Fatalisme historique ; labilité des personnages dans le temps. Hauteur de vue exceptionnelle – celle du narrateur qui dit « nous », en parlant des Russes, et s’invite dans les consciences en joie ou en peine, au paradis ou en enfer –, qui sonde les cœurs et les reins avec une intelligence parfaite car ouverte, encline à l’amour, au pardon.
On rêve toujours de discerner le Bien du Mal et de voir une justice divine éclairer les vies humaines et l’Histoire. D’une éthique si élevée qu’elle délivrerait un sens supérieur mais qui ne serait ni figée ni au-delà de l’existence, qui s’y trouverait, immanente, à même l’être vivant. Or le roman peut y tendre, dans ses cimes miraculeuses.
La Guerre et la Paix, de Léon Tolstoï (traduction de Boris de Schlœzer, éditions Gallimard, 1972), l’a fait, tout comme À la Recherche du temps perdu, de Proust. Dans les deux cas, dans le temps, historique et subjectif, le bien et le mal s’avèrent relatifs, à fonds multiples. Du point de vue humain, il n’y a pas d’absolu. Et si les philosophies et les esthétiques des deux auteurs diffèrent, elles ont un point commun : leur limpidité. À ce niveau de lumière, d’ailleurs, on touche au cristallin.
Vladimir Nabokov, ennemi déclaré de l’obscurité, ne les prisait pas pour rien. Ils incarnaient à ses yeux les puissances apolliniennes du roman, son aptitude à voir clair, résolument.
Publiée le
27/02/2025 à 09:37
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Paru le 10/07/2002
1023 pages
Editions Gallimard
10,50 €
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NAUWELAERS
01/03/2025 à 00:11
Bizarre !
Toujours connu le titre «Guerre et Paix» sans article défini...
CHRISTIAN NAUWELAERS
libellule
06/03/2025 à 11:51
oui ,juste réflexion concernant le titre ... A mon sens le titre a plus de force sans les articles .
Galien Sarde
07/03/2025 à 08:59
Je vous rejoints : l'absence d'article confère un surcroît de poids au titre et en universalise le sens. Mais j'ignore le russe et me devais de respecter la traduction de Boris de Schloezer.
Félix
01/03/2025 à 19:47
Tout d'abord, si Tolstoï a écrit ce grand roman manichéen sur l'âme slave, c'est parce qu'il était croyant, comme Mauriac et tant d'autres.
Par contre, c'est qui est moins connu, c'est que sa nouvelle "La sonate à Kreutzer" fut pendant très longtemps bannie par la censure officielle - à la fois dans la Russie tsariste et aux États-Unis - à cause de ses idées et thèmes présupposément contraires à la morale publique?