LeLivreaMetz25 — L'autrice de littérature pour enfant Aurore Petit est une des invitées d'honneur de cette édition du Livre à Metz. En amont du festival, nous avons échangé avec elle sur les rendez-vous à venir pour ce week-end, sur sa série d'albums autobiographiques à succès, et sur ses projets à suivre.
Le 04/04/2025 à 09:00 par Ugo Loumé
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Publié le :
04/04/2025 à 09:00
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Aurore Petit est à l'origine d'un grand nombre d'albums jeunesse, soit en tant qu'autrice, soit en tant qu'illustratrice. Dernièrement, sa série autobiographique initiée avec Une maman, c’est comme une maison (Éditions Les fourmis rouges) a connu un grand succès, jusqu'à être traduite en anglais. La preuve s'il en fallait que plus on va dans le particulier et l'intime, plus, paradoxalement, on parle à un grand nombre de gens.
Car dans ces albums-là, Aurore met en scène sa propre famille dans des scènes du quotidien. Le quatrième et dernier volet, Grande !, est sorti en aout 2024. Il a pour héroïne une (grande) petite fille de 2 ans et raconte son rapport au monde, à sa mère, à son père et à son grand frère. Rencontre avec l'autrice...
ActuaLitté : Vous êtes l’invitée d’honneur du festival. Qu’est-ce que cela représente pour vous ? Et quels sont les temps forts que vous attendez particulièrement ?
Aurore Petit : Je suis très heureuse d’avoir été invitée. En plus des dédicaces tout au long du week-end, un rendez-vous très spécial m'attend le samedi, à 14h avec un groupe d’enfants à la médiathèque Verlaine. Ce sont eux qui feront visiter mon exposition. Ce n’est pas moi qui vais la guider, mais bien ces enfants qui ont préparé leur propre visite. C’est la première fois que je vis ça, et j’ai hâte.
L’exposition tourne déjà depuis un moment — elle a été conçue avec la galerie Jeanne Robillard, autour de trois albums : Une maman, c’est comme une maison, Bébé ventre et La petite soeur est un diplodocus. On y découvre des recherches, des crayonnés, des dessins à l'encre, des tirages en couleur... qui montre tout le processus de création de ces livres.
C'est une idée originale, comment s’est préparée cette visite ?
Aurore Petit : L'idée vient de l'organisation de Livre à Metz Tout a été fait en amont avec des bibliothécaires. Un groupe d’enfants a été invité il y a une quinzaine de jours pour un atelier autour de mes livres. Je crois qu’ils ont travaillé sur mes albums de manière générale. Je me laisse complètement porter par ce qu’ils ont imaginé. C’est inattendu pour moi, mais très prometteur.
On dit souvent que votre univers est « tendre », « poétique », « coloré », comment le décririez-vous à titre personnel ?
Aurore Petit : Mon travail je le souhaite accessible, grand public, simple, drôle aussi. Avant d’être poétique ou tendre, j’essaie d’être le plus juste possible dans le message que je veux porter. Juste dans le ton, dans ce que je raconte de la relation parent-enfant, dans ce qui peut résonner chez le jeune public.
Vous adoptez souvent le point de vue de l’enfant. Comment parvenez-vous à trouver la bonne distance ?
Aurore Petit : Depuis que je suis moi-même devenue mère, cette distance a changé naturellement. Je vis avec des enfants, je les « pratique » tous les jours. Cela a modifié ma façon de voir les choses, de les expliquer ou de les montrer. Je fais souvent des tests avec les enfants qui m'entourent. Je me rends rapidement compte de ce qui fonctionne ou pas.
Aussi, quand j’écris, j’imagine que je parle à un enfant, et ça vient assez naturellement. Avant d’être mère, je ne pense pas que mes livres avaient cette distance-là. Ils étaient peut-être moins immédiats, moins faciles. Maintenant j'ai envie que le public rentre facilement dans mes histoires.
Vos enfants interviennent-ils dans la création des albums ? Et comment réagissent-ils au fait d'en être les protagonistes ?
Aurore Petit : Ils n’interviennent pas directement, mais ils en sont les acteurs puisque ce sont des albums autobiographiques. Ce sont des moments de vie que je note au quotidien pour ne pas les oublier, dans des carnets qui constituent un genre de journal intime. Ces notes, parfois des conversations que j'ai avec eux, ou des histoires que l'on vit ensemble, deviennent la base de mes histoires. J’essaie ensuite de les transformer pour qu’elles prennent une portée plus universelle et la forme d'un récit cohérent qui se détache un peu de mon histoire intime.
Et après coup, ils adorent avoir un livre à leur effigie ! (rire)
Vous parlez d'intime, y a-t-il des choses que vous décidez de ne pas raconter ?
Aurore Petit : Oui, bien sûr. Il y a des choses que je garde pour moi. Et puis, dans cette série, on voit aussi une évolution. Au fil des livres, les adultes prennent de plus en plus de distance avec le sujet. Et dans Grande !, ils sont tout le temps hors champ. C’est une manière de recentrer l’histoire sur l’enfant, sur son vécu, tout en assumant que c’est mon regard à moi.
En tant que parent je voulais surtout écrire les livres que j'avais envie de lire. Je trouve que dans la thématique du développement de la petite enfance il y a plein de sujets porteurs : la découverte du langage, de la motricité, la découverte du corps, du monde qu'on commence à nommer...
La série a rencontré un très grand succès. Comment l’avez-vous vécu ?
Aurore Petit : J'en suis ravie, mais ça m'a un peu cueillie. Je ne m’y attendais pas du tout. J’avais déjà publié plusieurs livres auparavant, plus confidentiel, mais celui-là a eu un écho particulier. Je ne pensais pas qu'il aurait une portée aussi universelle. J'étais surprise de voir qu'énormément de familles se sont reconnues dans cette histoire que j'imaginais intime. Ça crée une complicité assez touchante. Quand les gens viennent me voir en dédicace, ils me racontent directement leur vie de manière très intime. Ce lien avec les lecteurs, c’est précieux.
Avez-vous l’intention de prolonger cette série avec de nouveaux livres ?
Aurore Petit : Non, je crois que c’est terminé. Je n’envisage pas de nouveaux enfants non plus ! (rire) Et j’ai envie de revenir à la fiction, à quelque chose de plus distancé. Mais je continue à tenir ce journal de bord. Il prendra peut-être une autre forme, parce que mes enfants commencent aussi à être un peu grands pour ce type d'album.
Justement, puisque vous parlez de fiction : vous avez notamment coécrit la série Dolorès Wilson avec Mathis. Comment est née cette collaboration à deux voix ? Et comment fait-on émerger un univers commun en littérature jeunesse ?
Aurore Petit : Au départ, Dolorès Wilson était un personnage que j’avais inventé pour une carte de vœux. Je la mettais en scène dans des situations un peu loufoques, comme sur un bolide avec des ailes de libellule, et elle souhaitait « bonne année ». C’était juste une image, mais il y avait déjà un ton. Un jour, Valérie Cussaguet, l’éditrice des Fourmis rouges, m’a dit : « Mais c’est un personnage de série, une super-héroïne, il faut que t'en fasses quelque chose ! ». J’ai essayé d’écrire des histoires autour d’elle, mais ce n’était pas mon registre naturel. J’écris plutôt pour les plus petits, des récits simples et courts. Là, il fallait quelque chose de rocambolesque, avec des rebondissements, des intrigues longues...
C’est à ce moment-là que j’ai rencontré Mathis, qui écrivait pour les enfants, pour les ados, mais aussi pour la télévision. Je lui ai présenté Dolorès Wilson, et ça l’a tout de suite inspiré. Il a commencé à imaginer des histoires à la chaîne dans cet univers que j’avais déjà partiellement dessiné. Tous les personnages secondaires existaient déjà. On a beaucoup discuté, beaucoup ri. On a cherché ensemble un humour qui nous parlait à tous les deux. Et on a glissé plein de références personnelles : Drôles de dames, Chapeau melon et bottes de cuir, Téléchat, Inspecteur Gadget...
C’était une sorte de joyeux fourre-tout dans lequel on mettait ce qu’on aimait. L’univers graphique et narratif reflétait vraiment nos goûts. Ensuite, on a construit chaque histoire à deux, petit à petit, en alternant les bouts de texte et les images.
Vers quels projets vous tournez-vous aujourd’hui ?
Aurore Petit : Je travaille actuellement sur un nouveau livre qui s’appelle Pavel et Mousse, prévu pour l’automne. C’est de la fiction, mais toujours avec cette thématique qui se trouve dans tous mes travaux : la relation adulte-enfant. Je crois que cette idée que ce sont peut-être les enfants qui font grandir les adultes, c’est le moteur de tout ce que je fais.
Je les trouve vachement plus forts que nous. Ils ont une manière de voir le monde qu'on a complètement oublié. Le fait de vivre avec des enfants ça m'a beaucoup ramené à tout ce qu'on perd en grandissant, de fraicheur et d'ouverture d'esprit et aux champs des possibles.
Crédits image : ©Pauline MARIAGE
DOSSIER - À Metz, le livre tiendra tête (et dragée haute) pour le festival
Par Ugo Loumé
Contact : ul@actualitte.com
Paru le 19/09/2019
48 pages
Les Fourmis Rouges
15,90 €
Paru le 16/09/2021
48 pages
Les Fourmis Rouges
15,50 €
Paru le 25/08/2022
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Paru le 23/08/2024
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Paru le 19/05/2022
141 pages
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1 Commentaire
Marie
05/04/2025 à 08:49
"...grandir" je ne sais pas. Mais, expérience aidant, c'est fou ce que l'on
apprend des enfants, à tout âge, des siens en particulier, naturellement...Et comme, in fine il s'agit de culture, sa propre culture mûrit, donc grandit...Leurs expériences, leurs découvertes s'inscrivent dans un temps et un espace à leur mesure...qui ne sont pas -ou plus- les notre. D'où enrichissement. Mutuel.