La contre-culture américaine surprend toujours, désoriente parfois, nous interpelle continuellement. Karen Finley est une artiste pluridisciplinaire qui s’est confrontée au monde du Sida, aux luttes féministes, au combat contre l’inceste, une artiste qui a occupé le terrain médiatique jusqu’à apparaître dans Playboy recouverte de chocolat pour dénoncer l’hypocrisie américaine, elle s’est battue contre l’État fédéral pour la liberté d’expression, huit ans de procédure qui l’a propulsé au-devant de la scène des activistes.
Traduit par Malik Boutebal, Je n’étais pas faite pour être talentueuse reprend des textes que l’autrice qualifie de « jeunesse », écrits entre 1985 et 1994. Textes de révoltes, textes de blessures, les mots de Karen Finley combattent l’injustice quelque en soit l’origine : la jeune fille face à l’inceste et ses « non » que personne n’entend, la voix de la Tante Maddy morte des suites d’un avortement clandestin, le mépris des femmes quand elles ne sont pas mère, le prix de la masculinité et elle redonne vie aux victimes du Sida, victimes souvent effacées de leur famille et de la mémoire collective.
Tout au long du texte Le massacre de la Saint-Valentin, elle exprime tout le mal-être d’une femme qui a peur d’être aimée ou désirée, elle parle d’une errance dans l’alcool, le sexe par devoir d’aimer ; et de conclure par un paradoxal et bouleversant : « C’est toujours mieux de se sentir maltraitée que de rien sentir du tout. ».
Karen Finley est aujourd’hui une universitaire reconnue, ses textes témoignent que notre intimité ne nous protège pas du monde extérieur, et qu’il y a toujours une interaction entre eux. Monde fait de solitude et de peur, monde dans lequel, le poids de la société et de ses codes ne doit en aucun cas préempter ce que nous sommes.
Le recueil se termine par un texte magnifique, Le mouton noir, texte qui recense les marginaux, les laissés pour compte, ceux qu’on ne regarde pas, qu’on ne côtoie pas, mais qui sont indispensables car grâce à leurs silences, ils donnent du sens à la vie des autres, parce que les moutons noirs connaissent la solitude et l’amour inconditionnel.
Et c’est en cela que Karen Finley porte en elle une voix universelle.
Publiée le
01/04/2025 à 09:00
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Paru le 07/03/2025
105 pages
Seuil
15,00 €
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