Hier était remis pour la première fois le Prix Nouvel Obs à la librairie 7L, à Paris. Entre deux sollicitations d'un public enthousiaste, Adèle Yon, primée pour Mon vrai nom est Elisabeth (Éditions du Sous-Sol), a accepté d'échanger avec nous à propos de sa vie mouvementée d'autrice et de jeune chercheuse, et de son rapport à la littérature féminine.
Le 08/04/2025 à 15:01 par Ugo Loumé
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Publié le :
08/04/2025 à 15:01
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La rédaction du Nouvel Obs avait choisi un lieu d'exception pour sa première remise de prix. La librairie 7L, ancienne bibliothèque et atelier de Karl Lagarfeld, était pleine à craquer. Le genre de moment où on essaye de se faire une place entre des tapis sur lesquels on a peur de renverser nos verres et des canapés où presque personne n'ose s'asseoir.
Denis Olivennes, patron d'Editis, était présent ; plus loin, Charlotte Casiraghi, fille de la princesse de Monaco et membre du jury, habillée tout en Chanel, marque partenaire du prix ; Jérôme Garcin également, animateur du Masque et la Plume jusqu'en 2023, directeur du service culturel de L'Obs depuis.
Elisabeth Philippe, accompagnée par tous les membres du jury, a présenté le prix et ses intentions : primer une écrivaine francophone ayant publié un premier ouvrage dans l'année qui vient de passer, et surtout, grâce à sa généreuse dotation de 20.000 €, l'accompagner dans la poursuite de son parcours littéraire. Et d'annoncer sans plus tarder le nom de la lauréate : Adèle Yon, pour Mon vrai nom est Elisabeth.
À LIRE — Adèle Yon, lauréate du nouveau Prix littéraire du Nouvel Obs
Le jury, à l'unanimité, a choisi ce livre qui l'a « bouleversé » et « frappé par son audace, son originalité et sa force ». Dans son discours de réception, l'autrice a commencé par exprimer son enthousiasme à l'idée d'« une année passée à mon bureau sans autre souci que la littérature » et devant la « longue lignée de femmes intarissables » qu'elle entrevoit devant elle.
« J’ai grandi avec la peur de ressembler aux femmes qui m’ont précédée », poursuit-elle en référence à l'image qui colle aux femmes de sa famille : « la folie, la fragilité, la dépression, les débordements, l’inadaptation sociale... ».
Cet opprobre familial m’a si bien nourrie que je l’ai étendu, amplifié, exagéré en un mépris envers toutes les femmes qui parsèment (parsèment est bien le mot…) notre histoire culturelle et littéraire. Marguerite Duras, Marguerite Yourcenar, Nathalie Sarraute, Simone de Beauvoir, Françoise Sagan, Annie Ernaux… Je ne les lisais pas et je pensais : c’est quand même moins bien, non ? Les jeunes filles sont élevées dans la haine des femmes qui parlent.
— extrait du discours d'Adèle Yon
Des mots forts qui nous ont poussés à accaparer la lauréate le temps d'une courte interview improvisée. « Je suis très touchée, nous dit-elle, d'autant plus qu'il y avait beaucoup de belles sorties lors de cette rentrée littéraire. Et j'aime beaucoup le fait que ce soit un jury mixte, qui représente à la fois les attentes du lectorat et ce qui se fait aujourd’hui en littérature contemporaine ».
Sans transition, nous la relançons sur les raisons de son ancien mépris pour les femmes écrivaines : « Je suis vraiment un pur produit de la “méritocratie républicaine”, comme on dit. Ce n'est vraiment pas un cadre où on s’interroge sur ce qui fait notre patrimoine culturel. On ne le remet pas en question. »
Mais aujourd'hui, Adèle Yon est enthousiaste quant à la relation qu'entretiennent les jeunes filles aux « femmes qui parlent » et à leur patrimoine littéraire : « J'ose espérer qu’elles n'entretiendront plus le même rapport. Les choses changent, heureusement. »
Elle nous confie pouvoir observer ces changements autour d'elle, dans son entourage direct. Elle a notamment « beaucoup d'ami.e.s qui sont professeur.e.s, je vois bien que leur manière d’envisager le programme change ». De manière plus radicale encore, elle explique être « entourée de beaucoup de femmes qui ne lisent plus que des autrices ».
Quand on lui demande à quoi ressemble la suite pour elle, elle nous répond qu'elle envisageait « de poursuivre une carrière universitaire. Ce prix me permet de prendre du recul, de réfléchir à ce que j’ai envie de faire vis-à-vis de la littérature, sans être immergée dans cette espèce de course au poste qu’est devenue l’université. C’est très important pour moi. »
Pour rappel, son roman est aussi sa thèse de doctorat. Le challenge était de « voir si je pouvais défendre le même texte à la fois comme une œuvre à destination des lecteurs, publiée par un éditeur littéraire, et aussi comme un travail universitaire pouvant me valoir le titre de docteure. Et ça a été le cas », explique-t-elle, ravie.
Mais jusqu'à présent, les événements qui s'enchainent — « c’est complètement le tourbillon », nous confie-t-elle — l'empêchent de plancher sur un deuxième roman. « J’ai eu très exactement une semaine de répit entre ma soutenance de thèse, deux jours pour dormir… et la publication du livre. Et pendant cette semaine-là, j’ai commencé à écrire quelque chose. Mais depuis, je n’ai pas eu du tout le temps de revenir dessus. »
Crédits image : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Par Ugo Loumé
Contact : ul@actualitte.com
Paru le 06/02/2025
416 pages
Editions du Sous sol
22,00 €
2 Commentaires
Nau jacqueline
10/04/2025 à 11:42
Intéressant voire "touchant"
Délicatesse.
Il faut la suivre et l'encourager .
Prévoit-elle de développer sa vision du féminisme actuel ?
Féminisme actuellement Violent auquel il manque des nuances ...
Bien à vous .
Merci pour sa démarche "nouvelle"
BESOIN POUR NOUS TOUS :
FEMMES
Pères
Méres
ENFANTS .
Jacqueline Nau
Chroniques
12/04/2025 à 07:22
Encore et toujours le conformisme !
Cette demoiselle tient le discours qu'attendent médias culturelles et public formaté.
Quant à sa thèse je doute fort de son intérêt pour la recherche
Mais quand donc les ecrivaillons de ce siècle finiront de parler d'eux et de leurs petits problèmes bien personnels
Un peu d'élévation, que diable !