Un appel à la mobilisation a été lancé pour ce mardi devant l’Assemblée nationale, afin de demander la libération de l’écrivain Boualem Sansal, incarcéré en Algérie depuis novembre dernier. Plusieurs figures majeures de l’État ont pris la parole à cette occasion, parmi lesquelles le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, ou les présidents des deux chambres du Parlement, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher. Un rassemblement très politique, alors que le jugement sera rendu dans deux jours.
Le 25/03/2025 à 19:30 par Hocine Bouhadjera
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Publié le :
25/03/2025 à 19:30
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Étaient également présents l’ancien Premier ministre Gabriel Attal, le président du groupe La Droite républicaine à l’Assemblée, Laurent Wauquiez, ainsi que Marine Le Pen, présidente du groupe RN, ou encore Arnaud Montebourg, au nom de l’Association France-Algérie, ou David Lisnard, Président de l'Association des maires de France.
Jean-Luc Mélenchon a brillé par son absence, ce qui n'a pas manqué d'être pointé, accompagné de quelques sifflets de l'auditoire, et même un vibrant « tant mieux ! ». Louis Boyard, député FI, présent à quelques encablures du rassemblement, n'a pas souhaité s'y rendre, craignant peut-être de l'accueil qui lui serait réservé.
L’écrivain et journaliste Georges-Marc Benamou, engagé de longue date en faveur de la libération de Boualem Sansal, a pour sa part dénoncé avec vigueur : « Comment imaginer Mme Sandrine Rousseau rejoindre les dictateurs en traitant Sansal “d’individu pas net” ? » Il a, plus largement, pointé du doigt l’attentisme des écologistes et des socialistes, qu’il accuse de ne pas s’être suffisamment mobilisés en faveur du Franco-Algérien, « sous prétexte qu'il était soutenu par l’extrême droite ».
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Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire, dont Boualem Sansal a été un contributeur, a dénoncé avec force la détention de l'écrivain : « Quatre mois et dix jours, c’est inacceptable pour un homme défenseur de la liberté, de notre langue, un homme de surcroît âgé et malade », a-t-il déclaré. Selon le politologue, « c’est le procès fait à tous les hommes libres, qui refusent de baisser le regard face au réel et aux intimidations. Il est le veilleur, il nous montre le chemin difficile et âpre qu’il faut suivre pour rester debout. »
Constance Le Grip, députée Renaissance et porteuse d’une résolution parlementaire appelant à la libération de Boualem Sansal, a rappelé que si la résolution a été adoptée, elle ne l’a pas été à l’unanimité, ce que la députée a souligné avec gravité : « Certains auront devant eux leur conscience à examiner. » Citant le général de Gaulle, elle a lancé : « On n’embastille pas Voltaire ! » Et d'affirmer : « La liberté d’opinion et d’expression ne saurait souffrir d’aucune exception. Elles doivent être au-dessus de toute autre considération. »
« Le cas de Sansal n’est pas qu’une affaire algérienne ou française, c’est une affaire universelle », a souligné Jean-Michel Blanquer, Ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports entre 2017 et 2022. Il inscrit le sort de Boualem Sansal dans celui « de tous les prisonniers politiques et d’opinion », citant notamment le dissident russe Alexandre Soljenitsyne. Et de rappeler que le Franco-Algérien vient de recevoir le Prix de la liberté d’expression à Prague : « Il lui sera remis dans deux mois. Je veux qu’il aille le récupérer lui-même. »
L’écrivain Kamel Bencheikh, proche de Boualem Sansal, a confié de son côté : « Mon ami, mon frère, te savoir enfermé est une insulte à la liberté. Ils ont peut-être verrouillé une prison, mais ils n’ont pas scellé ta voix. » Et de développer avec force : « Comme si l’on pouvait faire plier un homme dont les mots sont des flammes. Nous sommes là et nous crions ton nom. Tu as dénoncé l’obscurantisme, l’injustice, l’arbitraire, et pour ça ils t’ont enfermé. Nous refusons cette dictature de la peur. Tiens bon, les murs et les tyrans tomberont, et toi, tu seras libre d'écrire, de rire, de vivre. »
Le caricaturiste algérien Ghilas Aïnouche, réfugié politique en France, a rappelé sa propre situation : récemment condamné à 10 ans de prison en Algérie, il est sous la menace de 20 ans supplémentaires en vertu du même article de loi que celui visant Boualem Sansal. « J’ai appris grâce à la langue française ce qu’est la liberté d’expression. J’ai aimé Coluche et appris ses sketchs, j’ai aimé Charlie et j’ai collaboré avec eux en 2014. Soutenir Boualem Sansal, c’est soutenir l’esprit de Charlie. C’est soutenir tous les prisonniers politiques en Algérie. » Il a aussi exprimé son inquiétude : « Je crains que, s’il est libéré, il soit frappé d’interdiction de quitter le territoire algérien et ne puisse pas revenir en France. »
Laurent Wauquiez a souhaité saluer le courage de l'écrivain : « Il a été le premier à avoir le courage de dénoncer le cynisme du régime algérien, là où nous, nous nous taisions. Ce que nous lui devons, c’est de lui offrir le même courage pour lui rendre la liberté de sa voix et de sa plume », a expliqué l'élu. Pour le maire de Nice, Christian Estrosi, « il y a une affaire Sansal, comme il y a eu hier une affaire Dreyfus », avant d'affirmer : « Je dis : Je suis Boualem, comme hier Je suis Charlie. »
Arrivé en fin de rassemblement, aux côtés de Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet, Bruno Retailleau a tenu à rendre hommage à la relation intime et profonde qui unit Boualem Sansal à la langue française, soulignant combien celle-ci est au cœur de son engagement littéraire et intellectuel. En référence à ses engagements littéraires et à sa fidélité à la France, il a interrogé : « Que lui reproche-t-on ? Son avocat juif ? D’être tombé amoureux de notre langue ? D’aimer trop la France ? » Et de conclure : « Honte à celles et ceux qui ont refusé la résolution au Parlement européen. Vive Boualem, vive la République, vive la France. »
Gérard Larcher a dénoncé « une peine de mort déguisée » et rappelé : « L’oubli est le véritable linceul des consciences. » Yaël Braun-Pivet a été, pour sa part, formelle : « Nous n’abandonnerons jamais l’un des nôtres. Tant que nous n’aurons pas retrouvé Sansal, nous n’aurons pas de répit. »
Ce rassemblement, résolument politique et davantage tourné vers la communication intérieure que vers une influence diplomatique directe, soulève une question centrale : aura-t-il, malgré tout, un réel impact sur le sort imminent de Boualem Sansal ? Réponse le 27 mars, où le jugement sera rendu par le tribunal correctionnel de Dar El Beida, près d’Alger. Le parquet a requis, le jeudi 20 mars, une peine de dix ans de prison ferme...
Arrêté à l’aéroport d’Alger le 16 novembre 2023, l’intellectuel est visé par plusieurs chefs d’inculpation : « atteinte à l’unité nationale, outrage à corps constitué, pratiques de nature à nuire à l’économie nationale et détention de vidéos et de publications menaçant la sécurité et la stabilité du pays ». L’accusation repose principalement sur des propos tenus en octobre dans un entretien accordé au média français Frontières, classé à l’extrême droite. Il y évoquait les frontières historiques entre l’Algérie et le Maroc, affirmant notamment « qu’une partie de l’Algérie était rattachée au Maroc avant l’indépendance », reprenant ainsi les thèses marocaines sur cette question.
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À l’époque, l’agence de presse algérienne APS avait réagi avec virulence, parlant de « délire révisionniste » et accusant la France de soutenir un écrivain présenté comme « négationniste ».
Le 18 février 2024, une soirée de soutien à Boualem Sansal a été organisée à l’Institut du monde arabe, en partenariat avec Gallimard, réunissant de nombreuses figures littéraires internationales. Leurs interventions seront publiées dans un recueil traduit en plusieurs langues. En parallèle, les éditions David Reinharc publieront le 27 mars un autre ouvrage collectif, Pour Boualem Sansal, sous l’impulsion de Pascal Bruckner et Michel Gad Wolkowicz.
L'avocat de l'auteur franco-algérien, François Zimeray, a par ailleurs saisi l’ONU pour dénoncer une « détention arbitraire » et s’inquiète de l’état de santé de son client, âgé de 80 ans et atteint d’un cancer. Emmanuel Macron a lui-même qualifié cette détention d’« arbitraire », y voyant une conséquence des tensions franco-algériennes, notamment sur la question du Sahara occidental. Les autorités algériennes ont alors dénoncé une « immixtion éhontée » de la France.
Article co-écrit avec Ugo Loumé.
Crédits photos : ActuaLitté (CC BY-SA 2.0)
Par Hocine Bouhadjera
Contact : hb@actualitte.com
3 Commentaires
Rémi Vincent
26/03/2025 à 11:33
Pourquoi Boualem Sansal, soi-disant si intelligent, est retourné en Algérie ?
Il s'est jeté dans la gueule du loup, comme un débutant.
Faut pas aller en Algérie, si, on est pas certain d'y ressortir vivant.
À l'image des Moines de Tibhirine, enlevés le 26 mars 1996 en Algérie, et retrouvés décapités.
Rémi Vincent
Willy Bones
26/03/2025 à 20:08
Vous connaissez, j'imagine, l'histoire de la dinde inductiviste du philosophe Bertrand Russell. Désolé pour la comparaison, Monsieur Sansal.
Chaque jour, notre dinde voit le fermier lui apporter son petit repas. Tant et si bien qu'elle en induit qu'il en sera ainsi jusqu'à la fin des temps.
Arrive le jour de Noël...
Sansal était allé si souvent en Algérie.
Ne haussons pas les épaules. Nous raisonnons tous de la sorte.
C'est toute l'histoire du cygne noir (un autre oiseau) de Taleb. Un événement improbable et imprévisible, aux conséquences ravageuses. Bien sûr, après, les "experts" parviennent toujours à remonter l'arbre des causes, car le passé est encore ce qui reste le plus facile à prévoir !
Félix
26/03/2025 à 19:49
Au-delà des clivages politiques de cette affaire, ce qui en ressort, c'est le parallélisme frappant avec un autre cas célèbre et combien tragique, celui de Navalny qui était aussi retourné volontairement en Russie.
Mais, ce que ces deux exemples démontrent surtout, c'est que nous vivons dans un monde barbare, moyennâgeux où la loi du plus fort sévit partout, impitoyablement.
La plupart du temps, la raison d'état prime sur les libertés individuelles et même collectives.
La tout dernière illustration de cela : l'emprisonnement arbitraire récent du maire d'Istamboul - également chef de l'opposition officielle - en Turquie.