Mario Vargas Llosa, figure emblématique de la littérature hispano-américaine et lauréat du prix Nobel de littérature en 2010, est décédé le 13 avril 2025 à Lima, à l'âge de 89 ans, entouré de sa famille. Conformément à sa volonté, ses enfants ont annoncé qu'aucune cérémonie publique n'aurait lieu et que ses restes seraient incinérés dans l'intimité familiale .
Le 14/04/2025 à 08:34 par Clément Solym
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14/04/2025 à 08:34
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Né à Arequipa en 1936, Mario Vargas Llosa s'est imposé dès les années 1960 comme l'un des piliers du « boom latino-américain », aux côtés de Gabriel García Márquez, Julio Cortázar et Carlos Fuentes.
Son premier roman, La ville et les chiens (1963), inspiré de son expérience dans une académie militaire péruvienne, a marqué une rupture dans la narration hispanophone par sa structure innovante et sa critique sociale.Suivront La maison verte (1966), Conversation à La Catedral (1969) et La fête au bouc (2000), autant d'œuvres explorant les mécanismes du pouvoir et les dérives autoritaires.
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Lauréat du prix Nobel de littérature en 2010, il a été salué pour sa « cartographie des structures du pouvoir et ses images incisives de la résistance, de la révolte et de la défaite de l'individu ». Son œuvre, traduite dans de nombreuses langues, embrasse romans, essais, théâtre et journalisme.Il a également tenu une chronique régulière, Piedra de toque, dans plusieurs journaux internationaux.
Engagé politiquement, Vargas Llosa s'est présenté à l'élection présidentielle péruvienne de 1990, défendant des idées libérales, mais a été battu par Alberto Fujimori.Il a ensuite acquis la nationalité espagnole en 1993 et a été nommé marquis par le roi Juan Carlos Ier en 2011. En 2021, il a été élu à l'Académie française, devenant le premier écrivain de langue non française à y siéger.
En juillet 2023, il avait été hospitalisé à Madrid après avoir contracté la COVID-19 pour la seconde fois. Ses enfants, Álvaro, Gonzalo et Morgana Vargas Llosa, l’annoncèrent publiquement, précisant qu'il était pris en charge par des professionnels de santé compétents et entouré de sa famille. Ils ont également demandé aux médias de respecter la vie privée de leur père durant cette période délicate.
Cette hospitalisation faisait suite à une première infection en avril 2022, qui avait également nécessité une prise en charge médicale. Malgré son âge avancé — 87 ans à l'époque — Vargas Llosa a rapidement récupéré et a reçu son congé de l'hôpital quelques jours plus tard, selon des sources de presse espagnoles.
Jusqu'à ses derniers jours, il est resté actif, publiant en 2023 son ultime roman, Je dédie mon silence, réflexion sur la musique populaire péruvienne et le nationalisme.Son décès laisse un vide dans le paysage littéraire mondial, mais son héritage perdure à travers une œuvre dense et engagée, témoin des complexités de l'âme humaine et des sociétés contemporaines.
Le 25 novembre 2021, Mario Vargas Llosa fut élu à l'Académie française, devenant ainsi le premier membre de cette institution à n’avoir jamais publié en français, bien qu’il maîtrisât cette langue. Cette élection, survenue alors qu'il avait 85 ans, dépassait la limite d'âge fixée en 2010 pour intégrer l’Académie. Ces exceptions aux règles traditionnelles suscitèrent des critiques, notamment de la part de chercheurs et d’universitaires français qui publièrent une tribune dans Libération, qualifiant son élection d'« erreur, voire une faute » .
La controverse fut amplifiée par les prises de position politiques de Vargas Llosa. Il avait exprimé son soutien à des figures politiques controversées, telles que José Antonio Kast au Chili, Keiko Fujimori au Pérou et Jair Bolsonaro au Brésil. Ces engagements furent dénoncés par un collectif d'universitaires français, qui estimèrent que ses positions ternissaient l'image de l'Académie française en Amérique latine .
Malgré ces critiques, Vargas Llosa fut officiellement reçu sous la Coupole le 9 février 2023. Lors de son discours de réception, il rendit hommage à son prédécesseur, le philosophe Michel Serres, et exprima son attachement à la culture française, affirmant : « Je rêvais secrètement d'être un écrivain français. » Sa réception eut lieu en présence de personnalités telles que l'ancien roi d'Espagne Juan Carlos.
Au cours des dernières décennies, Mario Vargas Llosa a aussi marqué la scène intellectuelle par ses prises de position politiques, souvent controversées. Initialement proche des idéaux marxistes et fervent soutien de la révolution cubaine, il s'en est progressivement éloigné, notamment après l'affaire Padilla en 1971, pour adopter une posture libérale affirmée. Cette évolution l'a conduit à défendre des politiques de libre marché et à critiquer vigoureusement les régimes autoritaires de gauche en Amérique latine.
Son engagement politique s'est manifesté par des soutiens à des figures de droite, voire d'extrême droite, sur le continent. En 2021, il a apporté son appui à José Antonio Kast au Chili, suscitant de vives réactions . La même année, il a soutenu Keiko Fujimori lors de l'élection présidentielle péruvienne, malgré ses critiques passées envers le régime de son père . Il a également exprimé son soutien à Jair Bolsonaro au Brésil et à Javier Milei en Argentine.
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Ces prises de position ont souvent été perçues comme une trahison par une partie de l'intelligentsia latino-américaine, qui voyait en lui un défenseur des valeurs démocratiques et progressistes. Néanmoins, Vargas Llosa justifiait ses choix par une opposition résolue aux régimes qu'il considérait comme autoritaires, quel que soit leur bord politique. Son parcours témoigne d'une constante : la défense de la liberté individuelle et de la démocratie, même si cela impliquait des alliances controversées.
Le style littéraire de Mario Vargas Llosa se distingue par une complexité narrative et une richesse thématique qui ont profondément marqué la littérature hispano-américaine contemporaine. Dès ses premières œuvres, telles que La ville et les chiens (1963), il adopte une structure polyphonique, mêlant monologues intérieurs, ruptures chronologiques et multiplicité des points de vue, influencé notamment par Faulkner et Flaubert.
Contrairement au réalisme magique de ses contemporains, Vargas Llosa privilégie un réalisme critique, explorant les mécanismes du pouvoir, la violence institutionnelle et les tensions sociales. Ses récits, souvent ancrés dans le contexte péruvien, offrent une cartographie des structures de domination et des résistances individuelles.
Par une écriture dense et une construction narrative élaborée, il parvient à créer des univers fictionnels d'une grande profondeur, où la quête de vérité et la complexité humaine sont au cœur de l'intrigue. Ce style, à la fois exigeant et engagé, confère à son œuvre une place singulière dans le panorama littéraire mondial.
Hommage de Rachida Dati, ministre de la Culture, à Mario Vargas Llosa
Ecrivain aussi talentueux que paradoxal, Mario Vargas Llosa nous a quittés à l’âge de 89 ans. Virtuose de la tension narrative et observateur des déterminismes sociaux, il était une figure incontournable des lettres latino-américaines et de sa génération dorée.
Prix Nobel de littérature 2010, Mario Vargas Llosa s’était imposé par son talent et son engagement littéraire précoce. Né au Pérou en 1936, il avait fait sensation avec La ville et les chiens (1963), un premier roman qui dénonçait la brutalité de l’éducation militaire, au point que des exemplaires furent brûlés par l’armée.
Premier étranger publié dans La Pléiade de son vivant et membre de l’Académie française, la France avait été au centre de son imaginaire et de ses engagements passés. Travailleur infatigable et lecteur passionné, il avait même tenté l’expérience de la scène à la fin de sa carrière.
Malgré les controverses sur ses positions politiques tardives, il laisse derrière lui une œuvre riche de plus de plus de trente ouvrages, traduits dans de multiples langues et lus dans le monde entier.
J’adresse toutes mes condoléances à sa famille et à ses proches.
Crédits photo : Fronteiras do Pensamento (CC BY-SA 2.0)
Par Clément Solym
Contact : cs@actualitte.com
6 Commentaires
Félix
14/04/2025 à 17:28
RIP. Écrivain d'exception, Vargas Llosa reçut le Prix Nobel de littérature en 2010, notamment pour "sa cartographie des structures de pouvoir et ses images de la résistance, de la révolte et de la défaite de l'individu". ( page 183 du Catalogue 2024 de la Pléiade.
Par ailleurs, son ami l'écrivain mexicain Octavio Paz lui disait : "Tu es un romancier-né".
Mais, son avis personnel capital fut le suivant :
"Je pense qu'une des grandes erreurs des écrivains de notre temps est de croire que l'obscurité est synonyme de profondeur".
(In Le Magazine Littéraire no 565 de mars 2016, propos recueillis par son traducteur Albert Bensoussan et Alexis Brocas, et publiés dans Lire Magazine, numéro Hors-Série Anniversaire intitulé "Les 55 plus grands entretiens" de Mars - Avril -Mai 2025, à la page 143).
rez
15/04/2025 à 09:50
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G. Hutenberg
15/04/2025 à 13:07
Je note que l'homme a suffisamment voyagé et réfléchi pour passer du marxisme au libéralisme.
Ayant grandi dans des pays pauvres, son communisme de jeunesse était excusable, au prétexte de la lutte contre les inégalités.
Après ses visites en des lieux où cette philosophie politique révélait l'ampleur de sa supercherie, il ne pouvait, comme tout honnête homme, que changer sa vision du monde. Tout le monde hélas n'a pas cette capacité.
En plus d'un grand écrivain, c'était donc un grand homme et un sage.
Félix
15/04/2025 à 14:43
Vous avez parfaitement raison. Llosas comdamnait tous les regimes autoritaire et injustice socialement, indépendamment de leur inclination idéologique, et ce à toutes les périodes de sa vie.
rez
15/04/2025 à 15:14
condamné par évasion fiscale. Dénigreur professionnel des femmes. Ami des leaders d'extrême droite avec lesquels il faisait des conférences. Et médiocre depuis des décennies.
NAUWELAERS
15/04/2025 à 20:47
L'illustre humoriste involontaire rez qualifie cet immense écrivain (dont il n'a jamais lu une demi-ligne) de «médiocre» !
Bravo, vous gagnez un oeuf de Pâques !
Vite, au lit avec une tisane maintenant.
CHRISTIAN NAUWELAERS