Le manga, déclencheur d’explorations culturelles ? De la peinture classique aux vinyles underground en passant par le cosplay, de plus en plus de séries incitent leurs lecteurs à franchir les frontières du neuvième art pour découvrir d’autres univers artistiques. Notre correspondante à Tokyo, Lucie Ancion, partage avec nous ces moments insolites : entre modernité et tradition, un rendez-vous incontournable.
Quelques évènements autour des mangas à Tokyo en février 2025…
Parcours mouvementé et quête passionnée d’un lycéen préparant le concours des Beaux Arts, le manga Blue Period (Pika, trad. Nathalie Lejeune) a toujours eu pour ambition d’amener ses lecteurs à s’intéresser à l’art sous toutes ses formes, et à la peinture en particulier.
En février et en mars, une campagne spéciale en collaboration avec le quartier de Shinjuku à Tokyo, connu pour ses musées et bâtiments liés à l’histoire des peintres japonais contemporains, incite les fans à se rendre en personne dans les musées pour y retrouver les héros de la série, sous le titre « Meet to Art : Sortons à la rencontre de l'Art ».
Les cinq lieux participant, allant du musée à l’ancien atelier d’artiste, offrent chacun un autocollant avec un personnage de la série et un tampon digital à collectionner. Ce système est le pendant moderne du traditionnel carnet de tampons japonais, où les lieux touristiques comme les musées et les gares créent leur cachet original pour que les visiteurs l’ajoutent en souvenir de leur passage à leur carnet personnel, un peu comme un passeport des endroits où ils ont été.
Une fois tous les lieux de l’évènement Blue Period visités, les participants reçoivent un dessous de verre représentant la joyeuse équipe au grand complet. Et comme une collaboration en cache une autre, la compagnie de bus Toei se joint à l’évènement, proposant un ticket à la journée pour se rendre facilement d’un lieu à l’autre.
La mangaka Tsubasa Yamaguchi s’est occupée en personne de dessiner les illustrations spéciales de l’évènement, représentant les personnages parés pour une journée au musée, qui avec un carnet de croquis, qui avec un livre de beaux-arts. Un projet où la fiction se mêle au monde réel et où la passion des fans permet de remettre en lumière des traditions tout en les modernisant, comme le Japon sait si bien le faire.
De longs cheveux blonds aux pointes roses, des ongles extra longs, et un irrésistible sourire… Marine Kitagawa, l’icône des mangas de romance modernes, s’apprête à faire ses adieux au public, main dans la main avec son cher Wakana Gojo, fabriquant de poupées japonaises traditionnelles.
Véritable phénomène éditorial avec 12 millions d’exemplaires vendus au Japon en 14 volumes, Sexy Cosplay Doll (Kana, trad. Aline Kukor) a connu le succès dès sa parution en 2018, mais a véritablement pris le monde d’assaut avec l’adaptation en anime (sous le titre My Dress-Up Darling) sortie en 2022. La saison 2 est d’ailleurs attendue pour 2025.
Adorable comédie romantique entre lycéens doublée d’une ode à l’art du cosplay, Sexy Cosplay Doll a réussi le pari de la fusion des cultures. À travers Marine, on plonge dans le Japon otaku des années 2020, on la suit d’une convention et d’un magasin de perruques à l’autre, on découvre ses passions du moment qu’il s’agisse de mangas, d’animés ou de jeux vidéos.
Gojo, lui, est l’homme des traditions : fasciné depuis son plus jeune âge par les poupées japonaises hina, il s’entraîne chaque jour à leur confection auprès de son grand père. La passion de Gojo pour cet art ancestral est d’ailleurs très communicative, puisque les principaux fabricants japonais ont relevé une augmentation significative de leurs ventes de poupées après la sortie de la saison 1.
Avec ses capacités exceptionnelles en couture et son désir constant d’amélioration, Gojo est le partenaire parfait pour Marine, toujours prêt à lui coudre de A à Z les tenues les plus compliquées pour ses cosplays. De défis en défis, les deux jeunes gens se rapprochent, et les sentiments de Marine finissent par percer jusqu’à la carapace du timide Gojo.
Difficile de résister à l’adorable alchimie de ce couple mal assorti à première vue, mais compatible en tous points. C’est avec un pincement au cœur qu’on leur dira au revoir dans le numéro de mars du Young Gangan Comics où les chapitres sont prépubliés.
En janvier, une exposition consacrée à la série a ouvert ses portes à Tokyo, permettant aux visiteurs d’admirer, au côté des planches originales du manga, les tenues de cosplay portées par Marine au fil des chapitres, fidèlement reproduites dans les moindres détails par des ateliers de couture de Tokyo… mais aussi la poupée hina favorite de Gojo.
Le yuri vert qui a pris le monde d’assaut n’a pas fini de faire parler de lui. Avec 950.000 exemplaires vendus à travers le monde en seulement deux volumes, She wasn’t a guy (Mangetsu, trad. Morgane Paviot) la romance entre une lycéenne et son beau disquaire qui est en fait une disquaire, est le manga yuri (lesbien) qui fait le plus parler de lui depuis bientôt trois ans.
Le tant attendu tome 3 est paru fin février au Japon, avec une immense surprise sur la jaquette : l’annonce d’une adaptation animée de la série, rare pour ce genre et encore plus rare pour une œuvre avec aussi peu de tomes déjà parus.
En parallèle, un pop up store en collaboration avec les iconiques mascottes de Sanrio, Hello Kitty et Kuromi, ouvre ses portes à Tokyo pour le début du mois de mars, dévoilant toute une collection de produits dérivés parsemés de références à la passion commune des deux héroïnes pour la musique américaine des années 1990.
Le visuel principal présente Aya en plein date chez Mitsuki, écoutant des CD sur une radio vintage, totalement dans la vibe rétro de la série, qui cultive l’esthétique du retour en arrière. Le magasin propose également une sélection des CDs des artistes préférés des deux héroïnes, offrant une immersion parfaite dans l'univers de la série.
Le succès de She wasn’t a guy réside à n’en pas douter dans son esthétique si particulière et si en phase avec son époque. La série a fait ses débuts sous forme de planches publiées sur Twitter, et cela se ressent dans ses chapitres courts, dont le déroulé de lecture n’est pas sans rappeler les webtoons.
Ce choix unique d’utiliser un vert presque fluo comme couleur de fond au lieu du blanc, qui a valu à la série son surnom de « green yuri », a fortement contribué à sa popularité sur les réseaux sociaux, où elle a presque atteint le statut de meme. L’autrice Sumiko Arai elle-même anime des clips courts dans le format reels pour promouvoir sa série, avec des dizaines de millions de vues par vidéo.
Elle n’hésite pas à interagir directement avec ses fans via son compte Instagram, partageant les liens vers l’ensemble des éditions étrangères de la série disponibles et expliquant aux fans étrangers comment se procurer les produits des collaborations japonaises. Elle est également à l’origine d’une playlist officielle de la série qui a eu droit à une sortie en CD, avec des artistes comme Nirvana ou les Red Hot Chilli Peppers vendus avec une jaquette représentant Aya et Mitsuki… sur fond vert vif, bien sûr.
Rendez-vous fin mars pour un nouveau reportage dans l'univers du manga à Tokyo...
Par Lucie Ancion
Contact : lucie.ancion@gmail.com
Paru le 25/10/2019
202 pages
Dargaud
8,10 €
Paru le 26/06/2024
192 pages
Mangetsu
9,95 €
Paru le 20/01/2021
228 pages
Pika Edition
7,70 €
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