Les appels à la libération de Boualem Sansal se multiplient, issus d’organisations d’éditeurs et d’auteurs — par delà les frontières. L’écrivain franco-algérien est actuellement poursuivi en Algérie, où le parquet a requis une peine de dix ans de prison à son encontre. Le verdict est attendu pour le 27 mars. Parmi les déclarations, celle de l’association italienne des éditeurs (AIE), qui interpelle certains observateurs.
Le 24/03/2025 à 16:32 par Nicolas Gary
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24/03/2025 à 16:32
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Boualem Sansal a été arrêté le 16 novembre dernier à l’aéroport d’Alger. Il est accusé d’avoir enfreint l’article 87 bis du Code pénal algérien, relatif aux atteintes à la sûreté de l’État, un article fréquemment utilisé comme base d’inculpation générale contre les dissidents. « Sansal est un écrivain connu pour ses prises de position critiques à l’égard du gouvernement autoritaire algérien et des régimes théocratiques », rappelle l’Associazione Italiana Editori dans un communiqué.
Et de fait, l’AIE se joint aux appels lancés par des auteurs et des éditeurs pour demander sa libération. « La défense de la liberté d’opinion et d’expression a toujours été et restera au cœur de l’action de l’Association italienne des éditeurs », affirme Innocenzo Cipolletta, président de l’organisation.
« C’est pourquoi l’AIE soutient la demande de libération immédiate de l’écrivain et espère que son cas, comme cela a été proposé lors de la Foire du livre de Bruxelles dans le cadre d’une rencontre organisée par l’association des éditeurs allemands Börsenverein, sera porté à l’attention de l’opinion publique dans toutes les foires du livre européennes. »
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Selon le président de l’AIE, « Sansal paie aujourd’hui son engagement dans la dénonciation de l’autoritarisme et des régimes théocratiques ».
Une prise de position qui coulerait de source, tant le cas de figure est ahurissant et la peine réclamée hors de propos. Son arrestation en novembre 2024 aura suscité une vive émotion au sein de la communauté internationale.
Plusieurs intellectuels et personnalités de renom, dont des lauréats du prix Nobel tels qu’Annie Ernaux, Jean-Marie Gustave Le Clézio, Orhan Pamuk et Wole Soyinka, ont signé un manifeste appelant à sa libération. En France, une Société de soutien international à Boualem Sansal a été créée en décembre 2024 à l’initiative des éditions Gallimard, visant à soutenir sa défense judiciaire et à mener des actions de communication en faveur de sa libération.
Or, depuis juillet 2024, les relations italo-algériennes se sont notablement renforcées sur les plans diplomatique, économique et culturel. La dynamique s’inscrit dans une volonté mutuelle de consolider un partenariat stratégique, notamment dans le domaine énergétique.
Rappelons en effet qu’en octobre 2024, la Première ministre italienne, Giorgia Meloni, s’est rendue en Libye, où elle a signé un accord énergétique majeur. Cette visite s’inscrit dans une série d’initiatives visant à positionner l’Italie comme un partenaire clé en Méditerranée, notamment avec l’Algérie.
Économiquement, l’Italie a dépassé la France en devenant le principal partenaire européen de l’Algérie, avec un volume d’échanges atteignant 20 milliards d’euros en 2024, contre 7,19 milliards en 2021. L’Algérie fournit désormais 40 % du gaz consommé en Italie.
Par ailleurs, les investissements italiens, estimés à 10 milliards d’euros en 2021, se diversifient vers des secteurs tels que l’agroalimentaire, le biomédical et le numérique, dépassant ainsi le domaine des hydrocarbures.
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Enfin, sur le plan culturel, les deux nations ont exprimé leur volonté de renforcer leur coopération. En janvier 2025, lors de l’inauguration d’une exposition au Musée public national des Beaux-Arts d’Alger mettant en valeur des œuvres de la peinture italienne, le ministre algérien de la Culture a souligné l’importance d’intensifier les relations culturelles. Et ce, à travers de nouveaux projets dans des domaines tels que le patrimoine, le cinéma, le livre, l’audiovisuel, la musique et l’art en général.
Alors, assiste-t-on à une Italie devenant partenaire stratégique de l’Algérie et donc à même de jouer un rôle significatif dans les démarches internationales visant à obtenir la libération de Boualem Sansal ? L’implication de l’AIE s’inscrirait dans la continuité des relations culturelles étroites entre les deux pays. Et témoignerait de l’engagement de l’Italie en faveur de la liberté d’expression et des droits de l’Homme.
D’autant que les échanges franco-algériens, eux, demeurent fluctuants et tendus : le communiqué de l’AIE participe de facto à la construction d’une image internationale de l’Italie vis-à-vis des libertés fondamentales.
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Cette initiative s’inscrit dans un soft power culturel de la part d’une structure non gouvernementale, adresse à l’Europe un signal. À chacun de l’interpréter : le cas Sansal serait-il devenu un enjeu continental de défense des droits fondamentaux, au-delà des intérêts économiques ou bilatéraux ? Ou de communication politique – y compris de l’AIE vers le gouvernement Meloni ?
À la suite de la condamnation, le jeudi 27 mars, de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal à cinq ans de prison, l’Union internationale des éditeurs (IPA) se joint aux autres acteurs du secteur du livre pour appeler à sa libération immédiate.
Boualem Sansal a été reconnu coupable d’atteinte à l’unité nationale, d’outrage à un corps constitué, d’atteinte à l’économie nationale, ainsi que de possession de vidéos et de publications portant atteinte à la sécurité et à la stabilité nationales.
Kristenn Einarsson, présidente du comité pour la liberté de publier de l’IPA, a déclaré : « La liberté de publier dépend également de la liberté d’expression des auteurs et du droit des lecteurs à lire librement. Les éditeurs ont besoin d’auteurs courageux, qui utilisent leur liberté d’expression avec audace pour faire réfléchir les lecteurs. Boualem Sansal le fait depuis toujours. Sa condamnation est une insulte. Nous encourageons tous les membres de l’IPA à affirmer leur solidarité avec Sansal en exhortant leurs gouvernements respectifs à soutenir sa libération. »
Les membres de l’IPA ont également exprimé leur soutien à Boualem Sansal.
Sonia Draga, présidente de la Fédération des éditeurs européens (FEP), indique : « Nous avons été informés et sommes consternés par la condamnation de Boualem Sansal à cinq ans de prison et à une amende de 3 500 euros. Boualem devrait être un homme libre ; son seul “crime” est d’avoir parlé et écrit librement pendant toutes ces années. Il doit être libéré immédiatement. Les éditeurs européens appellent les institutions européennes à interpeller leurs homologues algériens pour exiger sa libération et l’annulation de sa condamnation. »
Karin Schmidt-Friderichs, présidente de l’Association des éditeurs et des libraires allemands, ajoute : « Nous sommes stupéfaits et consternés par la condamnation, par la justice algérienne, de l’écrivain Boualem Sansal, lauréat du Prix de la paix des libraires allemands. Condamner un auteur pour l’expression pacifique de son opinion est inacceptable et va à l’encontre des principes fondamentaux des droits humains. »
Innocenzo Cipoletta, président de l’Association des éditeurs italiens (AIE), affirme : « La défense de la liberté d’opinion et d’expression a toujours été, et restera toujours, au cœur de l’action de l’Association des éditeurs italiens.
C’est pourquoi l’AIE soutient la demande de libération immédiate de l’écrivain et espère que son cas, comme cela a été proposé lors de la Foire du livre de Bruxelles dans le cadre d’une rencontre organisée par l’association des éditeurs allemands Börsenverein, sera porté à l’attention de l’opinion publique dans toutes les foires du livre européennes. Sansal paie pour son engagement à dénoncer l’autoritarisme et les régimes théocratiques. »
Photographie : à droite, l'écrivain Boualem Sansal, en 2015, aux côtés de Hédi Kaddour (ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
5 Commentaires
Véronique Soulé
24/03/2025 à 22:07
Boualem Sansal est responsable de ses déclarations sur les plateaux TV Français 🇨🇵🇪🇺 !!! Il a tenu des propos et des déclarations très très terrible envers son pays l'Algérie 🇩🇿 ont verra la justice Algérienne ce qu'elle lui réserve......
Hervé
25/03/2025 à 06:13
Libération immédiate de Boualem Sansal et de tous les prisonniers politiques algériens.
gerard
26/03/2025 à 13:51
faut déjà s'occuper de notre pays la France. Laissons l'Algérie juger les voyous
Félix
25/03/2025 à 16:52
Cela me rappelle un film italien que j'ai vu récemment sur Netflix - mais dont j'ai oublié le titre. L'action se passe à l'époque mussolinienne et les troupes expéditionnaires du Duce massacrent tout un village en Libye, afin d'y asseoir leur pouvoir. Mais, les villageois se rebellent et finissent par vaincre leurs ennemis. La remarque finale du chef de village est la suivante :
"Vous n'avez rien à faire ici!"
Tout ceci pour dire que si l'Italie a toujours eu un pied, historiquement, en Cyrénaïque (partie Nord-Ouest de la Lybie, avec pour capitale Benghazi), et ce à cause de la manne du pétrole, il demeure que ce n'est pas la même chose en ce qui concerne l'Algérie et je doute fort qu'ils puissent faire quelque chose malheureusement pour l'écrivain incarcéré, malgré l'intervention des éditeurs italiens.
Antitraitor
31/03/2025 à 02:21
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