Né en 1985, blogueur, auteur d’un recueil de nouvelles et d’un essai littéraire, François Audouy co-dirige, avec Illios Chailly, la revue Echo : Antonin Artaud, entièrement dédiée à l’œuvre de l’écrivain maudit. Par Etienne Ruhau.
Pourtant, c’est aujourd’hui de Proust qu’il est question, à travers un roman d’inspiration autobiographique, publié par les soins de Murielle Compère-Demarcy, directrice de la collection « Présence d’écriture » aux éditions Douro. Simultanément, ou presque, François sort une livre de poésie, suite de vers tantôt rageurs, tantôt contemplatifs, publiée cette fois par Patrice Maltaverne, aux éditions Le Citron Gare.
ActuaLitté : L’amour de Proust au Temps du Covid… Le titre est pour le moins singulier. Peux-tu nous en dire davantage ?
François Audouy : À l’origine, le livre devait s’appeler Retour vers le temps perdu, en double référence à Proust et à la machine à remonter le temps. Finalement, j’ai opté pour L’Amour de Proust au Temps du Covid parce que je pense qu’un bon titre doit à la fois être accrocheur et annoncer, plus ou moins, le contenu du livre.
Ainsi, on comprend qu’il s’agit d’un texte sur l’amour de la littérature, celle de Proust en particulier, ancré dans le monde contemporain. Il y a aussi une référence à L’Amour aux temps du choléra même si cela relève plus du clin d’oeil, car j’ai assez peu lu Marquez. Enfin, j’ai tenu à ce que le «Temps» soit un temps en majuscule comme celui qui clôt La Recherche car c’est le sujet du livre de Proust, par là même en partie du mien.
« Nous sommes tous proustiens sans le savoir », écris-tu page 66. Que veux-tu signifier ? Penses-tu que chaque écrivain soit, quelque part, proustien ? Ou même que chaque individu soit, quelque part, proustien, et ce même sans le savoir (à l’instar de Monsieur Jourdain, qui fait de la prose sans le savoir) ?
François Audouy : Sans hésiter, la deuxième option. D’ailleurs, cette citation ne parle pas de littérature mais de la réminiscence pure, des souvenirs qui nous assaillent tous, que nous les écrivions ou non. L’oeuvre de Proust s’adresse à tous les sens : le goût de la madeleine bien sûr, le toucher de la serviette qui rappelle celle de Balbec au narrateur, l’ouïe avec le tintement de la cuiller sur une tasse évoquant le bruit du marteau d’un employé des chemins de fer…
Une des clés du livre est de rappeler l’universalité de l’oeuvre de Proust, qui est tout sauf un auteur bourgeois réservé à une élite. Certes, ce n’est pas une oeuvre facile et il faut se donner la peine d’y entrer - cela m’a pris plus de trente ans - mais pas non plus un livre élitiste qui vous claque la porte au nez. Son projet nous accepte et nous englobe tous, si nous acceptons de jouer le jeu.
À la recherche du temps perdu reste un roman d’inspiration autobiographique, où on peut reconnaître un certain nombre de figures proches de l’auteur. De même, ton livre est inspiré par ton propre parcours. Est-ce Proust qui t’a donné envie de parler de toi, de ta vie ?
François Audouy : Tout d’abord, j’insiste sur le fait qu’il s’agit d’une fiction, comme je le fais figurer sur le quatrième. Autofiction, certes, où je mets beaucoup de moi-même. Comme on a souvent confondu le narrateur de La Recherche avec Proust, et de même que j’ouvre le livre sur « Longtemps » et le clôt par « dans le Temps », je m’amuse à brouiller les pistes entre narrateur et auteur.
Évidemment, je ne me suis jamais retrouvé projeté dans les années 20 pour y réécrire La Recherche - bien que j’ai fait un rêve en ce sens qui m’a donné l’idée du livre. Les gens qui me connaissent retrouveront des passages « vrais », je ne dirai pas lesquels, c’est le jeu. De toute manière, à partir du moment où on recrée une situation, même vécue, elle est transformée en fiction.
Je mentionne que j’ai publié un essai sur un poète de l’entre-deux guerres mais je ne précise pas lequel, que je souhaite écrire un livre sur Proust mais qui s'appellerait autrement… Ce sont ces petits décalages qui n’en font pas un livre autobiographique mais un texte inclassable, plus proche d’un roman, que je préfère appeler « fiction ».
Tu as écrit un essai sur Antonin Artaud (Antonin Artaud, le sur-vivant, L’Harmattan, 2016). De même, ici, tu livres de longues réflexions sur Proust, sur son écriture, son style. Te sens-tu essayiste ? Et penses-tu te tourner à nouveau vers cette forme littéraire ?
François Audouy : Je me sens essayiste, oui et non, dans la mesure où je n’établis pas de distinction entre écrire un texte « théorique » et écrire de la fiction. Certes, Proust souligne qu’« une oeuvre où il y a des théories est comme un objet sur lequel on laisse la marque du prix » mais, ironiquement, au sein même de cet extrait du Temps retrouvé, il théorise énormément !
Mon essai sur Artaud comportait des passages personnels ; de même, le livre sur Proust, qui est une fiction, peut avoir des passages théoriques. J’aime le mélange des genres. Quant à savoir si je réécrirai des essais, c’est possible. Je travaille actuellement à un nouveau projet sur Artaud, mais je ne sais encore quelle forme il prendra, romanesque probablement.
On est frappé par l’abondance de références cinématographiques, souvent variées. Le septième art t’inspire-t-il, quand tu écris ? Et si oui, en quoi ? Penses-tu par ailleurs que Proust puisse être correctement adapté sur grand écran ?
François Audouy : Le cinéma est très présent dans ma vie donc il est logique qu’il se retrouve dans mes livres. Effectivement, les références sont très variées, de Rashomon à Retour vers le futur en passant par Fellini et Kechiche … Je pense que les films proustiens sont souvent là où on ne les attend pas. Il était une fois en Amérique par exemple, film de gangsters sous la Prohibition, très subtil dans son jeu sur les temporalités avec ce travail d’échos sonores entre l’enfance, la vieillesse et l’âge adulte, cette référence explicite à Proust quand Noodles dit « je me suis couché tôt ».
Il y a aussi une référence à Proust dans Le Grand Sommeil avec Bogart … Le cinéma m’aide à visualiser les scènes. Ainsi, le film de Raoul Ruiz m’a permis de mieux reconstituer mes souvenirs du Temps retrouvé. Pour moi, il s’agit de la meilleure adaptation proustienne à ce jour, même si j’aime beaucoup, dans un autre style, La Captive de Chantal Akerman. Ruiz a ce côté baroque et onirique qui capture l’essence de Proust. Si on n’adapte que « l’histoire », évidemment, cela ne fonctionne pas. C’est l’écueil du film de Schlöndorff, Un Amour de Swann, loin d’être mauvais mais un peu plat.
On peut évidemment regretter que Visconti, un cinéaste très proustien, n’ait pas abouti son adaptation. Je pense que réaliser un film à partir de La Recherche qui serait à la hauteur du livre est rigoureusement impossible mais c’est précisément pour cela qu’il faut essayer… On peut tenter d’en recréer de beaux fragments, de le revoir, de le décomposer, pourquoi pas d’en faire autre chose.
Dans ton recueil de nouvelles (Brighton Rock(s), L’Ecarlate, 2011), tu évoques longuement la musique. Ici, tu parles de ton expérience de rocker, à la vingtaine, et cites de nombreux groupes. Là aussi, l’écriture a-t-elle un impact sur ton écriture ? Proust, qui a évoqué le musicien Vinteuil dans La Recherche (un double de Debussy), semble a priori assez loin du rock.
François Audouy : De facto, le rock est la musique qui a été la plus présente dans ma jeunesse donc j’en parle comme d’une « madeleine », m’inspirant de la démarche proustienne, évidemment sans me prendre pour Proust (« On ne se compare pas à lui mais on s’identifie à lui », en tant qu’auteur, dit finement Barthes).
Chez Proust, l’effet produit est indifférent de sa cause donc l’émotion peut surgir d’une chanson de variété comme d’un opéra de Mozart et François le Champi de Georges Sand, dont le narrateur a conscience de la faible valeur littéraire, est soudain le plus grand roman en ce qu’il lui évoque Combray. Je ne cherche pas à désacraliser Proust en le mêlant à des références moins nobles mais peut-être à le rendre plus humain, moins effrayant en tant qu’auteur patrimonial.
À dix-huit ans, quand j’ai lu pour la première fois Du Côté de chez Swann, et ne suis pas allé plus avant dans La Recherche, cela me semblait beau mais quelque peu intimidant et loin de mon vécu de jeune banlieusard. J’aurais aimé à cette époque que quelqu’un me prenne par la main pour me rendre Proust plus accessible et, si je peux accomplir cette tâche pour quelques jeunes lecteurs aujourd’hui, j’en serai très honoré.
Ce mélange des genres aboutit parfois au comique, particulièrement lorsque le narrateur réécrit Proust à la manière des jeunes de cité, soit en langage wesh. T’es-tu amusé en écrivant ceci ? Là encore, s’agissait-il de briser l’esprit de sérieux, la solennité de Proust ?
François Audouy : Je ne pense pas que Proust ait l’esprit de sérieux, c’est même un auteur particulièrement drôle. Cela me frappait encore hier en écoutant Du Côté de chez Swann lu -magnifiquement - par Dussolier. Il y a beaucoup de scènes de franche comédie… Françoise adorable sauf quand elle massacre le poulet (« Sale bête ! ») et s’acharne sur sa rivale Eulalie, par exemple…
Dans les salons, il y a aussi une galerie de personnages tous plus grotesques les uns que les autres… Pour ce qui est de la solennité, qui serait plutôt celle des « proustolâtres », je pense qu’il faut la briser, oui. J’essaie d’écrire avec sérieux mais sans esprit de sérieux - nuance importante !
Simultanément, tu sors donc deux livres : L’Amour de Proust au temps du Covid chez Douro, et Mémoire vive, au Citron gare, maison d’édition créée et gérée par Patrice Maltaverne. Auteur d’un recueil de nouvelles, d’un essai, et d’un roman, donc, tu publies pour la première fois un recueil poétique. Pratiques-tu la poésie depuis longtemps ?
François Audouy : Oui, j’écris de la poésie depuis l’adolescence mais j’ai mis très longtemps à la faire lire, encore plus à la publier. La poésie me paraît le genre le plus difficile, on n’a pas le droit à l’erreur. En prose, si un paragraphe est bancal, on peut parfois retomber sur ses pieds. En poésie, tout doit être parfaitement en place ou le texte ne tient pas la route. Bref, j’ai longtemps écrit des poèmes que je ne trouvais pas forcément dignes d’être publiés.
Je crois qu’on n’est pas sérieux mais pas forcément génial à dix-sept ans, à l’exception d’Arthur Rimbaud. J’ai donc pas mal travaillé pour essayer de trouver une «voix», une tonalité personnelle. Je pense qu’elle se situe dans une langue moderne mais travaillée, nerveuse, «rock», avec une certaine dose de rêve, de révolte et d’ironie. J’ai commencé à publier des poèmes en revue il y a quatre-cinq ans puis Patrice Maltaverne, que je connaissais via son poézine Traction Brabant, m’a contacté pour faire un recueil.
« La poésie seule voit l’incendie », écris-tu page 28. Crois-tu que la poésie ait une sorte de pouvoir spécial ? Qu’elle offre chose de plus, par rapport aux autres modes d’expression littéraire ?
François Audouy : Je pense que la poésie a cette capacité, par l’image, la métaphore, de dire les choses de manière profonde car indirecte, plus incarnée … Pour moi, elle se rapproche presque plus de textes théoriques ou philosophiques dans sa densité que du roman. D’ailleurs, nombre de poètes que j’admire ont produit des textes théoriques, Baudelaire, Artaud, Aragon, Bataille ou Bernard Noël … Un grand poète peut souvent faire un théoricien convaincant, alors que l’inverse est rarement vrai.
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Parfois ton écriture semble assez hermétique. Certains passages limpides alternent avec des phrases quelque peu énigmatiques (comme chez Artaud, d’ailleurs). Penses-tu que la poésie doit être comprise ? Cultives-tu une forme d’obscurité délibérée ?
François Audouy : Absolument pas. Je ne cherche jamais à être hermétique et d’ailleurs ne pense pas l’être - mais on est mauvais juge de soi-même. Je pense que la poésie ne doit pas se donner «clés en main», que le lecteur doit en tirer son propre sens, parfois différent du sens d’origine ou supposé tel, mais je ne pense pas qu’il faille être délibérément hermétique, non, cela me paraît même douteux, comme si on voulait masquer un vide.
« Croyez au métriques anciennes » déclare Michel Houellebecq dans Rester vivant, essai que tu cites dans Antonin Artaud, le sur-vivant (cf. plus haut). De fait, tu écris ici tantôt en vers libres, tantôt en vers rimés. Quelle est ta position à ce sujet ? Penses-tu qu’il faille en revenir à la métrique ?
François Audouy : Je n’ai pas de position dogmatique à ce sujet. Certains poètes sont plus à l’aise avec les métriques classiques, d’autres des formes plus « déconstruites », comme certains athlètes sont plus doués pour le 100 mètres et d’autres le lancer de javelot …
L’essentiel est de trouver une forme qui s’adapte à notre vision. Naturellement, j’ai tendance à écrire en octosyllabes, libres ou rimés, avec un accent sur le rythme et la musicalité. Certains textes empruntent d’autres formes : il y a des vers plus courts, un poème en alexandrins (même «divisés») et un poème en prose -un seul- pour clore le recueil.
Ta poésie, précisément, évoque parfois celle de Houellebecq, qui fut d’abord poète. Te sens-tu marqué par l’héritage houellebecquien ? Quels seraient tes autres modèles ? On sait que tu co-diriges le revue Echo Antonin Artaud avec Ilios Chailly…
François Audouy : Oui, je suis un grand lecteur de Houellebecq, tant de sa prose que de sa poésie. Je lis beaucoup de poésie, classique comme contemporaine mais j’essaie, dans la mesure du possible, de ne pas être trop « sous influence ».
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La poésie est tellement intime qu’on doit trouver son style propre. Je suis un passionné d’Artaud mais je ne pourrais pas essayer de l’imiter, ce serait absurde et ridicule. Je n’ai pas sa rage permanente, sa « frénésie de l’invention verbale », pour citer Malraux sur Céline. À de brefs moments, je pense à des poètes que j’aime sur une phrase, une tournure, mais c’est rarement de manière consciente.
On pourrait aussi évoquer Verhaeren, ou encore William Cliff, Jules Romains, Apollinaire, tant la ville est présente dans ta poésie. D’où te vient cette obsession ? Parlerait-on de poésie urbaine ?
François Audouy : Je n’ai pas lu ou très peu les trois premiers auteurs que tu cites. En revanche, j’aime énormément Apollinaire et « Zone » est un de mes textes poétiques favoris du XXème siècle. Il y a peut-être une influence, mais inconsciente, de cette déambulation dans la ville…
Il est vrai que ma poésie est plus urbaine que bucolique. Je suis un pur francilien, ayant toujours gravité, hors quelques séjours à l’étranger, dans cette région, entre l’Essonne, Paris et Saint-Denis… L’arrivée à Paris, à dix-neuf ans - avant, je me considérais comme de banlieue lointaine, provincial presque - a été une étape marquante, comme dans la vie de beaucoup de gens, et dont je tente de rendre compte. J’ai un rapport amour-haine à Paris.
C’est parce que j’aime cette ville qu’elle m’agace régulièrement. J’imagine que cela crée une tension que j’essaie de retranscrire dans certains textes comme « Paris ne m’a pas pris dans ses bras… ».
Là encore, on est frappé par le mélange des registres. Tu uses parfois de termes familiers, sinon triviaux. S’agit-il d’un choix délibéré ? Penses-tu que la poésie soit trop élitiste ?
François Audouy : Oui, j’assume d’employer des termes triviaux, sans en faire trop dans ce registre. Dans la vie de tous les jours, on peut aimer lire des classiques comme parler au bistrot avec ses amis, ce sont des registres de langue différents qui ne sont pas incompatibles.
J’aime intégrer la langue moderne ou argotique, utiliser des termes comme « swag » ou « Malbac » comme j’emploie ceux d’« anamorphose » ou de « dodécaphonisme ». Parfois des mots anglais ou espagnols aussi, une citation en latin ... La langue est variée et tant mieux, la poésie doit le refléter, avoir la palette la plus large.
À l’instar de ton roman, ta poésie semble souvent d’inspiration autobiographique. Ma première partie s’intitule ainsi « Enfances » et la seconde « Adulte ère ». Penses-tu que toute inspiration soit, justement, autobiographique ?
François Audouy : Dans mon cas, souvent, mais sans doute pas pour tout le monde. Je dois partir - plus ou moins - de mon expérience, surtout dans Mémoire vive, qui évoque des fragments de souvenirs et d’atmosphères liés à des lieux (Normandie, Essonne, Paris mais aussi l’Asie ou le Sénégal).
Après, il peut s’agir d’une mémoire recréée, fantasmée, qui n’est pas la nôtre directement - d’un « je » multiple. Ainsi, dans un texte du recueil, je m’inspire d’un voyage en Thaïlande en essayant de me mettre dans la peau des prisonniers de la Seconde Guerre mondiale ayant creusé la ligne de chemin de fer entre le Siam et le Myanmar. Je m’imprègne des endroits que j’ai vus mais en imaginant une expérience - atroce - qui n’est pas la mienne.
Cela me paraît plus évocateur que de raconter que ce jour-là, je suis monté dans une Subaru et j’ai perdu mon caméscope - quoiqu’on aurait sûrement pu écrire un très bon texte, plus « houellebecquien », dans ce registre.
Un lyrisme désespéré apparaît bien souvent. On sent une certaine noirceur. Écrire permet d’être heureux, ou, à tout le moins, de dépasser une certaine souffrance ?
François Audouy : J’aime bien l’expression de « lyrisme désespéré », car je pense qu’il y a une aspiration au lyrisme, chez moi comme chez beaucoup d’auteurs, dans une époque qui en manque. « Désespéré » est tout de même fort, je dirais noir ou désabusé.
J’ai longtemps vécu dans la mythologie du poète maudit mais j’en suis bel et bien revenu et je dirais que l’écriture permet plutôt d’être heureux, oui, même si elle ne résout pas tout - de ce point de vue, je partage désormais davantage la vision de l’écriture de Proust, une forme de jubilation qui donne du sens à l’existence, que celle d’Artaud, violente et noire.
Je n’aime pas forcément les auteurs qui se sentent obligés d’être dans une vitalité permanente, si elle est forcée. Il y a des moments de creux dans l’existence, des phases de doutes et je pense que l’écriture doit aussi rendre compte de cela. J’ai une affection pour certains poètes «dépressifs», de Baudelaire à Pavese.
En revanche, je dirais que l’écriture peut produire sa propre force motrice et transformer une forme d’inertie en action. Ainsi, je pense que mon poème sur Paris, très sombre dans le fond, a une certaine dynamique interne qui le fait aller de l’avant, une ironie puis une chute qui lui donnent un élan vital et ne le rendent pas entièrement noir - du moins, je l’espère.
De même, l’avant-dernier poème, qui commence par « Quand la dignité n’est plus là/la fatigue s’installe très vite » s’achève par la lutte souvent perdue d’avance/la lutte toujours triomphale : il y a une tentative de sortie de crise, de lutte contre ses propres névroses dans l’espace même du poème.
Un des seuls textes qui se termine sur une note sombre est celui sur la banlieue dortoir, car j’ai du mal à y trouver une forme de vitalité, même si elle a sa beauté propre. Je ne pense pas que les auteurs doivent forcément bander en permanence pour donner du plaisir au lecteur, pour parler trivialement, même si c’est mieux un peu, quand même…
Par Auteur invité
Contact : contact@actualitte.com
Paru le 01/04/2025
114 pages
Editions Douro
18,00 €
Paru le 20/03/2025
69 pages
A PRECISER
10,00 €
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