Vous faites sans doute partie des 2.8 millions de spectateurs qui ont vu et apprécié Papa ou maman, sorti en 2015. À l’origine de ce film interprété par Laurent Lafitte et Marina Foïs, un scénario original, celui de Guillaume Clicquot. Ce script subissant les affres de la réécriture durant quatre ans, il le « novelisa » et le publia chez Hugo sous le titre : Garde tout, surtout les gosses ! (Pocket, 2025)
Dix ans après, alors que le film est toujours programmé sur les chaînes de télévision, Pocket a la bonne idée de rééditer le roman, avec, prévient l’auteur, quelques différences par rapport au texte initial.
Habituellement, en cas de divorce, les parents se battent pour conserver le droit de garde des enfants. Dans le cas de Florence et Denis, c’est le contraire : affublés de trois ados dont l’aîné est un glandeur de première, la deuxième, est une fille une nymphomane superficielle et le petit dernier est un génie asocial, les deux parents ne veulent surtout pas les récupérer et pensent vivre dans le divorce l’insouciance d’une jeunesse retrouvée pour le père, et enfin la carrière professionnelle méritée pour la mère.
Alors, comment faire pour inciter les enfants à faire le bon choix ?
Deux options s’ouvrent à ces parents indignes : soit encenser l’autre conjoint pour le montrer sous un beau jour, soit se faire détester. Et quand on joue sur les deux tableaux, il n’est pas certain que le résultat soit à la hauteur des espérances de chacun.
C’est politiquement incorrect, on rit beaucoup de ce couple qui se déchire comme des sales gosses, inventant des pièges et des situations inattendues, c’est même à se demander si ces parents-là sont vraiment des adultes.
Mais ne croyez pas que Guillaume Clicquot ne fait que s’amuser à nous offrant cette farce : il aborde divers thèmes tels que le rôle des parents dans l’éducation des enfants, la carrière trop souvent mise de côté des femmes pour se consacrer à sa famille, l’immaturité des hommes et l’ingratitude légendaire des enfants.
Les traits de caractère ne sont pas si caricaturés que cela, l’auteur possède un œil cinglant et lucide sur notre société et ses travers pour nous faire rire sans honte de nos propres défauts.
Rencontre avec Guillaume Clicquot sur cette folle aventure :
ActuaLitté : Nulle part dans la Loi il est écrit que les parents doivent aimer leurs enfants.
Guillaume Clicquot : Certes et on n’est jamais à l’abri de mettre au monde un monstre. Même si la nature nous offre parfois de mauvaises surprises, je crois à l’exemplarité parentale et aux vertus de l’éducation surtout au plus jeune âge. C’est comme pour les chiens : si on laisse tout passer, ils finissent obèses sur le canapé à manger du nutella et à aboyer sur tout ce qui passe.
Le contre-emploi est-il le ressort de la comédie ?
Guillaume Clicquot : Pas le contre-emploi : le contre-pied. Le déclenchement du rire découle de la surprise. Il faut cueillir le lecteur ou le spectateur que ce soit par une situation, un réflexe inattendu ou une réplique incongrue. Moi j’ai pour habitude d’imaginer la solution la plus évidente, et ensuite de me poser la question « quelle est son opposée ou son inverse ? ».
Si ces options restent logiques par rapport à l’histoire ou la nature des personnages, c’est tout bonus. Toutefois il faut avoir au départ des protagonistes riches en défauts, en tiques et faiblesses.
Dans l’avant-propos, vous parlez de l’enfer de la réécriture, pouvez-vous nous en parler ?
Guillaume Clicquot : Le « rewriting-hell » est le terme employé par les Américains pour désigner la réécriture infinie de scénarios. C’est spécifique au cinéma et particulièrement à la comédie. Les enjeux financiers étant élevés, il est fréquent que chaque investisseur donne son avis et tente d’effacer des scripts tout ce qui peut être clivant avec l’espoir d’attirer le plus large public.
Avec l’influence des réseaux sociaux, la peur du danger a accentué ce phénomène. Il ne faut pas prêter le flanc à une attaque communautariste et le « politiquement correct » est la règle. Bref, beaucoup de comédies deviennent tièdes ou se transforment en farce grotesque. En roman, en revanche, on a toute liberté, mais les sommes engagées sont toutes petites.
Quelle est la principale difficulté de l’adaptation ?
Guillaume Clicquot : Ici ce n’est pas une adaptation, c’est l’inverse, la transformation d’un scénario en roman. L’avantage du livre c’est qu’on n’est pas limité à un nombre de pages. En scénario, il faut souvent couper des scènes si l’on veut en placer une nouvelle.
Que ce soit « Papa ou maman », « Joyeuse retraite » ou « La fille du terrassier », dans leurs versions « roman », j’ai pu intégrer toutes les séquences coupées au script, mettre l’intégralité des dialogues, intégrer des pensées des personnages, des commentaires, des considérations sociétales. C’est très jouissif. L’adaptation c’est tout le contraire : c’est frustrant, car on doit faire des choix et sacrifier d’excellents passages.
En général, l’écriture d’un roman est une activité solitaire, en revanche, l’écriture d’un scénario se fait à plusieurs.
Guillaume Clicquot : Pas forcément. Moi, j’écris seul. En revanche le scénario n’est qu’un outil de travail transitoire, destiné à toute une équipe dans le but de réaliser un film. Il y a donc un moment où l’on va travailler avec cette équipe : un producteur, puis un réalisateur, avec des comédiens, et aussi avec des techniciens lorsque le script se heurte à des impossibilités techniques.
L’auteur doit donc se mettre au service de ces spécialistes puis s’effacer pour que le résultat final dont le réalisateur est le garant soit homogène et sincère.
Vous être catalogué comme un auteur « humoristique » Est-il difficile de s’en extraire ? Je pense à votre texte Les fallacieux par exemple…
Guillaume Clicquot : C’est un enfer en effet. Même sans changer de genre. Lorsque vous connaissez le succès avec un livre ou un film, vous êtes courtisé de toutes parts, car vous représentez un potentiel commercial. Alors vous présentez ce que vous avez « en stock ». Hélas, dans 99 % des cas, vous vous apercevez que ce que recherche « votre nouvel admirateur » c’est un clone de votre dernier succès.
Alors oui, si vous voulez changer de genre, c’est mission impossible, surtout en roman. Les maisons d’édition misent tout sur la fidélité du lectorat (principalement féminin) et l’auteur ne doit en aucun cas le déconcerter, le décevoir ou pire encore, se couper de lui.
Une indiscrétion pour nos lecteurs : le succès de Prenez-moi pour une conne, sera-t-il traduit par une adaptation télévisée ? On parle également d’une adaptation de La fille du terrassier paru l’an passé…
Guillaume Clicquot : « Prenez-moi pour une conne » deviendra un long métrage et je retravaille actuellement l’adaptation. J’ai déjà eu beaucoup de sollicitations, mais je m’en réserve la réalisation et j’ai refusé plusieurs propositions de producteurs qui ne m’accordaient pas leur confiance.
« La fille du terrassier » est déjà en production et sera réalisé par Olivier Baroux, avec lequel j’ai tout de suite eu une grande complicité. On espère démarrer le tournage début septembre 2025.
L’écriture d’un roman offre plus de possibilités que celle d’un scénario qui impose des contraintes et qui doit satisfaire chaque participant au projet du film. À l’heure où l’image devient un outil de plus en plus présent et référentiel, il est essentiel de préserver la littérature.
Scénariste, romancier, Guillaume Clicquot ne manque pas d’énergie et de persévérance pour nous surprendre, nous avons hâte de découvrir à l’écran La Fille du Terrassier et Prenez-moi pour une conne, deux romans irrésistibles qui connaîtront, c’est sûr, le même succès que Papa ou maman.
À LIRE – “La BD fantasme la chute de notre société depuis les années 70”
En attendant et si vous êtes impatient, lisez Garde tout, surtout les gosses !, de belles pépites vous attendent au détour des pages dont l’auteur a le secret.
Crédits image : © Guillaume Clicquot
Par Christian Dorsan
Contact : contact@actualitte.com
Paru le 30/01/2025
269 pages
8,70 €
Paru le 02/05/2024
336 pages
9,00 €
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