On l'a déjà dit, tout le monde célèbre un anniversaire spécial en cette année 2025. Et quel anniversaire que celui qui marque la moitié d'un siècle, celui que fêtent les éditions Zoé aujourd'hui. À l'occasion de la Comédie du Livre de Montpellier, la maison suisse revient sur 50 ans d'histoire, de la production artisanale de ses débuts jusqu'aux succès récents de Gabriella Zalapì ou Max Lobe en passant par des auteurs classiques comme Robert Walser et Nicolas Bouvier.
Le 17/05/2025 à 16:05 par Ugo Loumé
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Publié le :
17/05/2025 à 16:05
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Nées en 1975 — à prononcer septante-cinq — dans un garage genevois, à la manière d'une start-up avant l'heure, les éditions Zoé ont vu le jour dans le sillage des contre-cultures des années soixante. À leurs débuts, trois fondatrices – Marlyse Pietri, Sabina Engel et Arlette Avidor – s’affranchissent des codes : elles éditent, mettent en page, impriment et diffusent elles-mêmes, refusant toute hiérarchie entre travail intellectuel et manuel. Cette démarche artisanale et collective marque profondément l’identité de la maison.
Les premiers auteurs donnent le ton d’un catalogue ancré dans l’humain et le politique : « Il s’agissait de donner la parole à ceux qui ne l’avaient pas », nous dit Caroline Couteau, lors de la table ronde dédiée à la maison à la Comédie du Livre. On peut ainsi citer les enquêtes de terrain de Nicolas Meienberg, le féminisme d'Amélie Plume, ou encore le témoignage de la vie de femme de chambre de Madeleine Lamouille.
Cette ligne engagée se double d’une forte exigence littéraire à partir de 1983, lorsque Marlyse Pietri prend seule la direction de la maison et donne une nouvelle inflexion au catalogue, en même temps qu’elle y intègre des traductions.
Mais jusqu’en 1992, aucune maison d’édition de la région ne traversait le jura pour se retrouver dans les librairies françaises. Toutes, Zoé comprise, devaient se plier à la règle de la coédition avec une maison de l’hexagone pour quitter la Suisse. Alors pour Marlyse Pietri, l’enjeu devient clair : conquérir le reste de la francophonie sans poser d’autre nom que celui de Zoé sur ses livres. Pour cela, elle peut compter sur deux nouveaux auteurs majeurs de la maison, Robert Walser et Nicolas Bouvier, qui lui permettent de trouver un diffuseur acceptant de la distribuer en France.
En 2011, Marlyse Pietri propose à Caroline Coutau de reprendre la maison d’édition. « La panique totale », explique cette dernière. En accord avec la ligne de sa prédécesseure, il n’était pas question pour elle de tout révolutionner. La tâche était autre : « Il m’a fallu gagner la confiance des auteurs déjà au catalogue, d’abord, puis exister et m’y retrouver personnellement. »
Une nouvelle génération d’auteurs rejoint alors Zoé, mobile, inventive, styliste et collective : « La chance que j’ai eue, confie la nouvelle directrice, c’est qu’au bout de deux ans sont arrivés Aude Seigne, Max Lobe, et toute une ribambelle de jeunes talents qui se sont beaucoup stimulés les uns et les autres. »
Puis vient aussi une collaboration étroite avec l’Université de Lausanne qui permet à Zoé de publier entre autres du Ramuz en poche, un coffret de 4 volumes des Œuvres complètes de Gustave Roud ou encore la correspondance foisonnante entre Corinna Bille et Maurice Chappaz. À ces titres s’ajoutent Tout Catherine Colomb et plusieurs œuvres et correspondances de Blaise Cendrars : avec Zoé, le patrimoine littéraire suisse s’épanouit comme jamais.
À Montpellier, Caroline Coutau est accompagnée de Bruno Pellegrino, auteur qu’elle a publié et qui est devenu ensuite éditeur chez Zoé. « Quand j’ai terminé mon premier manuscrit en 2015, il était évident pour moi que je voulais l’envoyer à Zoé, même si je n’ai intégré le catalogue que 3 ans plus tard », explique ce dernier. En même temps, le jeune auteur connait beaucoup d’écrivains pour qui il fait des retours sur leurs manuscrits. Quand Caroline Couteau l’apprend, elle lui propose de rejoindre la maison comme éditeur. « C’était à une fête de noël, au départ je pensais que c’était une blague », confie Bruno Pellegrino.
La maison a ainsi pu constituer un catalogue solide au fil des ans. « Il y a une espèce de reconnaissance, comme une bande », nous dit Caroline Coutau. Une bande qui s’est déplacée en nombre à Montpellier : Max Lobe, Anne Brécart, Annette Hug, Camille Luscher, ou encore Gabriella Zalapì et Roland Buti qui sont présents à la table ronde.
Ce dernier, qui a intégré la maison du temps de Marlyse Pietri, résume bien l’osmose qui existe entre les auteurs de Zoé : « Plus ça avance, plus le catalogue augmente et on est fier d’être une petite partie de cette équipe. » Comme Bruno Pellegrino, il explique qu’au moment d’envoyer son premier manuscrit, l’idée ne lui a pas traversé l’esprit de solliciter quelqu’un d’autre que la maison genevoise.
Un attrait naturel renforcé par l’exigence littéraire — « je suis resté chez Zoé pour sa bienveillance sévère », dit-il — mais aussi esthétique de la maison : « Je suis un fétichiste des livres, explique-t-il, j’aimais bien la qualité physique du livre, et ceux de Zoé sont très travaillés. »
Pour ça, la maison peut compter sur des éditeurs d’une grande rigueur, comme en témoigne l’exigence de Bruno Pellegrino : « Quand on voit la quantité de livre qui parait chaque année, je me dis que si on veut en ajouter un autre à la pile, la moindre des choses c’est qu’il soit parfait. Évidemment ça rate à chaque fois, mais c’est mon exigence. »
Exigence qui se conjugue, comme le disait Roland Buti, à une bienveillance dans la manière de communiquer avec l’auteur. « La première fois que je dois faire les retours à un auteur, j’ai toujours le trac », confie Caroline Couteau, qui a pourtant l’expérience pour elle. Car le but n’est pas de braquer l’écrivain, mais au contraire de l’« encourager à prendre le risque qu’il est en train de prendre ».
Et pour le reste de la chaine, Zoé peut compter sur une équipe particulièrement soudée et compétente. « J’ai compris chez Zoé à quel point la littérature est un travail d’équipe », avance Gabriella Zalapì : « Il y a à tout niveau une attention très fine, de la lecture jusqu’à la qualité du papier, la couleur du papier, la couverture… c’est essentiel. »
La lauréate du Prix Fémina des lycéens 2024 reconnait également qu’être publiée dans une maison familiale qui compte tant de grands noms est particulier. « C’est un travail de transmission qui passe par tous les auteurs : chacun permet de densifier la matière de la maison d’édition », nous dit-elle avant de conclure : « J’ai envie de dire merci à eux tous, et merci à la maison en tant que structure. »
Crédits image : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
DOSSIER - La Comédie du Livre de Montpellier fête ses 40 ans
Par Ugo Loumé
Contact : ul@actualitte.com
Paru le 04/03/2021
144 pages
Editions Zoé
16,00 €
Paru le 23/08/2024
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Editions Zoé
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Paru le 07/02/2025
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Paru le 10/01/2025
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17,00 €
1 Commentaire
LUNA
19/05/2025 à 12:16
Oui. L équipe? Non. Disons le autrement: une maison d'édition va comme elle veut , quand elle veut. Le conscient est ce que l on lit ici, enthousiaste, avec raison,
Mais c'est est l 'inconscient, un
In-conscient qui en fait le succès, c 'est à dire des livres imprimés, mais surtout vendus, pour étre lus . Un miracle parmi le bel évangile laïque de la Littérature.
La preuve? Si on savait ce " qui se vendra" ..Zoë serait milliardaire..pas comme Musk pour sûr. Mais .
J'ai ai aperçu le grand, l'immense Bouvier dans l article. Il y a des malles et des malles encore à dépecer, il reste à publier. Il faut tout publier Bouvier, aussi grand que Kerouac , mais autre, entretenant un rapport inconnu jusqu ici avec les continents, géographe infiniment plus talentueux, un million de fois plus que notre vieillard français Tesson.
.les écrits de Bouvier vont du particulier, -de ses pas ou de ses " expéditions" en petite Fiat avec son ami photographe,- au général , et se mettent à concener le Monde.
C 'est à ça que l' on reconnaît les grands écrivains: prenez Giono par exemple, il s'enquille dans un sentier et canne en main, et? Il écrit et c'est la monde qui parle. D ' un coup. Blam! L 'Univers ko.
L' Uni- vers. Enfer et paradis servis sur plateau argent au lecteur.
Bouvier..lisez tout, publié chez Payot ou Hoëbeke. Le grand Hoëbeke qui s est retiré..nous laissant un catalogue ou textes et photos voyagent comme jamais..