"La mer d'Aral est le plus grand désastre écologique contemporain"
On apprend à l'école qu'un fleuve est un cours d'eau qui se jette dans la mer. Cette définition très européano-centrée est en réalité trompeuse. On en tient pour preuve le dernier livre de Cédric Gras, Les Routes de la soif (Stock), dans lequel l'écrivain-voyageur part à la découverte de la mer d'Aral asséchée, de l'Amou-Daria, le fleuve qui l'alimentait jadis et qui ne se déverse à présent plus nulle part, et du glacier Fedtchenko, la source de toute cette eau.
Le 17/05/2025 à 12:17 par Ugo Loumé
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17/05/2025 à 12:17
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Nous le retrouvons à Montpellier, dans le jardin ombragé d'un hôtel particulier de la ville, à l'occasion de la 40e Comédie du Livre. Une soixantaine de personnes sont venues participer à ce petit-déjeuner-conférence en extérieur, lors duquel Cédric Gras donne les détails de ce voyage de 2500 kilomètres, effectué en trois temps.
D'abord accompagné de son ami l'aventurier Matthieu Tordeur, il fait une première expédition de repérage, puis une deuxième avec une caméra, qui débouchera sur le documentaire Aux sources de la mer d'Aral, disponible sur Arte. C'est lors de ce voyage que les deux hommes remonteront de la Mer d'Aral, en Ouzbékistan, au glacier Fedtchenko, au Tadjikistan, le long de l'Amou-Daria, fleuve qui permet notamment d'alimenter la culture de coton dans la région.
Enfin, il fait un troisième voyage, plus confidentiel, après avoir décroché un visa individuel de dix jours pour le très fermé Turkémnistan — qui lui avait précédemment fermé sa frontière. Dans ce pays soumis à un régime autoritaire, il peut découvrir le canal du Karakoum, qui détourne l'eau de l'Amou-Daria dans le désert, là aussi pour irriguer entre autres des champs de coton.
À l'origine, Cédric Gras n'avait pas prévu de faire de ces expéditions un récit littéraire, c'est en rentrant qu'il s'est dit « il y a un livre à faire ». Il a alors rassemblé toutes ses notes, prises « de manière aléatoire selon la motivation, la fatigue, l’humeur, l’intérêt la journée », pour écrire. « Kessel expliquait que l’écrivain-voyageur c’est 6 mois nomades et 6 mois sédentaires voire très casaniers », et nous voici donc aujourd'hui avec Les Routes de la soif.
Un désastre écologique visible à échelle d'une vie
Et il y avait bien un livre à faire, car ce qui se passe dans cette partie d'Asie centrale est, selon Cédric Gras, « le plus grand désastre écologique contemporain ». À l'échelle d'une vie — et même un peu moins —, la mer d'Aral est devenue en Ouzbékistan le désert d'Aral. D'une mer où était pratiquée il y a quelques décennies encore la pêche hauturière, il ne reste aujourd'hui presque plus rien, à peine une grosse flaque dans sa partie kazakhe.
« Les enfants apprennent qu’il y avait une mer ici, mais ils ne l’ont jamais vue », explique l'écrivain-voyageur. Il nous parle d'Ali, un des derniers habitants de la région à avoir connu la Mer d'Aral, il était mousse sur un chalutier soviétique, et traversait sur ces immenses navires une zone qu'on peut désormais parcourir à pied.
Le lieu évoque maintenant dans l'imaginaire collectif des photos d'épaves rouillées reposant sur le sable. Une image partiellement fausse, nous dit Cédric Gras, car « quand les pécheurs ont compris que l'eau ne reviendrait pas, ils ont tout de suite revendu la feraille avant qu’elle rouille ».
Mais comment en est-on arrivé là ? L'écrivain voyageur nous apprend que tout a débuté à l'époque soviétique, avec les grands chantiers staliniens de creusement de canaux : « Quand ils arrivent en Asie centrale, les bolchéviks veulent verdir le désert. Ils disent “les fleuves soviétiques couleront là où les bolchéviks le voudront”. »
Un projet à l'échelle de la démesure de l'ex-URSS, qui a tout de même permis à ces pays en -stan de se former une économie. Ainsi, Cédric Gras tempère : « S’offusquer de tout ça, c’est aussi leur reprocher de s’être développés. C’est délicat. »
Lui, qui a rencontré la population locale, explique que si la disparition de la mer d'Aral les attriste, les habitants disent : « L’eau du fleuve, on préfère qu’elle aille dans nos champs que dans la mer. » Alors ce qui les inquiète vraiment, c'est la situation de l'Amou-Daria, sur lequel repose toute l’économie et l’aménagement du territoire, et dont la dernière goutte se trouve à 100 km de la mer d'Aral « et ils ne font que s’éloigner ».
Cédric Gras expose l'histoire de ce « fleuve mythique », divinisé à l'époque pré-monothéisme, exploité par les soviétiques, et aujourd'hui lui aussi en danger. Sa source, le glacier Fedtchenko, « recule et s’est légèrement aminci », même s'il n'est pas encore menacé de manière aussi dramatique que d'autres glaciers de la planète.
« Mais ça reste une très mauvaise nouvelle, car le fleuve est entièrement consommé par les hommes », poursuit-il, et si sa source se tarit progressivement, une pénurie pourrait rapidement survenir. Ce glacier, que Cédric Gras, passionné d'alpinisme, a parcouru, forme pour les populations locales un véritable « château d'eau » qui, s'il venait à disparaitre, laisserait toute la région dans la sécheresse.
Crédits image : ActuaLitté CC BY SA 2.0
DOSSIER - La Comédie du Livre de Montpellier fête ses 40 ans
Par Ugo Loumé
Contact : ul@actualitte.com
Les routes de la soif
Paru le 29/01/2025
247 pages
Stock
20,50 €
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19 Commentaires
Sylve
18/05/2025 à 00:56
"L’eau du fleuve, on préfère qu’elle aille dans nos champs que dans la mer"
L'assèchement de la mer d'Aral n'est pas un désastre si la contrepartie est le développement humain. Il n'y a qu'un écolo, qui n'aime pas le genre humain, pour penser le contraire.
La vraie question est dans le partage de l'eau du fleuve.
Luna
18/05/2025 à 11:27
" L'assèchement de la mer d'Aral n'est pas un désastre si la contrepartie est le développement humain. "
Ridicule !
La mer, c'est aussi l'évaporation de l'eau salée en eau de pluie sans ses impuretés.
Briser le cycle naturel de l'eau, ce n'est pas une histoire d'écolo, c'est un désastre aux conséquences mortifères pour la faune, pour la flore et pour les populations locales sacrifiées, pour ne développer que les intérêts financiers des lobbyistes qui préservent très bien leur cycle de l'eau chez eux !
Non, aucun développement n'a de sens, s'il se fait sur le dos d'un écosystème.
Sylve
18/05/2025 à 23:40
Cette eau n'est pas perdue. Elle est utilisée ailleurs avant et rendue à la nature ensuite et ailleurs.
La question se résume donc bien, ne vous en déplaise, à : qui profite de cette eau ? La population locale des rives de la mer où d'autres populations locales en amont ?
Mais bien sûr, vous vous avez la réponse. Votre morale écolo anti-capitaliste vous autorise à choisir, à des milliers de kms de là, sans connaître grand chose de l'économie, ni locale ni globale, à part quelques mantras foireux, qui a droit de vivre ou de souffrir : vous privilégiez les pêcheurs au détriment des cultivateurs...
Et puis bon, c'est un peu n'importe quoi d'accuser le grand méchant capitaliste quand la cause du dit assèchement est liée à vos amis communistes de l'ère soviétique.
Ce qui confirme que c'est bien dans nos sociétés capitalo-liberales que l'attention portée à l'environnement est la plus grande !
Nico
19/05/2025 à 07:04
Que le communiste est pu être ecocidaire cela ne fait aucun doute.
Mais de la a dire que les sociétés capitalo liberales soit une avancée dans la protection de l'environnement, est difficile a accepter au regard des faits et des chiffres que la science relève depuis des décennies. Trump serait capable d affirmé la même chose. L ère de la post vérité et de la négation scientifique est dangereuse pour l avenir du vivant (humain et non humain). Permis les les espèces susceptible d occasionnée des dégâts nous sommes les plus dangereux et depuis bien longtemps encore plus avec l appétit féroce et dévorant de du capitalo extractivisme. A regarder que notre petit nombril nous allons perdre l essentiel, il est temps de faire un pas de côté pour enfin ne plus compromettre l avenir des générations futures.
Sylve
19/05/2025 à 13:26
Eh bien, comparez la qualité de l'air, de l'eau, des sols, etc. en Occident, en Chine, en Inde, en Russie, en Afrique et on en reparle !
Un peu normal puisque les préoccupations environnementales sont un luxe de pays riches et développés.
Mais bien évidemment ce sont toujours les mêmes qui s'appuyant sur les vieux fantasmes anticapitalistes au lieu de regarder les stats des ministères de l'environnement racontent n'importe quoi.
Je devrais m'y habituer à force, mais non, c'est toujours aussi pénible !
Nico
19/05/2025 à 20:20
Boue rouge, algue verte, chute vertigineuse de la biodiversité, réchauffement climatique et dérèglement climatique avec sont lot de tornade, secheresse, canicule inondations, toujours plus fréquents et plus intense, fonte des glaciers, PFAS, couloir de la chimie dans le Rhône, nitrate en agriculture,des millions de morts chaque année du a la pollution de l air, maladie auto immune, cancer pédiatrique toujours plus nombreux, allergie voilà quelques maux engendré par le capitalocene.
C est ça le progrès environnemental du libéralisme?
Soyons sérieux 5 min écoutons les scientifiques ceux qui sont sur le terrain. Là où vous avez raisons c est que l'air c est améliorée en occident au détriment des pays du sud. Les occidentaux on déplacé leurs problématiques de pollution vers d autres pays. Notre confort repose sur l autre l inconfort des autres.
@ Nico et aux autres...
22/05/2025 à 08:33
"Là où vous avez raisons c est que l'air c est améliorée en occident au détriment des pays du sud. Les occidentaux on déplacé leurs problématiques de pollution vers d autres pays"
Ne soyez pas franco-centré en plus d'être anticapitaliste. Si la France a en effet désindustrialisé, suivant en cela Jean Fourastié et son amour du tertiaire, la plupart des autres pays européens ont conservé leur secteur industriel intact (part de l'industrie dans le PIB).
Les progrès sur la qualité de l'air nous sont bien intrinsèques. Que ce soit dans l'industrie ou les transports (normes Euro), depuis les premières lois françaises et directives européennes contre la pollution atmosphérique, au début des années 1990.
Bien sûr qu'une promenade dans les Cevennes vous remplira d'air plus sain que dans les couloirs du métro parisien, mais dans les villes européennes l'air y est résolument plus pur qu'à New Delhi ou Shangai.
Voici un article, avec des faits et des stats, pour debunker les idées lues ici de type "café du commerce" :
https://www.contrepoints.org/2021/11/27/415135-l-environnement-propre-est-lie-au-capitalisme
Luna
22/05/2025 à 11:34
Obsolète face au poids écologique du numérique, un pognon de dingue pour certains qui continue de croître de façon exponentielle et qui menace pour la bonne cause remplir les poches des lobbystes autant le climat et que biodiversité
https://infos.ademe.fr/magazine-janvier-2025/le-poids-ecologique-du-numerique-comment-freiner-lemballement/
On s'eloigne...
22/05/2025 à 14:35
On parlait de pollution.
Les émissions de GES, c'est autre chose.
D'ailleurs, et c'est amusant, la mer d'Aral n'existait pas à l'époque glaciaire, juste avant la notre. Sa formation est liée au réchauffement climatique. Probablement parce qu'elle est alimentée par des glaciers, à des centaines de kms de là...
Jean-Luc Tendil
20/05/2025 à 00:54
Comparer la qualité de l'air en France et, par exemple, en Russie, n'a aucun sens. La Russie est un pays gigantesque avec des situations environnementales très contrastées. Quant à la France, certes, elle est plus petite, mais vous vous doutez bien que la qualité de l'air n'est pas la même dans l'agglomération parisienne et dans les Cévennes !
Luna
19/05/2025 à 08:29
Chez les lobbyistes, n'en déplaise à votre bien-pensance à géométrie variable, un seul drapeau, une seule couleur, l'argent.
Et comme disait Albert Camus " La mer, elle même, avait perdu son bleu profond et, sous le ciel brumeux, elle prenait des éclats d'argent et de fer"
Préserver l'environnement et tous les êtres vivants qui en dépendent, c'est notre devoir, le seul chemin de la paix.
Camus pour Camus...
20/05/2025 à 07:45
"La bêtise insiste toujours"...
Nico
20/05/2025 à 20:02
Il insiste et il persiste
L’étude avance que les États démocratiques modifient leurs processus de production, pour que les biens très polluants soient fabriqués à l’étranger, plutôt que sur le territoire national, avant d’être importés. « Cela concerne la production d’acier, de produits chimiques, d’électronique ou de papier, mais aussi de nombreux autres biens, dont la production est responsable d’une forte pollution », précise Thomas Bernauer à Reporterre. En France, la suppression des délocalisations ferait augmenter les émissions d’environ une tonne d’équivalent CO2 par habitant et par an, d’après l’étude, soit une hausse de 16 %. Voilà l'article en entier
https://reporterre.net/Les-Etats-democratiques-ne-polluent-pas-moins-ils-delocalisent-leurs-emissions?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=nl_quotidienne
En réponse
23/05/2025 à 09:08
En réponse, extrait de l'article que j'évoque plus haut :
"L’économiste Daniel Fernández Méndez a abordé l’objection potentielle selon laquelle les pays jouissant d’une plus grande liberté économique délocalisent leurs industries polluantes vers le tiers monde moins libre, tout en conservant les industries non polluantes dans leur pays.
Or, ce n’est manifestement pas le cas. Son analyse des investissements réalisés par les pays ayant des normes environnementales élevées révèle que seulement 0,1 % de leurs investissements étrangers vont vers des pays ayant des normes environnementales faibles."
Voilà pour le cas général.
Vous noterez que l'article de Reporterre abonde globalement dans mon sens :
"Si les États démocratiques sont souvent présentés comme plus avancés que les autres sur la question de l’écologie, une étude tend à nuancer le propos."
Première remarque. L'article de Reporterre confond, comme souvent, ce qui amoindrit son sérieux, GES et pollution.
Deuxième remarque. Le seul cas cité est celui de la France :
"En France, la suppression des délocalisations ferait augmenter les émissions d’environ une tonne d’équivalent CO2 par habitant et par an, d’après l’étude, soit une hausse de 16 %".
En admettant que ce chiffre soit le bon (ce dont je doute, eu egard à mon 0,1 % au niveau des investissements), je vous rappelle qu'en 20-30 ans, pour des raisons ideologiques, la France a perdu la moitié de son tissu industriel. La part industriel de son PIB est passé de 20 % à 10 %. Au niveau européen, la France fait figure d'exception. Le chiffre alarmiste brandi par Reporterre me paraît donc bien peu représentatif de la réalité globale.
Félix
18/05/2025 à 05:58
Tout à fait d'accord, car si je connaissais bien l'état d'assèchement de la mer d'Aral - grâce à un documentaire britannique sur YouTube - je n'étais pas au courant de l'ampleur de cette situation catastrophique sur le plan environnemental et climatique.
Donc, j'ai effectué mes propres petites recherches, notamment dans un excellent livre d'histoire et de voyage, par Geordie Torr, sur la région intitulé "The Silk Roads" (Les routes de la soie, Seinstrasse en allemand, mot attesté pour la 1ère fois en 1807) et publié par les Éditions Arcturus en 2018.
Une carte dans ce livre montre à la page 9 que La Route de la steppe eurasienne passe aussi au nord de la mer d'Aral et que cette dernière est bordée à l'est par le Turkistan occidental.
Finalement, voici d'autres informations géographiques et historiques autrement intéressantes que j'ai pu glanées à ce sujet :
le fleuve Amou-Daria d'Asie centrale, principalement utilisé pour l'irrigation, était autrefois connu comme l'Oxus et prend sa source dans les Pamirs et se jette dans la mer d'Aral 2 540 km plus loin.
Celle-ci est un grand lac salé d'Asie aux confins du Kazakhstan et de l'Ouzbékistan et fait actuellement 34 000 km en superficie, alors qu'en 1960, c'était 68 000 km carré.
Par ailleurs, elle reçoit aussi les eaux d'un autre cours d'eau, le Syr-Daria. Mais, cette diminution de superficie est en grande partie due à l'intensité croissante de l'irrigation, notamment pour les besoins agricoles des pays environnants.
(in Le Petit Larousse Illustré, 2010).
Nico
18/05/2025 à 08:41
C est malheureux pour les hommes tout autant pour la faune sauvage ( halieutique et aviaire) dependante de cette mer,
Disparu aussi.
Luna
18/05/2025 à 10:01
« S’offusquer de tout ça, c’est aussi leur reprocher de s’être développés. C’est délicat. »
Ce qui est moralement discutable, n'est pas économiquement viable.
Ce qui est délicat, c'est de risquer la mort par inanition ; où sont les poissons qui nourrissaient ces peuples, pas dans le coton et pas dans les nuggets du Capitaine Iglo non plus !
Ce qui est criminel en plus d'être délicat, c'est de privilégier les intérêts courtermistes de quelques uns, mais souvent toujours les mêmes, sur une dette collective qui ne se tarit pas.
Jeanluc
18/05/2025 à 21:36
Contrairement à ce que j entends ici, la mer d Aral n est pas qu une flaque, elle se remplit à nouveau depuis une quinzaine d années, et la pêche a repris.
Pendant ce temps. Personne ne parle de l asséchement du détroit du Colorado.
LUNA
19/05/2025 à 11:56
Tout ce qui provient de la fausse chaîne et culturelle, ARTE financement ou programmation, doit être passé au crible.
Perso je ne prends pas.
Un sujet plus complexe que ce qui est, ici, résumé
Normal il faut bien participer à la curée russophobe pour, dans le Quartier Latin, de retour de une " grande expédition" marcher sur les trottoirs.. pour y être reconnu !!