Bleuenn Guillou est autrice, ayant publié la nouvelle La valse de la Sirène dans l’anthologie Animaux fabuleux (2017) et son premier roman, Le tribut des dieux : Octavia (2022). En 2024, elle a publié Conjurations, tome 1 : Otage de l’Empire, un récit de fantasy historique se déroulant à une époque semblable à celle de l’Empire romain.
Le 20/03/2025 à 13:58 par Anne-Charlotte Mariette
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20/03/2025 à 13:58
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Livia, autrefois otage et maintenant intégrée à la noblesse de l’Empire d’Urbs, est fiancée à Caius, le fils cadet de l’empereur. Son objectif est de tuer Agrippine, l’héritière du trône, pour installer Caius à sa place et manipuler les décisions politiques. Mais à la mort inattendue de l’empereur, Livia voit sa position menacée.
Agrippine, qui nourrit une haine profonde envers Livia, multiplie les menaces et cherche à isoler ses ennemis, y compris ceux que Livia aime. Alors que des complots se tissent, des rébellions éclatent et des mystères se révèlent, Livia doit faire face à une paranoïa grandissante et à des obstacles imprévus. Malgré tout, elle ne renoncera pas à ses ambitions et à son désir de contrôler son destin.
La magie révélait les pulsions les plus intimes ; elle poussait à agir sans pudeur ou retenue, comme on l’aurait fait dans nos rêves les plus fous si toutes les limites avaient été gommées, si la bienséance n’existait plus.
Bleuenn Guillou parvient avec brio à mêler fantasy et éléments historiques de la Rome antique dans son récit qui prend des airs de Péplum : complots, intrigues politiques, alliances et trahisons sont au menu de ce roman dont les rebondissements s’enchaînent à nous en faire perdre haleine ! On sent dans son texte sa passion et sa connaissance approfondie de l’histoire romaine, des us et coutumes de l’époque, jusqu’au moindre détail vestimentaire.
C’est d’autant plus agréable que cela permet de s’imprégner immédiatement de l’ambiance foisonnante et à la suspicion qui règne entre les personnages. Car Conjurations, avant d’être un récit de magie, est une véritable incursion dans les machinations et les conspirations politiques, les luttes de pouvoir incessantes entre l’Empire d’Urbs.
D’ailleurs, ce terme « urbs » n’est pas sorti du chapeau puisqu’il désigne une ville dans la Rome antique, avec une majuscule « Urbs » devient « la ville d’entre toutes les villes », Rome (en opposition à « polis » qui désigne la cité Grecque).
Les protagonistes sont intéressants et intelligemment développés. On remarque rapidement que les femmes sont à l’honneur dans le récit. Tout d’abord Livia, otage de l’empire (d’où le sous-titre), qui est déterminée à faire asseoir son futur époux Caius sur le trône à la place de sa sœur Agrippine, que l’on prend rapidement en grippe, car elle ne fait preuve d’aucune empathie pour les plus faibles et se montre parfois ultra violente (la scène avec Fausta m’a laissée sans voix…).
Pourtant, on se rend vite compte que les personnages ne sont pas blancs ou noirs et que l’autrice a décidé de nous mener par le bout du nez pour nous faire changer d’avis rapidement. Livia n’est pas si innocente et Agrippine agit probablement par nécessité.
Les personnages masculins quant à eux sont un peu en retrait, mais cela n’empêche pas de les apprécier. Caius est un homme loyal et honnête, accro aux courses de chars, pétri de doutes et conscient de ses faiblesses. C’est un personnage intéressant que l’autrice a su rendre très humain malgré son statut important de fils de l’Empereur. Il est proche du peuple et n’est pas attiré par le pouvoir.
Cassius, qui fait partie de sa garde rapprochée, est un personnage fort, mais qui cache une énorme faille. Comme tous les cadets des familles de l’Empire, il a été, dès l’âge de ses sept ans, envoyé à la garde pour devenir soldat. Une sorte de tribut auquel toutes les familles d’Urbs sont obligées de participer. Une enfance difficile loin des siens qu’il cherche à tout prix à éviter à sa nièce récemment venue au monde.
J’ai apprécié que la romance soit totalement secondaire dans le récit pour ne pas prendre le pas sur l’histoire et devenir une énième romantasy comme on en voit passer des centaines. C’est agréable de lire une fantasy intelligente qui met d’ailleurs la magie en arrière-plan également. On a quelques aperçus de ce que peut faire cette magie, mais elle reste survolée. J’espère que l’on en saura plus dans le tome 2.
Je sais exactement qui tu es. Tu étais cassée, mais tu t’es reconstruite. Je sais tout de toi, je connais le pire de toi-même, mon cœur, et je t’aime d’autant plus. Je sais que tu es parfois emplie d’une violence et d’une cruauté qui t’effraient, je sais que tu es prête à tout pour parvenir à tes fins, et je t’admire pour ça. Je ne cesserai jamais de t’aimer.
Le nom de la duologie est d’ailleurs particulièrement bien choisi : une conjuration, cela peut aussi bien désigner un rite, une formule magique pour chasser des démons ou orienter des influences maléfiques, mais aussi s’utiliser comme synonyme d’une conspiration. À la lecture du roman, le terme semble plus que judicieux !
L’autrice campe des protagonistes à la personnalité nuancée qui les rend particulièrement humains, dans un environnement crédible et opulent. Si sa plume est efficace, c’est grâce à toutes ces références historiques qui dressent une toile de fond réaliste aux manigances politiques et rivalités familiales en premier plan. Bien que catégorisé young adult, ce roman est sans concessions.
Rien n’est épargné, ni les personnages, et encore moins les lecteurices. J’ai apprécié la cadence du récit, des chapitres courts et équilibrés qui donnent un rythme régulier ponctué de rebondissements inattendus. Il se passe toujours quelque chose et c’est ce qui rend la lecture particulièrement agréable, pas de temps mort, pas de chapitres qui s’étirent en longueur.
Je préfère d’ailleurs les duologies aux trilogies qui, bien souvent, tirent sur la corde pour allonger le récit au maximum. Résultat, un premier tome exaltant dont tout le soufflet retombe au tome 2. Alors qu’avec une duologie, on va droit à l’essentiel !
Conjurations, c’est donc un roman puissant et fiable, avec des personnages humains à la profondeur psychologique explorée de manière subtile et intelligente, avec la Rome antique pour décor et de nombreux rebondissements qui ne laissent aucun répit. J’ai déjà hâte de lire le tome 2 qui est tout juste sorti le 19 mars !
Bleuenn Guillou est une éditrice indépendante passionnée par la littérature de l’imaginaire jeunesse. Forte d’un parcours académique solide, elle détient une licence en histoire, un master en histoire romaine et un master en édition papier et numérique obtenus entre 2011 et 2018. Elle met son expertise au service de projets variés, notamment en tant que directrice de collection Naos chez Mnémos, ainsi que responsable du pôle jeunesse des éditions Léha depuis 2020. Parallèlement, elle collabore ponctuellement avec Larousse.
Par Anne-Charlotte Mariette
Contact : contact@actualitte.com
Paru le 21/08/2024
391 pages
Mnémos éditions
23,00 €
Paru le 19/03/2025
400 pages
Mnémos éditions
23,00 €
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