru le 21/08/2024
477 pages
Editions de l'Observatoire
22,00 €
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