Jul censuré par Élisabeth Borne ?
Commandée par l’Éducation nationale pour être offerte à 800.000 élèves de CM2 dans le cadre de l’opération « Un livre pour les vacances », la version revisitée de La Belle et la Bête par Jul ne sera finalement pas distribuée. Le ministère a décidé d’annuler l’opération, jugeant l’ouvrage « inadapté » à une lecture en autonomie par des enfants de dix ans sans accompagnement pédagogique.
Le 20/03/2025 à 12:28 par Ugo Loumé
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Publié le :
20/03/2025 à 12:28
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Julien Berjeaut, plus connu sous le nom de Jul, scénariste de Lucky Luke et dessinateur de Silex and the City, avait été sélectionné pour illustrer ce conte classique dans sa version de 1756 signée Jeanne-Marie Leprince de Beaumont. Il dénonce auprès de l'AFP une « décision politique » de « censure » fondée sur des « prétextes fallacieux ».
L’annulation serait intervenue à la veille du lancement de l’impression des 900.000 exemplaires prévus. En outre, les délais restants pourraient ne pas permettre la distribution d’un autre livre aux élèves pour cette année.
L'ouvrage semblait pourtant avoir reçu un accueil favorable au sein du cabinet d’Élisabeth Borne. Dans un texte qui devait servir de préface, l'ancienne Première ministre aurait salué « la touche malicieuse et le regard affûté de Jul, qui insufflent à ce conte une modernité nouvelle »...
Néanmoins, elle a confirmé l'annulation de la collaboration, en soulignant que, s’il reflète « le talent et l’ironie » de Jul, l'ouvrage appellerait cependant un encadrement pédagogique spécifique. « Sans cet accompagnement, ce n’est pas adapté, mais c’est un très beau livre qui pourra être utilisé dans un autre cadre », a-t-elle déclaré sur CNews/Europe 1.
« On a un père de famille qui arrive d'Algérie, qui doit commettre des fraudes, qui se fait contrôler par les policiers », a-t-elle ajouté, ce qui, selon elle, nécessiterait un décodage qui n'est pas adapté « pour un livre de vacances en famille ». La ministre a également indiqué avoir finalement renoncé à préfacer l'ouvrage.
Le ministère reprocherait certaines illustrations qui mettent en avant « des thématiques qui conviendraient à des élèves plus âgés, en fin de collège ou en début de lycée, telles que l'alcool, les réseaux sociaux, ou encore des réalités sociales complexes » précise la directrice générale de l'enseignement scolaire, Caroline Pascal, dans une lettre à destination de l'auteur.
Elle avance que ces éléments pourraient susciter « des questions chez les élèves sans qu’ils trouvent nécessairement de réponse adaptée ».
Une vision du monde rejetée ?
Dans un communiqué, Jul regrette amèrement ce revirement de situation : « J’ai été choisi pour illustrer ce texte, dans le style reconnaissable de mes autres créations. La marque de fabrique de mon travail recherché par le cabinet du ministre à l’origine de ce choix appartient à un courant important de la littérature dessinée française, porteur d’un second degré héritier de Gotlib, Goscinny, ou Tomi Ungerer. »
À LIRE - Un livre “antiwoke” annulé : l'éditeur se défie de Pierre-Édouard Stérin
Jul conteste les arguments du cabinet de la ministre, et voit plutôt dans cet affaire un rejet de la vision du monde qu’il met en scène : « Le seul problème semble être la représentation d’un univers qui ressemble davantage à celui des écoliers d’aujourd’hui ».
L'auteur de BD va jusqu’à s’interroger sur un éventuel refus d’un « grand remplacement des princesses blondes par des jeunes filles méditerranéennes » de la part de « l'administration versaillaise du ministère ». Le ministère rappelle cependant avoir émis des « réserves » dès décembre sur certaines illustrations. Jul, de son côté, assure avoir pris en compte ces remarques. Pour lui, cette décision s’inscrit surtout dans un contexte plus large de crispation politique et culturelle autour de l’école et de ses contenus.
Elisabeth Borne affirmait sur CNews/Europe 1 que « les livres n'ont pas été tirés, l'argent n'a pas été dépensé ». Aucune information n'est pour l'instant disponible quant à l'avenir de l'ouvrage.
Crédits image : Jul (Myrabella / Wikimedia Commons, CC BY-SA 3.0) ; Élisabeth Borne (Benoît Granier, Licence Ouverte)
Par Ugo Loumé
Contact : ul@actualitte.com
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29 Commentaires
Mouais
20/03/2025 à 13:26
Avec une telle rhétorique à l'emporte pièce qui empreigne toutes les affaires et qui a déjà eu pour effet d'ultra radicaliser la société, on va tout droit vers la guerre civile en 2027 comme ça se passe dans toutes les îles au-delà de 5km des côtes de la métropole...
Anna
20/03/2025 à 14:25
Quels propos flous...
Anna
20/03/2025 à 14:25
Elle avait déjà censuré le rapport commandé par son ministère sur les violences et cyberviolences de genre à l'école, cédant à l'extrême droite et ses obsessions.
Raymond Forever
20/03/2025 à 14:37
Si Jul a besoin d'une explication de texte...
Un Algérien fraudeur qui débarque en France, une "belle" métissée...
Franchement ! Pas très malin, en plus, le RN pourrait s'en saisir sur le thème "la délinquance algérienne"...
Le dernier Disney, pareil, un conte wokisé sans nains où Blanche-Neige n'est plus si blanche...
Ou encore "Toutes pour une", Les trois Mousquetaires, tendance féminisme radical.
Hélas pour ces gens, le public n'a pas encore été "grand-remplacé". Il est resté majoritairement classique et n'est pas dupe de ce fayotage des auteurs auprès d'une population dont ils visent les faveurs.
bibliophile
20/03/2025 à 18:30
quelle horreur ce monde où on ne peut plus être raciste et sexiste tranquille, vraiment !
Raymond Forever
20/03/2025 à 19:36
C'est marrant, les mêmes qui jugent que Blanche-Neige peut être noire, la Belle maghrébine ou d'Artagnan une femme réclament que Othello soit joué par un Noir...
Edco
20/03/2025 à 14:47
Ah , pas simple !!!! Quand on se soucie des enfants , on dit que l 'Etat ne fait rien ou pas assez pour les protéger ( réseaux, harcèlement, porno, violences, etc...) et quand il veille à ne pas offrir certaines lectures, on crie au scandale .....
L ' État a t - il tjours tort ?🫣
Ds quel État j' erre ? 🤔
Bibliophile
20/03/2025 à 16:49
Vivement qu'il sorte qu'on puisse le diffuser partout, dans les boîtes à livres près des écoles, sur les bancs publics des jardins, ...
Kamille
20/03/2025 à 18:34
Élisabeth who?
Elan Likor
20/03/2025 à 20:27
Petite question...
Pourquoi "censure" t-on des livres en bibliothèque américaine, "censure" t-on Jul, mais "annule" t-on Face à l'obscurantisme woke ?
Le médiathécaire
21/03/2025 à 10:21
Les États-Unis et Élisabeth Borne limitent l'accès à des livres parus.
Pour "Face à l'obscurantisme woke" c'est l'éditeur qui est revenu sur sa décision avec notamment un contexte compliqué aux États-Unis et qui pouvait sous-entendre une complaisance avec la politique de Trump. Les éditions PUF étant une entreprise et ayant peur de se retrouver assimilée à Trump ou boycottée ont renoncé temporairement d'éditer de ce livre et ont décider d'attendre un contexte plus favorable.
Voici la différence entre la censure d'un livre qui en limite l'accès et l'annulation temporaire de l'édition d'un livre qui peut soit être édité plus tard dans la même maison d'édition soit édité dans une autre maison d'édition
Pour rappel, les éditions du cerf ont déjà édité Xavier-Laurent Salvador pour "Petit manuel à l'usage des parents d'un enfant woke" qui est dans le même courant de pensée et pour lequel en n'en a pas fait toute une histoire.
Elan Likor
21/03/2025 à 22:25
Objection votre honneur !
La censure est l'interdiction de la publication d'un livre.
Et vous le dites bien, dans les cas Amériques et Borne, c'est une limitation de lecture liée à l'âge.
Dans le cas PUF, c'est de l'autocensure sous pression externe, donc de la censure.
On peut aussi donner une définition subjective : quand nous ou nos opinions sommes victimes de la moindre restriction, nous crions à la censure. Quand c'est nous ou les nôtres qui censurons, on trouve toujours une formule synonyme et alambiquée pour alléger le fardeau de notre culpabilité !
Elan Likor
21/03/2025 à 22:28
Voilà ce qu'en dit Borne :
"Je ne suis pas sûre que ce soit forcément compréhensible que le père de la Belle soit un monsieur algérien, qu'on voit dans des scènes où il est totalement ivre, il fait de la contrefaçon, est arrêté par des policiers"
Cépafo !
Marco
21/03/2025 à 11:23
Parce que lorsque c'est une entreprise, une maison d'édition, qui fait un choix éditorial, stratégique, ce n'est pas la même chose du tout que lorsque c'est l'Etat, une institution publique, un ministère, se pliant à une ligne politique.
Elan Likor
20/03/2025 à 20:35
Quel à-propos de transposer cette histoire en Algérie, donc de lui conférer une certaine aura universaliste, quand Boualem Sansal est enfermé dans les geôles de cet Etat totalitaire !
Le médiathécaire
21/03/2025 à 13:12
"Quel à-propos de transposer cette histoire en Algérie" Je me serais posé la même question si cela avait été le cas... Mais pas une seul fois il est question d'Islam ou d'Algérie. Le dessinateur a seulement choisi de représenter la Belle comme une petite fille qui aurait très bien pu être italienne ou grecque.
La ministre a tout simplement menti sans aucune honte.
Source : L'interview de JUL sur BFM TV (https://www.youtube.com/watch?v=VyOYcEDs7dM)
Elan Likor
23/03/2025 à 12:40
A d'autres ! Un père qui vient d'Algérie, qui reçoit des marchandises via un bateau qui s'appelle "L'étoile d'Alger", etc.
Notez que le problème est double : il transpose une histoire au sein d'une famille algérienne mais dépeint le père comme un mauvais musulman (il boit, et pire, chante du Sardou, le barde de l'extrême-drouate). Donc d'un côté, on intègre les Algériens aux contes et romans nationaux sinon européens (vu les origines diverses du conte), ce qui pour la gauche est une bonne chose, mais on présente le père de famille sous un jour trouble, ce qui peut déplaire à cette même gauche diversitaire. Et aussi déplaire à l'Algérie ou aux Algériens. D'expérience, je sais que certains Algériens peuvent très mal prendre cette description du père de famille. Ce qui peut expliquer pourquoi Borne, issue de cette gauche, peut être très gênée... Surtout dans un contexte où les tensions avec l'Algérie sont maximales.
Alors certes, Jul, devant la polémique, n'assume pas totalement :
" Le "grand remplacement" des princesses blondes par des jeunes filles méditerranéennes serait-il la limite à ne pas franchir pour l'administration versaillaise du ministère" dit-il, tout en reconnaissant à demi-mots que les filles méditerranéennes sont bien maghrébines, sinon pourquoi parler de "grand remplacement" ?...
En raison de son caractère potentiellement polysémique, tant sur le fond que la forme, on comprend bien dès lors que Borne n'ait pas donné son imprimateur...
Marco
24/03/2025 à 10:29
D'où l'intérêt du travail éditorial ! Les discussions et les échanges entre auteur et éditeur permettent de revoir des pistes de création, des idées qui semblaient drôles ou très bonnes au départ. C'est ainsi que l'on parvient à créer des livres adaptés au public jeunesse (c'est différent en "adulte"), sans perdre de vue les intentions, l'humour, les sentiments, les engagements, mais en permettant au lecteur de s'interroger sans lui imposer trop fortement nos opinions... Le duo auteur/éditeur est indispensable, particulièrement en jeunesse, et Mme Borne n'a absolument aucune compétence dans ce domaine. Pourquoi n'a -t-elle pas délégué cette mission à de vrais éditeurs professionnels indépendants des grands groupes ?
Martin G.
20/03/2025 à 20:53
"Idéologie réactionnaire sans limite" pour Jul.
On a frisé "c'est la faute à l'extrême-droite", mais vu que c'est Borne, c'aurait été trop gros...
Pierre-Henry Huysmans
20/03/2025 à 23:22
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EICH ALAIN
21/03/2025 à 06:08
Ce conte re-visité par Jul sous des prétextes fallacieux qui dissimulé la fébrilité des prescripteurs. euses. du Ministère de l'éducation nationale autour de thématiques, pourtant présentés dans notre société subit ni plus ni moins un acte de censure .Étrangement on ne demande ni l'opinion des libraires et bibliothécaires spécialisé.e.s. en littérature jeunesse quant aux professeurs des écoles ? Madame Borne serait-elle la plus habilitée à décider ? Et les enfants lecteurs lectrices de CM2 ?
Marco
21/03/2025 à 15:14
Ce choix de conte revisité, est-ce le reflet de la littérature jeunesse actuel ? Quand on peut tirer et distribuer 800 000 exemplaires, on doit en effet peut-être s'appuyer sur les professionnels de l'édition jeunesse et les différents maillons de cette chaîne. Et quel intérêt de donner le même livre, du même auteur, à 800 000 jeunes ?
1 - Ca manque cruellement de diversité.
2 - Ca ne favorise pas les échanges et les découvertes
Enseignants et libraires prônent depuis bien longtemps la diversité pour favoriser LES lectures DES lecteurs.
Ca sent les petits arrangements entre amis, tout ca...
perkeo
21/03/2025 à 07:45
"...remplacement des princesses blondes par des jeunes filles méditerranéennes": décidément, ça tourne à l'obsession. Enfin, Jul peut se consoler, il parait que les acteurs principaux de la nouvelle adaptation de Belphégor sont tous deux d'origine algérienne. Ouf, on est sauvés. C'est vrai que voir tous ces blonds partout, c'est insupportable, à la fin.
Plaisanteries à part, c'est normal de veiller à ce que des oeuvres destinées aux enfants soient adaptées aux enfants. Mais si le refus est arrivé à la dernière minute, une fois l'oeuvre achevée, c'est que le projet, dont les coûts doivent être significatifs, n'est pas bien géré. Peut-être parce qu'il y a eu six ministres de l'éducation en trois ans.
J.Cutler
21/03/2025 à 08:26
Censure déguisée? A peine, excusez du peu, mais le carnaval est passé (4 mars dernier).
Marco
21/03/2025 à 12:08
Cette commande pose aussi une autre question : pourquoi l'Etat commande-t-il 800 000 exemplaires d'un livre jeunesse à un seul auteur ? Il y a des d'éditeurs jeunesse indépendants qui seraient sûrement heureux qu'on utilise leurs vastes compétences dans ce domaine ! Et encore plus d'auteurs et d'illustrateurs qui aimeraient s'adresser à ce public jeunesse à qui on distribue gratuitement des livres ! Pourquoi ne pas demander à 100 auteurs et 10 éditeurs de fournir chacun de quoi tirer 8000 livres jeunesse. Il y aurait de la diversité, les lecteurs seraient gagnants et le secteur de l'édition indépendante aussi !
Pauline
21/03/2025 à 13:45
Ce commentaire a été refusé parce qu’il contrevient aux règles établies par la rédaction concernant les messages autorisés. Les commentaires sont modérés a priori : lus par l’équipe, ils ne sont acceptés qu'à condition de répondre à la Charte. Pour plus d’informations, consultez la rubrique dédiée.
Le médiathécaire
25/03/2025 à 10:51
Du coup c'est à nouveau Muriel Szac qui empoche le pactole comme en 2023...
En revanche, pour la Belle et la Bête, je tiens à rappeler que seules les illustrations sont de JUL, en corrélation avec le texte de Madame Leprince de Beaumont.
Alors oui, les illustrations montrent des scènes contemporaines, ce ne sont plus les gardes qui vérifient les sacoches sur un cheval mais la police qui vérifie le contenu du coffre d’une voiture ou encore des petites filles qui sont sur leur smartphone…
Apparemment, pour la ministre de l’Éducation nationale, le décalage texte-image est trop compliqué pour des élèves de CM2…
C’est triste que l’on prennent nos chères têtes blondes, mais aussi brunes, rousses ou chauves pour des idiotes.
Yves
21/03/2025 à 17:08
Le ministère ne pouvait pas réagir plus tôt ? Encore une censure "d'époque " pour rester poli.
adnstep
01/04/2025 à 11:44
De 800 000 tirages, on tombe a 18 000. On comprend la colère de jules, ça va rapporter beaucoup moins
Et puis, cette histoire de musulman bourré et sa fille qui veut se maquer avec un gwer, en plein ramadan, en plus, c'était les émeutes assurées. On n'a pas fini de refaire les médiathèques qui ont cramé la dernière fois, faudrait attendre un peu...