L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, arrêté le 16 novembre 2024 à l’aéroport d’Alger, a finalement été condamné à cinq ans de prison par le tribunal correctionnel de Dar El Beida, situé à l’est de la capitale. À la suite de cette annonce, les réactions politiques en France ont été immédiates et quasi unanimes. Du président de la République à son premier ministre, en passant par l’ensemble des formations politiques, tous dénoncent un verdict jugé inacceptable. Seule ombre au tableau : l'absence de réaction d'une figure de gauche, qui interroge...
Le 27/03/2025 à 18:18 par Hocine Bouhadjera
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27/03/2025 à 18:18
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Le président Emmanuel Macron, lors d’une conférence de presse tenue à l’issue du sommet sur l’Ukraine à Paris, a exprimé tout son soutien à Boualem Sansal et sa famille : « Je souhaite vivement qu’après ce jugement, il puisse y avoir des décisions claires, humaines et humanitaires par les plus hautes autorités algériennes pour pouvoir lui redonner sa liberté et lui permettre à la fois de redevenir un homme libre et de se soigner parce qu’il combat aussi la maladie », a-t-il notamment expliqué, rapporte l'AFP.
Et de conclure, de manière sibylline : « Je sais pouvoir compter à la fois sur le bon sens et l’humanité des autorités algériennes pour prendre une telle décision, en tout cas je l’espère fortement. »
Plus largement, une grande partie de la classe politique a exprimé sa stupeur, sa colère ou son inquiétude face au sort réservé à l’écrivain franco-algérien de 80 ans : le Premier ministre François Bayrou qualifie, sur son compte X, la condamnation de l’écrivain d’« injustifiable ». Pour le président du groupe Ensemble à l'Assemblée, Gabriel Attal, « avec cette condamnation, le régime d’Alger veut faire taire Boualem Sansal pour toujours. Et à travers ce verdict inique, c’est la liberté qui est condamnée. Ce sont nos valeurs qui sont attaquées. C’est la France qui est visée. »
Ce dernier se montre ensuite offensif : « Nous ne sommes pas dupes et nous ne nous laisserons pas faire. Nous n’abandonnerons pas. Nous nous battrons jusqu’au bout pour la Justice et donc pour la liberté de Boualem Sansal. »
L’eurodéputée France insoumise Manon Aubry, alors que son parti a été vivement critiqué pour son silence sur cette affaire, a elle aussi pris position en dénonçant directement le régime algérien : « Avec cette condamnation, le régime d’Alger veut faire taire Boualem Sansal pour toujours. Et à travers ce verdict inique, c’est la liberté qui est condamnée. Ce sont nos valeurs qui sont attaquées. C’est la France qui est visée. Nous ne sommes pas dupes et nous ne nous laisserons pas faire. »
Sa camarade Clémence Guetté abonde dans ce sens, mais en pointant les méfaits, selon elle, des « provocations » du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, qui gêneraient « le travail sérieux de notre diplomatie au service des droits humains ». L’actuel locataire de Beauvau s'est contenté de reposter un message laconique du Président du Sénat, Gérard Larcher : « On ne condamne pas les esprits libres. Boualem Sansal doit être libéré. »
Le Président de l’Union des Droites pour la République, Éric Ciotti, affirme que Boualem Sansal a été « abandonné par le gouvernement français », quand le député européen affilié au PS, Raphaël Glucksmann, qui parle d'« un scandale absolu ». Le Premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure, le Secrétaire national du PCF Fabien Roussel, le député de l’Essonne Jérôme Guedj, le chef de file des Républicains au Parlement européen François-Xavier Bellamy, le président de la Région Sud, Renaud Muselier, la présidente du groupe LFI - NFP à l’Assemblée nationale Mathilde Panot... Une belle part de la classe politique s'est fendue de son petit message de soutien.
Silence en revanche du côté du Président du RN, Jordan Bardella, en déplacement en Israël, quand la Présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale, Marine Le Pen, parle d'une « condamnation scandaleuse » qui, « compte tenu de son âge et de son état de santé, [constitue] une condamnation à perpétuité. » Et d'être formelle : « Cela restera une tâche indélébile sur le régime algérien. En réalité, Boualem Sansal est un otage du régime algérien qui s’en sert pour faire plier la France. » Aucune déclaration du côté de Jean-Luc Mélenchon en revanche, aujourd'hui co-président de l’Institut La Boétie, affilié à la FI. Une note de blog à venir, malgré tout ?
À LIRE - Pourquoi les eurodéputés France insoumise détestent Boualem Sansal ?
En réaction à la condamnation de Boualem Sansal à cinq ans de prison en Algérie, le maire de Montmorency, Maxime Thory, a annoncé une initiative symbolique : « Je ferai distribuer un de ses romans, offert par la ville, à chaque jeune de 18 ans », a t-il partagé sur X. Le portrait de l’auteur sera par ailleurs affiché sur la façade de l’Hôtel de Ville jusqu’à sa libération.
Côté société civile, l'imam de Drancy, Hassen Chalghoumi, apporte un « soutien total à Boualem Sansal », quand Chawki Benzehra, activiste politique algérien réfugié en France attend le procès en appel, ou une grâce, pour espérer sa libération, « mais il est nécessaire de sortir de la naïveté et imposer un rapport de force avec la junte militaire pour obtenir des résultats », assure-t-il.
La condamnation de Boualem Sansal pourrait, paradoxalement, ouvrir la voie à une grâce présidentielle accordée par Abdelmadjid Tebboune, avance Le Point, qui cite un avocat algérois : « L'idée qui circule à Alger est de faire vite condamner Sansal pour ouvrir la voie à une grâce présidentielle. » Une telle éventualité pourrait aussi constituer un levier diplomatique dans les relations, particulièrement tendues ces derniers mois, entre la France et l’Algérie.
En 2024, Emmanuel Macron s’est rapproché du roi du Maroc, Mohammed VI, dans un contexte de discussions autour du Sahara occidental, territoire disputé entre le Maroc et la Mauritanie. Tandis que Rabat le considère comme faisant intégralement partie de son territoire, l’Algérie soutient l’indépendance du Sahara occidental, défendue par le Front Polisario, mouvement à la fois politique et militaire.
Le soutien affiché par le président français à l’intégration partielle du Sahara occidental au Maroc avait alors suscité une vive réaction d’Alger. Selon le média algérien TSA, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, devrait se rendre prochainement à Alger afin d’acter un processus d’« apaisement » entre les deux pays.
Le tribunal correctionnel de Dar El Beida a condamné Boualem Sansal à cinq années de prison ferme, assorties d’une amende de 500.000 dinars (environ 3500 €). Une peine déjà lourde, bien que inférieure aux réquisitions du procureur général, qui avait requis dix ans de prison ferme ainsi qu’une amende deux fois plus élevée.
Arrêté à l’aéroport d’Alger le 16 novembre 2024, l’intellectuel était visé par plusieurs chefs d’inculpation : « atteinte à l’unité nationale, outrage à corps constitué, pratiques de nature à nuire à l’économie nationale et détention de vidéos et de publications menaçant la sécurité et la stabilité du pays ».
L’écrivain s’est défendu seul à la barre lors de l’audience du jeudi 20 mars. Il y avait alors déclaré : « Mes propos ou écrits étaient simplement une opinion personnelle, j'en ai le droit comme tout citoyen algérien. Je n'ai pas mesuré l'impact que pouvaient avoir certaines de mes déclarations sur les institutions nationales [algériennes] et je n'avais nulle intention de nuire à l'Algérie. »
Durant cette même audience, le juge a évoqué des échanges de messages entre Boualem Sansal et Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France en Algérie (en poste de 2008 à 2012, puis de 2017 à 2020). Selon le magistrat, ces messages contiendraient « des atteintes contre l’armée et les institutions ». Sansal, sans nier les échanges, avait répondu qu’ils exprimaient son « opinion en tant que citoyen algérien ».
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En revanche, l’écrivain a nié avoir été en contact avec un membre du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie, comme l’en accusait le juge. Les propos tenus par Sansal dans le média d’extrême droite Frontières, dont il est membre du comité éditorial, à propos des frontières historiques entre l’Algérie et le Maroc, n’ont pas été abordés au cours de l’audience, bien qu’ils semblent avoir joué un rôle déterminant dans son arrestation.
Crédits photo : Mairie du 5e arrondissement (Paris)
Par Hocine Bouhadjera
Contact : hb@actualitte.com
5 Commentaires
Thomas V.
27/03/2025 à 19:43
"Les propos tenus par Sansal dans le média d’extrême droite Frontières, dont il est membre du comité éditorial, à propos des frontières historiques entre l’Algérie et le Maroc, n’ont pas été abordés au cours de l’audience, bien qu’ils semblent avoir joué un rôle déterminant dans son arrestation."
Cette hypothèse - bien que confortable pour la gauchosphère - tend donc à s'évaporer... Sansal serait plus vraisemblablement condamné pour l'ensemble de son oeuvre critique contre la dictature algérienne, et très vraisemblablement otage de manoeuvres anti-françaises.
Heureusement, pour LFI, Manon Aubry sauve les meubles, elle le fait directement, entièrement, sincèrement, sans convoquer dieu sait qui ou quoi, en guise de coup de pied de l'âne, insupportables commentaires destinés à déplacer un peu le curseur de la culpabilité vers Sansal.
Grâce lui soit rendue !
J.Cutler
28/03/2025 à 08:03
Quels que soient ses écrits passés un peu d'humanité explique sans-doute cette "vague" sous-tendue par la liberté d'expression. Et on n'a que faire d'extirper de la liste des vip, celui ou celle ou ceux qui sont muets.
Tony Hertz
28/03/2025 à 11:12
https://www.lepoint.fr/monde/boualem-sansal-une-liberation-possible-mais-a-quel-prix-28-03-2025-2585852_24.php
On garde espoir !
rené henry
31/03/2025 à 14:46
Hé Boualem ! pas trop les boules d'être soutenu par Marine ? une condamnée toute fraichement inéligible..., tu vois ça bouge aussi au pays du camembert...
Smooth rodeo in the grass
31/03/2025 à 19:12
Riez, riez, mon ami. Vous aurez bien le temps de pleurer quand un équivalent de Trump sera élu en France et qu'il commencera à faire le ménage dans les institutions...