Parlons peu, mais parlons tout de même… de langage. Plusieurs équipes scientifiques, avant tout soucieuses de faire mentir Descartes (pas de petits plaisirs) ont récemment communiqué les résultats de leurs études. Elles révèlent des similitudes frappantes entre les modes de communication de certaines espèces animales et le langage humain.
Ces nouveaux éclairages sur l’évolution de la communication nous obligent, pauvres frères humains, à sortir de cette benoite contemplation nombrilaire qui ferait de nous une variété de mamifères extraordinaire. Et commençons, justement, avec des cousins : les bonobos
Une étude publiée en avril 2025 dans la revue Science révèle que les bonobos, nos plus proches parents vivants, utilisent des combinaisons de vocalisations qui rappellent la structure du langage humain. Les chercheurs ont observé que ces primates associent différents appels pour former des "phrases" complexes, où le sens global dépasse la simple somme des significations individuelles.
Par exemple, la combinaison d'un "peep" suivi d'un sifflement semble signifier "restons ensemble", une expression utilisée pour apaiser des situations sociales tendues, notamment lors des rituels d'accouplement. Cette capacité à structurer des messages en combinant des sons distincts était auparavant considérée comme propre à l'homme. (lire l'étude sur Science)
Parallèlement, une autre étude parue dans Science en février 2025 a mis en évidence que les chants des baleines à bosse présentent des structures statistiques similaires à celles des langues humaines. Les chercheurs ont analysé des enregistrements sur huit ans et ont découvert que ces chants suivent la loi de Zipf, un modèle observé dans toutes les langues humaines.
Les mots les plus fréquents apparaissent de manière disproportionnée par rapport aux moins fréquents. Cette découverte suggère que, tout comme les humains, les baleines ont développé des moyens de simplifier leur communication, facilitant ainsi l'apprentissage culturel et la transmission des chants entre générations. (étude sur Science Advance)
Une étude publiée en mars 2025 dans Science News a mis en évidence que les perruches ondulées (ou perruches australiennes) possèdent des circuits neuronaux pour la production vocale similaires à ceux des humains.
En utilisant des sondes en silicium à haute densité, les chercheurs ont observé que l'activité cérébrale de ces oiseaux lors de la vocalisation reflète celle trouvée dans les centres de la parole humaine. Cette découverte suggère que les perruches pourraient servir de modèle pour étudier les mécanismes de la parole humaine et développer des thérapies pour les troubles du langage. (via Nature)
Les dauphins sont reconnus pour leurs capacités de communication sophistiquées, utilisant une variété de sifflements, de clics et de pulsations sonores. Des études récentes ont révélé que ces mammifères marins emploient des structures vocales présentant des similitudes avec le langage humain. Par exemple, chaque dauphin possède un "sifflement signature" unique, fonctionnant comme un nom propre, permettant l'identification individuelle au sein du groupe.
Des recherches menées en 2023 ont démontré que les dauphins à gros nez utilisent des signaux vocaux pour coordonner leurs comportements lors de tâches coopératives. Les résultats indiquent que les dauphins réussissent mieux dans ces tâches lorsqu'ils émettent des sifflements avant d'agir, ce qui suggère une forme de communication intentionnelle pour synchroniser leurs actions, rappelant les interactions humaines où la parole est utilisée pour coordonner des activités communes. (via PMC)
Une étude publiée en juin 2024 par l'Université d'État du Colorado a révélé que les éléphants africains utilisent des appels spécifiques pour s'adresser les uns aux autres, fonctionnant comme des noms individuels. Cette capacité, rare chez les animaux non humains, reflète l'utilisation de noms propres dans les langues humaines et souligne la complexité sociale et cognitive des éléphants. (sur Colorado State University)
Ces découvertes remettent en question l'idée que certaines caractéristiques du langage humain sont uniques. Elles suggèrent plutôt que des principes tels que la compositionnalité et des structures statistiques spécifiques pourraient avoir des origines évolutives communes ou être le résultat de convergences adaptatives. L'étude des systèmes de communication animale offre ainsi une perspective enrichissante sur les mécanismes sous-jacents au langage humain et sur son évolution. PNAS
Les avancées technologiques, notamment dans le domaine de l'intelligence artificielle, ouvrent la voie à une meilleure compréhension des langages animaux, indique Sentient. Des chercheurs développent des modèles capables de décrypter les signaux acoustiques émis par différentes espèces, avec l'ambition d'établir une communication bidirectionnelle entre humains et animaux.
Ces efforts pourraient non seulement approfondir notre compréhension des autres espèces, mais aussi avoir des implications éthiques significatives concernant notre relation avec le monde animal.
Crédits photo : Pexels CC 0
Par Clément Solym
Contact : cs@actualitte.com
Commenter cet article