Dans les rayons de Pulp’s Comics, plane l’ombre fascinante de Spectregraph... Et pour cause : non seulement une édition spéciale de ce roman graphique attend les lectrices et lecteurs, mais surtout, on voue une admiration à cette nouvelle histoire, signée James Tynion IV, scénariste prodige de l'horreur – et prodige tout court...
Rue Dante, à Paris, les amateurs de bande dessinée connaissent bien Pulp’s Comics. Spécialisée dans les comics américains, cette enseigne historique s’est récemment étoffée, déclinant ses passions en trois boutiques : l’une dédiée aux comics en version originale et traduite, une autre consacrée aux produits dérivés, et une dernière, fraîchement ouverte, centrée sur la BD franco-belge.
Théo, jeune libraire passionné, en incarne l’une des voix. Il évoque avec enthousiasme les collaborations nouées avec certaines maisons d’édition. « Avec Delcourt, on a l’habitude de travailler sur des éditions spéciales. C’est un éditeur avec qui les échanges sont simples, fluides. Pour Spectregraph, on a obtenu une couverture alternative, ainsi qu’un carnet graphique de seize pages, rassemblant toutes les variantes parues en VO. » Un tirage spécial qu'on s'offrira à cette adresse.
Notre dernière émission, Paroles de libraires, avec Théo, est à écouter ci-dessous. Et sans hésitation, Spectregraph a littéralement survolté le libraire :
Cet objet singulier porte la signature scénaristique de James Tynion IV (The Nice House on the Lake, juste pour n'en citer qu'un)– nom que l'on peine encore à prononcer sans trébucher – et les illustrations du talentueux Christian Ward. L’association des deux créateurs donne naissance à un roman graphique inclassable, entre récit surnaturel et immersion psychédélique.
« Dès les premières pages, on sent une tension sourde. Il y a de l’effroi, du mystère. On avance dans une atmosphère qui dérive progressivement vers l’abstraction. »
Dans ce manoir aux contours incertains, l’invisible affleure. Les fantômes murmurent dans les murs. La narration joue avec les frontières de la réalité. « Difficile d’en dire plus sans trahir la découverte. C’est un récit qui gagne à être lu sans trop d’informations préalables. Ce flou volontaire renforce l’étrangeté du propos. »
La mise en page elle-même participe à l’effet de trouble. Christian Ward, déjà remarqué sur The Nice House on the Lake, construit un univers visuel saturé de couleurs et de motifs déroutants. « Les gaufriers s’effacent au fil du récit. Des doubles pages éclatent la narration, la composition déborde. On passe d’une palette claire à des teintes sombres, presque lovecraftiennes. C’est un véritable trip graphique. »
Cette complexité formelle ne dissuade pas le libraire, bien au contraire. Théo insiste sur la richesse de l’ouvrage et sur l’importance de le défendre. « On le met en vitrine, parce qu’on y croit. Quand un lecteur s’arrête, intrigué, on l’invite à se laisser porter. Et souvent, ça fonctionne. »
Le mystère demeure volontairement épais. Le libraire refuse de révéler l’intrigue. « Je ne peux pas dire qui est l’enquêteur, ni pourquoi il est recruté. Même sa spécialité – les phénomènes paranormaux – reste une information qu’on partage avec prudence. »
Un parti pris assumé, qui fait partie de la stratégie. « Cette réticence nourrit l’intérêt. Plus on en dit, plus on gâche l’expérience. Le bouche-à-oreille fait le reste. » La comparaison avec d’autres titres s’impose pourtant. « Ceux qui ont aimé Something is Killing the Children devraient s’y retrouver. Mais Spectregraph est un one-shot, complet, sans suite. »
L’édition française, quant à elle, se distingue par une qualité d’impression supérieure. « Le rendu des couleurs, la netteté des planches... Tout a été retravaillé. C’est un plaisir de lecture qui dépasse la version originale. »
Le dernier mot revient à Théo. « Une belle surprise. Je ne m’attendais pas à ça. La claque. » Chez Pulp’s Comics, les lecteurs avertis savent désormais où poser les yeux.
Crédits photo : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
Paru le 26/03/2025
224 pages
Delcourt
25,50 €
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