A l’occasion de la seconde édition de la Solar biennale, le Mudac (Musée cantonal de design et d’arts appliqués contemporains de Lausanne) s’est associé à La Volte pour inviter douze auteurices (huit francophones et quatre non-francophones) à écrire des textes autour d’une thématique lumineuse et éclairante. Lancée pour la première fois en 2022 aux Pays-Bas par les designers Pauline van Dongen et Marjan van Aubel, il s'agit d'une plateforme de réflexion autour de la question de l’énergie solaire.
Le 14/05/2025 à 08:30 par Anne-Charlotte Mariette
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Publié le :
14/05/2025 à 08:30
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Douze textes de fiction dont le point commun héliotopique offre une pluralité de visions sur l’astre solaire et l’exploration des relations que nous entretenons avec celui-ci. Un projet qui s’inscrit dans un axe majeur du Mudac, à savoir de contribuer aux transitions écologiques en dépassant le seul enjeu énergétique pour intégrer des dimensions symboliques et politiques.
Ce recueil de douze textes propose des réflexions sur le soleil, mais aussi et avant tout une fabuleuse exploration de la narration, autant de façons de penser le langage que de jouer avec les codes, tantôt poétiques, tantôt déstructuréq, incursions graphiques et inclusives, prose lyrique flamboyante.
Ainsi, ces douze auteurices ont œuvré dans la lignée de l’approche muséale trinitaire de la biennale comme le rappellent les commissaires d’exposition dans la préface :
1. Nourrissons-nous de la vie (soleil) et non de la mort (fossiles)
2. Accordons-nous, chacun.e, une place au soleil
3. Dansons la ritournelle, car, quoi qu’il en soit, nous tournons autour.
Nnedi Okorafor, Wu Ming-yi, Li-Cam, Vincent Gessler, L. L. Kloetzer, Michael Roch, Saul Pandelakis, Aiki Mira, Sabrina Calvo, Peter Watts, luvan et Ezra Pontonnier nous offrent leurs idées de notre rapport à l’astre du jour pour ouvrir les possibles sur des futurs pas toujours très optimistes, mais souvent confiants.
Organisées en quatre catégories indiquées par des macarons qui rappellent les quatre types d’hallucinations visuelles (tunnel, spirale, treillis et toile d’araignée) comme le souligne Weirdaholic dans son excellente chronique que je vous encourage à découvrir, les douze nouvelles qui le composent sont de qualité relativement inégales à mon sens, bien que l’ensemble de l’ouvrage ait été profondément réfléchi, avec une couverture remarquable signée Etienne Mineur. J’ai décidé de me pencher sur trois textes pour ne pas trop alourdir ma chronique, pour mettre en avant les écrits qui m’ont marqué le plus parmi les douze de ce recueil.
Kit m’a appris ce mot de solastalgie, le sentiment morbide qui saisit l’âme face aux dégradations du monde.
(Fiancées du silence, Sabrina Calvo)
Commençons par « Ce qui nous échappe » de Michael Roch, un auteur que j’affectionne particulièrement pour son utilisation du créole dans ses textes et le jeu avec la langue qu’il opère dans Té mawon (La Volte, 2022) et Lanvil emmêlée (La Volte, 2024).
Sa nouvelle nous plonge à nouveau dans Lanvil puisqu’il met en scène ici Keva et Vieil Obé, deux personnages qui évoluent dans la cité tentaculaire. L’auteur revient sur des notions qui lui sont chères, notamment la mangrovité et la diversalité, deux concepts qu’il explore dans ses romans. On retrouve évidemment le métissage de la langue, mais aussi un métissage des personnages avec le soleil même, sorte d’hybridation avec la machine pour ne former plus qu’un tout à l’image de la mangrove, partout, omniprésente, incontournable, qui se propagule à l’infini.
Propaguler est un acte matériellement caribéen, mais aussi profondément terrestre, au sens qu’il appartient à la mondialité. Le terme s’ancre et émerge de Lanvil et des restes disparates de ses mangroves, de nos manières d’habiter, de sentirpenser et de vivre au monde.
La propagule du palétuvier est son organe de dissémination. Lorsqu’elle tombe à l’eau, elle se disperse à des centaines de kilomètres en empruntant au monde de l’errance et du hasard, de l’espoir et de l’imprévisible, pour établir, ailleurs, de nouvelles mangroves.
Propaguler est donc cette capacité à reconstruire, ailleurs, à l’écart voire au plus distant, l’idée de nos mangroves ; c’est-à-dire de nos diversalités, écosystèmes harmonisant tant de manières d’être vivant.(Michael Roch, Ce qui nous échappe)
Sabrina Calvo, dans « Fiancées du Silence », tisse un récit à la lisière de la déliquescence du monde qui subit, vague par vague, les assauts violents de l’astre solaire dont les éruptions fondent l’humanité petit à petit.
Tempêtes électromagnétiques, chaleur intense, interférences, radiations, six vagues dont la septième et ultime est attendue par la protagoniste, développeuse de jeux vidéos, dont le dernier né Phébus propose de gérer une colonie d’abeilles solaires. Le soleil est ici une terrible menace qui détruit le monde par vagues, qui détruit les liens, qui détruit la vie alors qu’il en est la source. Rien à faire de plus qu’attendre l’inéluctable.
Phébus proposait de gérer une colonie d’abeilles solaires, un terrain en arc jaune et brun constellé de cubes et de triangles sous un dôme mauve où se peignaient des étoiles clignotantes, corps astraux en transit.
(Sabrina Calvo, Fiancées du silence)
Enfin, la prose lyrique de luvan dans « Panoptikum » est comme un long poème sans fin, sans ponctuation, sans majuscules. Le format peut être déroutant dans un premier temps, mais il prend toute son ampleur au fur et à mesure que l’on progresse dans ce syntagme prosaïque qui décrit l’arrivée d’extra-terrestres sur Terre et qui permettrait aux humaines d’évoluer culturellement.
Le lien au soleil se fait en ce sens que l’humanité se méprend depuis toujours les intentions de l’étoile lumineuse, autant que sur celles des êtres qui narrent de façon ininterrompue cette histoire.
aucun dieu du soleil
n’avait jamais été leur ami
inconditionnel
—
émotif il cramait
carbonisait
brûlait
on l’associait ici à la guerre
là au trépas
(luvan, Panoptikum)
Soleil·s : 12 Fictions Héliotopiques est un recueil marqué par la grande variété de ses auteurices et la vision qu’ils et elles nous offrent sur le soleil, autant astre de vie que de destruction. Un ouvrage que vous pouvez lire dans l’ordre qu’il vous plaira pour découvrir les textes lumineux de ces douze auteurices talentueux.ses.
Par Anne-Charlotte Mariette
Contact : contact@actualitte.com
Paru le 20/03/2025
291 pages
La Volte
20,00 €
8 Commentaires
Bof
14/05/2025 à 09:02
"auteurices talentueux.ses"
Ou quand on ne comprend plus rien à l'écriture inclusive qu'on veut pourtant promouvoir !
Ca m'a l'air bien mièvre et niais tout ça, bien dans l'air du temps, écolo-catastrophiste. Mon dieu, mon dieu...
On préférera de loin Cosmicomics de Calvino...
Arthur Magnus
15/05/2025 à 08:44
Pour ma part, je comprends parfaitement, même s'il aurait peut-être été plus immédiatement lisible de préférer une autre formulation, par exemple "douze auteurices au talent incontestable."
"On préférera de loin Cosmicomics de Calvino..." : donc, si je vous comprends bien, vous jugez sans avoir lu ?
Lapeyrot
15/05/2025 à 19:15
Moi j'ai très bien compris, sûrement un problème de culture générale. Ne lâchez rien
Chambaron
15/05/2025 à 08:54
J'ai d'abord cru à une erreur de frappe en lisant 'auteurice'. Puis j'ai découvert que c'était assumé et je me suis demandé de quelle engeance était ce cas de tératologie lexicale. Pour finir, je n'ai pas retenu le contenu du billet mais je me suis promis de passer à la postérité pour le premier auteuratricide de l'Histoire dès qu'un de ces monstres passerait à portée immédiate de ma plume.
Que ceux qui pratiquent, souvent à outrance, ces exercices de lexicographie génique comprennent qu'on n'attire pas les mouches avec du vinaigre et qu'ils vont finir par ne plus parler qu'à quelques congénères. On aimerait pouvoir lire Actualitté sans trébucher en permanence.
Merci d'avance pour les lecteurs. lectrices, joyeux lecturateurs, tristes lecturatropiques... et pour les mouches.
Gaia
15/05/2025 à 09:36
J'adore cette maison d'édition, les recueils publiés sont géniaux !
Ozarmes
16/05/2025 à 12:53
Auteurice...
Glissement progressif et pente fatale avérée.
On commence par incorporer du féminin sous couvert d'égalité : autrice/auteur. Ce qui donne auteur.rice.
Puis le masculin est invisibilisé, détruit, dispersé : ne reste plus que auteurice.
Oh, reveillez-vous les gens ! On est en train de tuer sémantiquement la moitié de l'humanité !
Yannick
17/05/2025 à 11:15
Merci pour cet éclat de rire. Votre peur de prendre vos attributs à cause d’un mot laisse supposer qu’ils sont bien fragiles. Cela ne semble pas vous déranger que la moitié de l’humanité ait été invisibilisée jusqu’à ce jour.
Mais peut-être n’est-ce pas drôle du tout et que votre pseudo ozarmes est un appel au meurtre. Merci de préciser afin que des mesures, le cas échéant soient prises. Salutations.
Gaia
22/05/2025 à 13:44
Il faut avoir bien peu de culture au sujet de la langue française pour oser dire une telle chose.