Le fameux Prix mondial Cino Del Duca 2025, qui s'accompagne d'une dotation de 200.000 €, vient d'être remis à Boualem Sansal, pour l'ensemble de son oeuvre littéraire. L'auteur franco-algérien s'est également vu décerner le prix Jiří Theiner lors du Salon du livre de Prague, alors que l'audience de son procés en appel a été reportée au 24 juin.
Le 21/05/2025 à 12:36 par Ugo Loumé
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Publié le :
21/05/2025 à 12:36
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Sur proposition du jury du Prix mondial Cino Del Duca, présidé par Monsieur Amin Maalouf, Secrétaire perpétuel de l’Académie française, le Comité de la Fondation Del Duca, présidé par Xavier Darcos, Chancelier de l’Institut de France, a attribué le Prix mondial 2025 à Boualem Sansal.
Créé en 1969 par Simone Del Duca, le Prix mondial distingue la carrière d’un auteur dont l’œuvre, qu’elle soit de nature littéraire ou scientifique, incarne un message d’humanisme contemporain. Il a déjà couronné de grands auteurs et autrices comme Léopold Sédar Senghor, Jorge Luis Borges ou Maryse Condé. L'an dernier c'est Yasmina Reza qui le recevait.
Le jury se compose de Amin Maalouf, Dominique Bona, Daniel Rondeau, Sylviane Agacinski, Michel Zink, Jean-Noël Robert, Bernard Meunier, Patrick Flandrin, Muriel Mayette-Holtz, Adrien Goetz, Rémi Brague, Pierre Brunel, Nicolas Baverez, Claudie Haigneré.
Ces derniers ont souligné un « romancier majeur de la scène francophone » : « Avec un courage rare et une plume d’une grande élégance, son œuvre traduit son engagement indéfectible envers notre langue commune et les valeurs qu’elle porte. »
Ce jeudi 15 mai, l'auteur a également reçu le prix Jiří Theiner au Salon du livre « Svět knihy » à Prague. Du nom du journaliste tchèque Jiří Theiner, exilé à Londres sous le régime communiste, ce prix est remis chaque année « à un écrivain qui est en butte aux oppressions et aux difficultés autour de la liberté d'expression ». Il était décerné l'an dernier à Elif Shafak, écrivaine turque en exil à Londres.
Boualem Sansal, né en 1949 à Théniet El Had (Algérie), est ingénieur de formation et docteur en économie. Il a exercé successivement les fonctions d’enseignant universitaire, de chef d’entreprise puis de haut fonctionnaire. C’est à l’âge de 50 ans qu’il entame une carrière littéraire, mue par une volonté de décrypter l’impasse politique, sociale et économique de son pays natal.
Son premier roman, Le Serment des barbares (Gallimard, 1999), est une critique de la faillite de l’État algérien. En 2003, toujours chez Gallimard, la publication de Dis-moi le paradis, son troisième roman, couplée à ses prises de position publiques contre le régime, entraîne son éviction du ministère de l’Industrie, où il occupait le poste de directeur général.
Il réagit à cette exclusion par un texte bref et incisif, Poste restante : Alger (Gallimard, 2006), lettre ouverte à ses compatriotes, censurée et interdite de diffusion en Algérie. Avec Le Village de l’Allemand (Gallimard, 2008), Boualem Sansal établit un parallèle entre les massacres de la guerre civile algérienne et les crimes de la Seconde Guerre mondiale. Récompensé par le Grand Prix RTL-Lire, ce livre vaudra aussi à son auteur le Prix de la paix des libraires allemands en 2011.
L’islamisme, thème central dans sa réflexion, est au cœur de son essai Gouverner au nom d’Allah (Gallimard, 2013), sous-titré « Islamisation et soif de pouvoir dans le monde arabe ». Avec 2084 : la fin du monde (Gallimard, 2015), couronné par le Grand Prix du roman de l’Académie française, Boualem Sansal garde son thème de prédilection. « Dans cette dystopie, il rend hommage à Orwell tout en brocardant les dérives totalitaires d’un radicalisme religieux menaçant les démocraties », explique le communiqué du Prix mondial.
À LIRE — Boualem Sansal : l'Assemblée nationale vote une résolution pour sa libération
Depuis son arrestation, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal est devenu une figure emblématique de la défense de la liberté d’expression. Son cas suscite une mobilisation croissante au sein des milieux culturels et politiques francophones. La remise de ce prix en est une nouvelle manifestation.
Poursuivi en Algérie pour des chefs d’accusation tels que l'« atteinte à l’unité nationale », « outrage à corps constitué », « pratiques de nature à nuire à l’économie nationale », détention de contenus jugés menaçants pour « la sécurité et la stabilité du pays » et « intelligence avec l’ennemi », Boualem Sansal a été condamné le 27 mars dernier par le tribunal correctionnel de Dar El Beida, à cinq années de prison ferme, assorties d’une amende de 500.000 dinars (environ 3500 euros).
Il a depuis interjeté appel de cette décision. L'AFP nous apprenait ce 20 mai que la date de son audience avait été reportée au 24 juin, « à la demande de l’intéressé pour lui permettre de constituer sa défense », selon les déclarations du bâtonnier d’Alger, Mohamed Baghdadi.
Photographie : Boualem Sansal, en 2018 (ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
Par Ugo Loumé
Contact : ul@actualitte.com
Paru le 10/04/2001
461 pages
Editions Gallimard
9,50 €
10 Commentaires
Aucun paradoxe...
21/05/2025 à 13:57
Pas chez Sansal, en tout cas...
En Algérie, sans aucun doute. Pays, champion du vice et de la barbarie, qui se présente comme vertueux. Pays qui joue la pleureuse victimaire quand son pouvoir est tortionnaire.
Edco
21/05/2025 à 21:05
Mais quel dommage qu'il ne puisse le recevoir..en présentiel ! Courage à lui ....
LUNA
22/05/2025 à 09:45
Il est acquis que cet écrivain est devenu un otage.
Mais au vu de ses écrits, pourquoi courir le risque de " s'offrir " en victime? Et s'il courait un risque pourquoi la DGSE ne l 'a pas informé?. Résumons: quel que soit le statut de Sansal, il doit être libéré et autorisé à rejoindre la France.
L Algérie, le Mali, Le Burkina Fasso, le Niger, etc partout où se déplace Macron il y a des dégâts. Sans parler même de la Nouvelle Calédonie. Il soutient le Maroc sur un conflit "algéro- marocain, et retour de bâtons.
Je ne serais pas surpris que les récentes actions contre les soi- disant les Frères Musulmans en France ne soient la continuité de la " guerre post coloniale franco- algérienne ( je ne dis pas que
l 'Algérie est dans ses droits.. loin de là pour le cas Sansal)
J'aimerais que des sujets graves, soient exposés, surtout ici: on peut montrer que dans les pays où l islam domine, écrire une fiction est impossible, puisque pour dans roman par exemple, on télescope des interdits enserrés dans le coran. Pourquoi personne ne travaille ce sujet?
Erratum
22/05/2025 à 11:46
Partout où se déplace Macron... La Luna et le doigt ?
Niger, Algérie, Burkina...
Les deux premières sont des dictatures militaires (islamiques).
Le dernier, autrefois tranquille, j'y suis allé en touriste il y a quelques années, est désormais victime du terrorisme islamique et risque de verser dans la dictature militaire pour le contrer.
La suite de votre publication est plus pertinente. Oui, il y a une incompatibilité insurmontable entre l'islam et la démocratie ou la liberté (aucun pays démocratique avec l'islam comme religion d'Etat).
Ne cherchez pas à défendre l'Algérie, où règnent l'incompétence et la corruption, et qui pratique la victimisation avec un talent certain. Il est temps d'arrêter de se sentir coupable et redevable envers ce pays. Qui n'utilise la période de colonisation que comme paravent à ses méfaits, vis à vis de son peuple, et chantage politique permanent, vis à vis de la France.
Le sujet frériste n'a rien à voir avec la choucroute. C'est un autre front de combat, y compris de la plupart des pays arabes - où cette mouvance est interdite - qui connaissent bien les liens entre les FM et le terrorisme islamiste.
La publication du rapport du gouvernement ainsi que, en même temps, la fuite du manuel des FM révèle qu'il s'agit d'une menace gigantesque contre nos démocraties.
On commence à prendre la mesure d'un phénomène qui s'est developpé en France depuis 1989 et les voiles de Creil.
Pour info, les FM ont presque cent ans. C'est vous dire s'ils sont patients. Leur but est d'imposer la charia au niveau mondial, par le calme (entrisme) et la violence (terrorisme).
La gauche radicale qui sort encore et toujours les accusations d'islamophobie, par pur cynisme électoral, me donne l'impression de revivre la collaboration face aux invasions barbares. Honte à elle !
Rémi Vincent
22/05/2025 à 11:21
Pour l'algérien lambda, Boualem Sansal, représente la bourgeoisie, voire rien du tout.
Peu d'Algériens lisent du Boualem Sansal ?
Il est retourné dans son pays, croyant naïvement qu'il serait félicité.
Une erreur de sa part.
Rémi Vincent.
Christiane Fath
24/05/2025 à 21:01
Il est peu lu en Algérie parce que ses livres sont interdits mais ils circulent sous le manteau ! On les trouve à l’aéroport, en zone internationale.
Le 16 novembre, il rentrait chez lui, dans sa maison à Boumerdēs. Même si désormais il a la nationalité française, ça ne lui enlēve pas la nationalité algérienne.
Aurélien Terrassier
23/05/2025 à 09:52
Le talent littéraire de Boualem Sansal ne saurait me faire oublier qu'il défend des idées d'extrême droite allant de la "reconversion" au "grand remplacement" en passant par l'anti-wokisme. Ceci dit, il serait temps enfin que l'Algérie le libère sans condition et certainement avec quelques mesures xénophobes du gouvernement visant à supprimer quelques visas. Son procès est prévu le 1er juillet et là, la France via Jean-Noel Barrot va devoir faire front face au régime algerien répressif.
Edco
23/05/2025 à 11:14
24 juin .....
Aurélien Terrassier
23/05/2025 à 14:03
Proces 24 juin et aux dernières informations, jugement 1er juillet selon ́le Figaro. https://www.liberation.fr/societe/police-justice/boualem-sansal-le-proces-en-appel-de-lecrivain-franco-algerien-se-tiendra-le-24-juin-20250520_L5PWFRPK7JACBHXZWMU4ZHH5GQ/
-J.Cutler
26/05/2025 à 07:42
Tant qu'un écrivain sera ostracisé pour son inspiration -et donc, parfois, pour ses idées lorsqu'elles transparaissent - sa "forme" sera occultée, bien qu'étant primordiale. Scandale d'une société où l'illettrisme croît de façon exponentielle.