Le « poète de la mer » et « le Magnifique » avaient sans doute tout pour être réunis dans un même ouvrage. C’est chose faite désormais dans une très belle livraison du Bulletin des Amis de Saint-Pol-Roux, pour un numéro double qui rassemble tous les documents entourant une amitié brève, tardive, mais poétiquement riche.
Le 21/04/2025 à 10:48 par Victor De Sepausy
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Publié le :
21/04/2025 à 10:48
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Pour beaucoup de jeunes poètes et d’amoureux de la littérature, le premier contact avec Saint-Pol-Roux passa par l’entreprise de Théophile Briant (1891-1956). Nous devons en effet à ce dernier la rédaction, dans la célèbre collection « Poètes d’aujourd’hui » des éditions Seghers, du numéro 28 consacré au « mage de Camaret » et publié en 1952. Si Briant se chargea aussi d’un hommage radiophonique diffusé en février 1953, on glisse, cette fois, plus dans la légende, avec un texte qui mêle indifféremment l’homme et l’oeuvre.
Aujourd’hui, c’est à Mikaël Lugan que l’on peut s’en remettre les yeux fermés pour faire entendre la voix de Saint-Pol-Roux et faire vivre une langue poétique encore trop souvent oubliée parmi les grands noms de la poésie du XXème siècle. Avec la Société des Amis de Saint-Pol-Roux (SPR), il s’attache à rendre publics des documents qui permettent de bien mieux comprendre une pensée et un engagement dans les grands enjeux de l’écriture poétique tout au long du premier XXème siècle.
Le numéro double du dernier Bulletin (N°15 et N°16, mars 2025, 270 pages, 23 €) met en lumière l’amitié poétique et tardive qui réunit Saint-Pol-Roux et Théophile Briant durant les dernières années du « Magnifique », avec une correspondance qui s’étale de mai 1936 à août 1940. Toutes les lettres dont on a actuellement connaissance ont été rassemblées pour le plus grand bonheur des amateurs de Saint-Pol-Roux.
Crédits photo : Edition-Originale.com
Hélas, il existe des trous dans cette correspondance, et les lettres envoyées par Briant à Saint-Pol-Roux ont sans doute fait les frais du pillage du manoir de Cœcilian, à Camaret-sur-Mer. Si certaines de ces missives se trouvent dans des fonds publics, d’autres résident dans des collections privées. Et, peut-être, qui sait, en existe-t-il d’autres qui sont toujours conservées dans une trop grande discrétion, mais qui viendront à la connaissance de tous dans des temps prochains.
Pour Dominique Bodin, auteur de la remarque biographie Théophile Briant veilleur d’un phare éternel, et qui signe une très belle introduction à ce numéro double, Briant et Saint-Pol-Roux sont unis par une « même conception de la poésie toute de grandeur, salvatrice, à dimension cosmique, et de son medium, le poète, qui se fait aussi passeur ».
Né à Douai en 1891, Théophile Briant connaît une première carrière plutôt flamboyante comme galeriste à Paris, ce qui l’amène à proposer les toiles de Picabia ou de Maurice Crozet ainsi que des manuscrits littéraires, tout en côtoyant Max Jacob, Colette ou encore Jehan Rictus. Mais, et c’est sans doute ce qui nous permet de d’autant mieux comprendre son rapprochement avec Saint-Pol-Roux, comme lui, il se retire loin de l’exubérance parisienne en élisant domicile à Saint-Malo, au sein d’un ancien moulin à vent qui deviendra la « Tour du Vent ». Il quitte Paris en 1934 et entre en correspondance avec Saint-Pol-Roux en 1936.
Les deux hommes se retrouvent dans une belle amitié poétique, réunis à travers des amis communs, et par une même vision de l’écriture et du sacerdoce qu’elle représente. C’est sans doute aussi le lancement par Briant en 1936 d’une revue de poésie dénommée Le Goéland qui les rapproche encore. Cette publication, riche de 120 numéros perdura jusqu’à la mort de Briant en 1956, dans un accident de voiture. Poursuivant ses efforts pour service la cause poétique, le « poète de la mer » décida de créer un prix associé à sa publication et proposa dans ce cadre à Saint-Pol-Roux d’en assurer la présidence, ce qui ce dernier accepta bien volontiers. Cette distinction consacra notamment Louisa Paulin, René-Guy Cadou et Charles Le Quintrec.
A travers les textes réunis dans le Bulletin des Amis de Saint-Pol-Roux, on découvre tout ce qui rapprochait les deux poètes dans leur expérience totale de la poésie, à travers le choix d’une existence retirée, dans une grande proximité avec la nature. Une fois dans son manoir breton, Saint-Pol-Roux écrivait : « j’entrai dans cette mystique des éléments et de l’esprit, hors quoi désormais tout me semble vain ». De son côté, Briant assurait connaître dans son moulin : « la solitude, la clarification, la mise à nu, la mise à jour, l’essai loyal, la cure d’étoiles, d’air pur et de nuit celtique ». Et, dans un même prolongement : « J’ai compris devant la grande leçon du ciel et de la mer bien des choses que je n’avais qu’imaginées. » Que rêver de mieux ?
En mettant en œuvre son prix de poésie, Théophile Briant se donnait une mission on ne peut plus élevée : « Il n’y a qu’un moyen de connaître les poètes de son temps, c’est de les chercher. Il n’y a qu’un moyen de les trouver, c’est de les aider à vivre. »
Quand Saint-Pol-Roux se trouve honoré d’en prendre la présidence, il assure de son côté :
« Il importe donc que de votre premier concours date un appareillage pour l’Immensité vierge qui plus que jamais se déclare dans ce menu globe que les poètes libérés portent sur leurs épaules, tel un monde originel – je dis originel car le poète est un commencement. Le devoir de votre comité que votre bienveillance m’invite à présider, sera conséquemment de découvrir quelques-uns de ces ‘véritables’. N’en trouverions-nous qu’un, sa lumière native, acide, crue, suffirait à nous orienter vers la virginité secrète de la Poésie. Par certains balbutiements de Verlaine, Mallarmé, Rimbaud et certains autres nous avons appris que les chefs-d’œuvre au fond ne sont que des ‘enfances’ – des enfances sublimes. Soyons de vieux rois mages à la recherche d’un Petit – qui sera Grand. »
Marqué très fortement par la disparition de Saint-Pol-Roux en 1940, Théophile Briant resta par la suite proche de Divine Saint-Pol-Roux. Et c’est à la suite d’une rencontre avec le poète et éditeur Pierre Seghers que peu à peu vient l’idée d’écrire une biographie du « Magnifique ». Il put bénéficier de l’aide précieuse de Divine dans son travail.
Tous les amoureux de la poésie ne pourront que prendre un très grand plaisir à découvrir tous les documents et les textes éclairant les liens entre Saint-Pol-Roux et Théophile Briant réunis au sein du Bulletin des Amis de Saint-Pol-Roux (Numéro double – N°15 et N°16, mars 2025, 270 pages, 23 €), habillé d’une belle livrée qui donne au livre physique toute sa saveur tactile, tout en arborant une mise en page choisie, grâce à la rigueur du travail de Xavier Legrand-Ferronnière.
Crédits illustration Pexels CC 0
Par Victor De Sepausy
Contact : vds@actualitte.com
3 Commentaires
jak vacher legrand
21/04/2025 à 21:48
On ressort les croulants ?
MDR!!!!!
JVL pour Jeune Poésie Publique
Vieille poésie secrète
22/04/2025 à 11:24
Tachez d'exister autrement, Jak.
jak vacher legrand
22/04/2025 à 14:10
Ok, venez à mon enterrement, j'y serai déguisé... peut-être...
Ni fleurs ni guns