Congo, fin des années 1990. Dans La Valse des lucioles de H.F. Diané, Hassan, dix ans, raconte son quotidien au cœur d’un pays traversé par la guerre. Tour à tour espiègle, cruel, bouleversant, ce roman d’apprentissage restitue avec une rare justesse la violence de l’enfance, les cicatrices de la guerre civile et la douceur fragile des liens familiaux. Pour nous en parler, Eva de la librairie L'Ourse bleue à Saint-Gély-du-Fesc (Hérault) est notre invitée.
Un récit d’exil et de mémoire, traversé par la poésie et la douleur. La Valse des Lucioles, premier roman d’Hassan Faudet Dianney, paru aux éditions Istia & Cie, évoque la guerre civile congolaise à travers les yeux d’un enfant de dix ans. Une lecture bouleversante, racontée avec émotion dans notre podcast :
Le roman s’ouvre sur une enfance insouciante, au sein d’une famille aisée dans la capitale congolaise. Très vite, le narrateur confesse sans détour « l’arrogance douce » de son jeune âge, marqué par une hiérarchie sociale implicite envers les domestiques de la maison.
Cette lucidité rétrospective étonne par sa justesse. L’auteur ose nommer cette condescendance initiale, comme pour mieux souligner le contraste avec ce qui va suivre. « Du jour au lendemain, tout bascule », rappelle Eva. Les violences de 1993 puis de 1997 déchirent le pays. En 1998, l’enfant doit fuir, traverser 400 kilomètres à pied avec sa famille pour rejoindre la République démocratique du Congo, ex-Zaïre. Le périple s’impose comme un rite de passage.
Le roman ne s’épanche jamais dans le pathos. Il alterne entre naïveté enfantine et vocabulaire abrupt. « Une langue parfois crue, mais toujours incarnée », souligne Eva.
Cette tension narrative donne sa force au livre. Le style épouse les émotions, oscille entre les sons, les couleurs, les gestes, et les sensations. « On dirait une chronique sensorielle », dit-elle. La violence côtoie des fulgurances d’humour et de beauté. Un équilibre fragile, pourtant parfaitement maîtrisé.
La guerre, l’humiliation, la perte, mais aussi la dignité et la mémoire : tous ces éléments s'entrelacent sans jamais être didactiques. Le carnet et le stylo que le jeune garçon emporte avec lui deviennent symboles de survie. « Un exutoire. Et bientôt, un outil de mémoire », commente la libraire. L’écriture s’impose sans volonté d’auteur, comme une nécessité viscérale. Cette démarche transforme le récit en témoignage, non romancé, sans artifices.
Loin des récits de guerre classiques, le texte prend la forme d’un apprentissage contraint, brutal, mais initiatique. Eva parle d’un roman « qui oblige à regarder les rapports de classe et le post-colonialisme sans fard ». L’enfant, autrefois privilégié, fait face à l’humiliation de l’exil, dans un pays qui ne l’accueille pas. La boucle est bouclée. L’arrogance de l’enfance devient conscience douloureuse.
À la librairie, La Valse des Lucioles a trouvé sa place en bonne visibilité, sans forcément être intégrée à une table thématique. « Il dialogue avec des textes comme Petit Pays de Gaël Faye ou ceux de Scholastique Mukasonga », dit Eva. La libraire évoque aussi une filiation avec Alain Mabanckou ou Émile Bouk, tout en reconnaissant l’originalité du texte.
La question de l’âge minimal pour lire ce livre reste ouverte. Eva évoque un accès possible « à partir de 12 ou 14 ans, selon la sensibilité du lecteur ». Certaines scènes restent dures, mais les programmes scolaires abordent déjà des récits exigeants. Le style accessible, riche sans être complexe, facilite cette ouverture à un jeune lectorat.
Rencontré sur un salon jeunesse, Hassan Faudet Dianney est aussi auteur-illustrateur des Florafées. Ce roman marque un tournant. « Ce n’est plus une fiction illustrée pour enfants. C’est une mémoire mise à nu, portée par une oralité vibrante », conclut Eva. Une traversée littéraire, intime et universelle, qui ne laisse personne indemne.
Crédits photo : H. F. Diané par Clément Scié, CC BY SA 4.0
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
Paru le 06/03/2025
200 pages
Slatkine et Cie
20,00 €
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