L’attrait pour le football est tel à travers toute l’Afrique qu’on en vient souvent à penser qu’il s’agit du sport roi dans de très nombreux pays du continent, qu’il s’agisse de le pratiquer ou de le regarder. Pour maîtriser les arcanes d’un univers distinct de la culture européenne du foot, plusieurs ouvrages sont particulièrement éclairants.
On dirait une affaire de jambes, de ballons et de stades brûlants. Pourtant, le football africain s'appréhende comme une culture, une langue, une mémoire. Il s'inscrit dans les ruelles sablonneuses de Bamako, les terrains vagues de Dakar, les pelouses en plastique de Kinshasa. Il tient à la fois du jeu et du symbole, du rêve et du réel. Il raconte l'Histoire mieux que bien des archives. Il parle d'espoir, de débrouille, d'identité.
Il n'y a pas de saison morte sous les latitudes africaines. La CAN (Coupe d'Afrique des nations de football) remplit les calendriers, les clubs maghrébins brillent en Ligue des champions, les académies fleurissent comme les manguiers. Les gamins s'entraînent avec des balles rafistolées, des cages bricolées avec des sandales. Certains finissent dans les plus grands clubs d'Europe, d'autres s'accrochent au bitume. Chaque dribble dit quelque chose du continent, chaque but inscrit traduit une quête.
Les supporters africains vivent le football avec le corps tout entier. Il y a des tambours dans les gradins, des vuvuzelas dans la gorge, des couleurs peintes sur la peau. Chaque match devient un théâtre. Les arbitres sont critiqués en cinq langues, les joueurs acclamés ou désavoués selon les vents du moment. On y croit fort. On y croit encore. Le foot soigne les blessures sans les effacer.
Les entraîneurs étrangers débarquent avec leurs idées carrées, les sélectionneurs locaux se débattent entre passions populaires et pressions politiques. On appelle les expatriés pour sauver l'équipe, on les traite de mercenaires s'ils perdent. Il n'y a pas de juste milieu. L'Afrique est dans l'excès, l'intensité, le déséquilibre créatif. Une finale de Coupe d'Afrique vaut tous les romans d'aventure.
Les infrastructures peinent, les fédérations vacillent, les budgets fondent comme neige au Sahel. Mais le football résiste. Il trouve toujours une manière de renaître, à l'image du phœnix. Derrière les scandales, les affaires de primes, les stades désertés, reste la passion brute. Une passion qu'aucune tempête n'éteint.
Il y a des destins en pagaille, des trajectoires incroyables. Du gamin de quartier à la star planétaire, du club de deuxième division au mondial qatari. Chaque parcours dit l’Afrique. Le foot, ici, ne s’écrit jamais en ligne droite. Certains, partis de rien connaissent des destins hors du commun, avec des carrières fulgurantes. Un autre place un pari sportif susceptible aussi, tout en jouant autrement, d'offrir une nouvelle expérience et qui sait peut-être une nouvelle vie. Il zigzague, il trébuche, il danse. Il tient debout, souvent par miracle, toujours avec panache.
Mohamed Bouguerra a fait les choses sérieusement. Dans Le Foot Africain de A à Z, il aligne mille entrées comme mille portes ouvertes sur un continent aux mille facettes. Pas une encyclopédie figée, plutôt une mosaïque vivante. Tout y passe : joueurs mythiques, clubs historiques, anecdotes savoureuses. On apprend, on sourit, on se rappelle. L’ouvrage devient un compagnon idéal pour qui veut démêler les fils d’un football qui ne se laisse jamais dompter.
Ce dictionnaire déroule une cartographie sentimentale du ballon rond africain. On s’y promène au gré des noms et des lieux, sans hiérarchie pesante. Le ton est clair, l’esprit généreux. Derrière chaque définition, un clin d’œil ou un soupçon de tendresse. De quoi donner envie de (re)plonger dans des matchs oubliés, des légendes en pointillés, des exploits collectifs et des rêves solitaires.
Dans cet ouvrage, Paul Dietschy et David-Claude Kemo-Keimbou prennent un autre chemin. Moins anecdotique, plus analytique. Ils déploient une réflexion en profondeur sur les rapports entre l’Afrique et le reste du monde footballistique. Histoire, géopolitique, économie : rien n’échappe à leur regard. Le ballon devient outil de lecture du monde, loupe posée sur les relations Nord-Sud.
Leur démarche éclaire les paradoxes. L’Afrique fournit les talents mais n’en garde presque aucun. Les stades se remplissent mais les comptes bancaires restent maigres. L’émotion déborde, les retombées concrètes se font attendre. Un ouvrage dense mais accessible, utile pour qui souhaite dépasser les clichés et comprendre les dynamiques globales du jeu.
Jean-François Pérès, avec son Dico fou du foot africain, joue la carte de la fantaisie érudite. Il mêle amour du football et regard moqueur. C’est vif, c’est drôle, c’est informé. On y trouve des portraits, des absurdités, des grands moments et des petites gloires. Un ton libre, une plume agile, une affection sincère pour le terrain.
On lit ce livre comme on écoute une radio libre en pleine CAN. Le désordre a du charme, les digressions ont du fond. Pas besoin d’être spécialiste pour savourer. On se laisse guider par la passion, on s’attarde sur les entrées insolites, on rit franchement parfois. Une lecture qui détend tout en racontant beaucoup.
Avec ce petit livre, Joachim Barbier et Antoine Derouet préfèrent le format court. En moins de cent pages, ils captent l’essentiel. Pas de grand discours, mais des instantanés percutants. Des récits de terrain, des situations cocasses, des fulgurances. Une écriture au cordeau, une observation aiguisée.
C’est un carnet de bord, un album de terrain. On y croise des jeunes espoirs, des anciens en reconversion, des agents en pleine combine. L’Afrique y apparaît telle qu’elle est : vivante, bordélique, magnifique. Une lecture rapide mais marquante, idéale pour saisir l’esprit d’un football qui refuse d’entrer dans les cases.
Crédits illustration Pexels CC 0
Par Victor De Sepausy
Contact : vds@actualitte.com
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