La loi sur les frais de port, dite Loi Darcos, a subi critiques et attaques depuis son instauration. Pourtant, et contrairement aux craintes exprimées, elle n'aurait pas pénalisé les lecteurs, mais a renforcé la diversité du marché du livre tout en soutenant l’emploi et la vitalité culturelle des territoires. C'est ce qu'affirment plusieurs acteurs du livre dans une tribune commune.
Le 05/02/2025 à 10:29 par Auteur invité
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05/02/2025 à 10:29
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Face aux attaques que subit aujourd’hui la loi Darcos, la filière des acteurs de la vente physique de livres en France (Syndicat de la librairie française (SLF), Syndicat des Distributeurs de Loisirs Culturels (SDLC, membres : Cultura et Nosoli - Furet du Nord et Decitre), Fnac Darty, Maison de la Presse et Espaces Culturels E.Leclerc) a décidé de produire une étude commune pour analyser ses effets, grâce aux premiers retours chiffrés.
Ce travail montre que la loi atteint ses principaux objectifs, en rééquilibrant les ventes entre canaux de distribution, sans détourner les lecteurs de l’achat d’ouvrages, et sans dégrader les volumes de vente. La pratique du click & collect est également de plus en plus plébiscitée par les consommateurs.
En 1981, la France adopte la loi sur le prix unique du livre, ou « loi Lang ». En garantissant l’équilibre concurrentiel du marché du livre, cette régulation a permis d’en préserver le dynamisme, comme la diversité. L’essor des grandes plateformes numériques dans les années 2000 a toutefois fragilisé l’équilibre ménagé par la loi Lang : en imposant une logique de « prix bas » à travers la livraison gratuite et la pratique systématique du rabais de 5%, ces « pure players » gagnent rapidement des parts de marché au détriment des acteurs du livre, librairies indépendantes en tête.
Pour tenter de remédier à cette situation, la loi du 8 juillet 2014 interdit la livraison gratuite de livres. Mais elle est immédiatement vidée de toute efficacité par la mise en place de frais de livraison purement symboliques (0,01 centime d’euros). C’est pour cette raison que la loi Darcos, bras numérique de la loi Lang, est adoptée, en 2021.
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Elle ré-encadre le marché du livre, cette fois en imposant un montant plancher pour les frais de port de livres – fixé par arrêté en avril 2023, après une concertation avec l’ensemble des acteurs, à trois euros pour toute livraison d’une commande de livres neufs inférieure à 35 euros. L’objectif est clair : rendre pleinement opérationnelle la loi sur le prix unique du livre, défendre l’écosystème des librairies et la diversité de la création littéraire.
Le leader de la vente en ligne de livres, Amazon, a d’emblée signifié son hostilité à cette loi en attaquant l’État devant les juridictions administratives. Récemment, Amazon a également annoncé offrir la livraison de livres dans un ensemble de points de retraits, dont une majorité de casiers automatisés, dits « Amazon Lockers ».
Cette stratégie constitue un contournement manifeste de la loi Darcos, qui, bien qu’elle autorise la gratuité du « click and collect », la soumet toutefois à la condition que les points de retraits soient des commerces de vente au détail de livres, ce qui n’est pas le cas des « Amazon lockers ».
Au-delà du rapport de cette pratique à la légalité, qui a poussé la ministre de la Culture à saisir le Médiateur du livre, les acteurs représentant la quasi-totalité des points de vente physiques de livres en France (le Syndicat de la librairie française (SLF), le Syndicat des distributeurs de loisirs culturels (SDLC), Fnac Darty, Maison de la presse, Espaces culturels Leclerc) ont souhaité rendre publics leurs chiffres et les données existantes afin de démontrer, à rebours de nombreuses idées reçues, la pertinence et les effets positifs de la loi Darcos.
L’étude communiquée aux pouvoirs publics montre ainsi, données robustes à l’appui :
Un impact positif sur les ventes de livres, en volume comme en valeur : la loi a ralenti la chute des ventes en volume, très forte l’année précédant la loi Darcos (-3,1%), mais plus modérée pendant les 12 mois suivants (-2,6%) ; le chiffre d’affaires global reste, lui, orienté à la hausse (+0,7% l’année post-Darcos contre + 1,6% l’année précédente), dans un contexte de ralentissement de la revalorisation des prix publics par les éditeurs.
Un impact très positif sur l’objectif principal de la loi Darcos, soit le rééquilibrage de conditions de concurrence équitables entre plateformes numériques et librairies « physiques ».
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L’année qui a suivi l’adoption de la loi Darcos, la part de marché des magasins physiques (tous types d’enseignes confondus) a en effet augmenté de 2,3 points en volume, et de 3,2 points en valeur ; un retournement de tendance remarquable, puisque, l’année pré-Darcos, cette part de marché s’étiolait encore de respectivement 0,9 points et 1,1 point[1] (soit un delta de 3,2 et 3,9 points en dynamique).
Tous les types de magasins physiques profitent de cette dynamique. Mais, de façon très intéressante, ce n’est pas pour les GSS (grandes surfaces spécialisées) que l’« effet Darcos » est le plus marqué, mais plutôt pour les librairies indépendantes de niveau 2, de petites tailles et situées majoritairement dans des villes moyennes, des bourgs, et au cœur des territoires ruraux.
Le retournement de tendance est spectaculaire avec un delta de +1,3 en volume (passage de -0,2 point à +1,1 point) et de +2,0 points en valeur ! Sur un delta de +3,9 points d’évolution de part de marché en valeur, pour les ventes en magasin, entre l’année pré-Darcos et l’année post-Darcos, 2 points reviennent aux seules librairies de niveau 2, soit environ 50 % de l’« effet Darcos » sur les points de vente physiques.
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Enfin, dernier enseignement de notre étude, la loi Darcos a aussi poussé les librairies à accélérer leur digitalisation. Le SLF relève ainsi que le nombre de sites internet de libraires a crû de 13%. Les ventes en ligne des librairies indépendantes progressent de 9,5% en volume et de 10,8% en valeur. D’autre part, dans un parc de magasins de GSS étudié, on note une augmentation spectaculaire du click&collect,qui passe de 39% des commandes Web en année N-1 à 55% en année Darcos.
En conclusion, la loi Darcos, à travers ce prix plancher de 3 euros pour les livraisons de commandes de livres neufs de moins de 35 euros, semble avoir réussi à trouver un point d’équilibre assez remarquable :
1/ elle n’a pas handicapé les lecteurs. La loi Darcos n’a pas affecté le marché, préservant le volume des ventes et favorisant des pratiques d’achat complémentaires comme le click & collect, sans détourner les consommateurs du livre.
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2/ elle bénéficie aux petites librairies, qui sont majoritairement implantées dans des zones peu denses (petites villes ou bourgs), à rebours des idées reçues sur ses impacts. Le livre reste ainsi un bien visible et tangible dans les lieux physiques de consommation, sur tout le territoire, condition nécessaire pour que l’envie de s’en procurer puisse émerger.
3/ elle crée, pour un coût minimum, une incitation réellement efficace pour des modes de consommation plus « désirables » et sobres, qui entretiennent le dynamisme des territoires et créent de l’emploi, du lien social et culturel.
La loi Darcos nous incite à adopter une consommation culturelle plus responsable qui soutient la diversité de l’économie du livre et permet de maintenir des milliers d’emplois qualifiés. A titre de comparaison, les libraires américains non protégés par une loi sur le prix unique du livre, sont aujourd’hui, à population comparable, sept fois moins nombreux qu’en France !
4/ elle ne détruit pas l’avantage concurrentiel des grandes plateformes. Trois euros ne couvrent pas les frais de livraison des petits libraires, les pure players qui offraient hier la gratuité restent plus compétitifs tout en augmentant de fait leurs marges à périmètre de vente identique.
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Marc Lamenace
05/02/2025 à 13:48
On a quand même de drôles de manières en France. Dignes d'Orwell. Prétendre instaurer une saine concurrence en fixant un prix unique du livre, déjà... !
Néanmoins, ne boudons pas notre plaisir Si la loi Darcos, au delà de son anti-amazonisme primaire, avait atteint son objectif, ce serait une première française !
Du coup, j'ai comme un doute...
Renforcé à la lecture de ce petit paragraphe :
- le chiffre d’affaires global reste, lui, orienté à la hausse (+0,7% l’année post-Darcos contre + 1,6% l’année précédente)
Comme on disait dans les bacs (à sable) : c'est moins mauvais que si c'était pire !
Aurélie
05/02/2025 à 14:08
Baratin de bobo-écolo habitant en ville.
Et "0,01 centime d'euros" (sic) ne veut rien dire. Soit 0,01 euro, soit 1 centime d'euro.
ninja
05/02/2025 à 16:23
L'étude malheureusement ne différencie pas entre les publics ayant de facto une librairie proche de chez eux (les parisiens, les bordelais, les toulousains) et le public n'ayant en pratique pas d'accès à une librairie (la plupart des 35 000 communes ).
Notons qu'avec un prix de revient de 70cts par km, si l'on suppose l'usage de la voiture en zone non citadine, dès que la librairie est à plus de 2,5km, payer la taxe de 3 euros redevient avantageux. Tous les lecteurs habitant à plus de 2,5kms d'une librairie, achetant des livres à l'unité ont donc subi de facto une augmentation du prix unitaire de chaque livre de 3 euros.
C'est encore plus net si l'on intègre le temps passé dans les transports par l'acheteur, sur la base d'un vitesse moyenne de 30km/h et d'un salaire horaire moyen de l'ordre de 15 euros, 1 km de distance coûte au lecteur 50 cts, c'est a dire que cour de déplacement temps + véhicule est de 1,2 euros par km. On voit alors que sous ces hypothèses, dès que le lecteur campagnard est plus de 1,25 km d'une librairie et doit s'y rendre en voiture, la loi Darcos a augmenté le prix d'achat de ses livres de 3 euros.
Si l'on prend le cas d'un(e) jeune lecteur(trice) lisant des mangas ou de BD, ne disposant pas de véhicule et achetant donc les volume 1 par 1 , il y a donc fort à parier (l'étude ne s'en est pas préoccupée) que ce lecteur, devant payer une surtaxe de 3 euros et ne passant probablement pas de commandes au dessus de 35 euros, a acheté moins de mangas et de BD ce qui correspond assez bien à la baisse du montant de livres vendus du secteur.
L'étude malheureusement ne quantifie également pas l'évolution du marché du livre d'occasion et la proportion d'achats qui se sont déplacés du neuf vers l'occasion à la suite de la taxe de 3 euros.
Notons enfin que qualifier les petites librairies de "librairies au coeur des territoires ruraux" est une plaisanterie, pour la plupart il s'agit de librairies de second rang dans des banlieues de grandes agglomérations, dont les habitants pour la plupart ont accès au centre ville et aux grandes librairies qui s'y trouvent.
Autant dire que malheureusement et pour parler poliment, l'étude laisse fortement à désirer par son manque de rigueur technique et de traitement des données et ce alors que les données par librairie et par secteur géographique (ville - campagne), ainsi que par tranche d'âge et par secteur de lecture sont assez facilement disponibles et qu'il aurait été particulièrement intéressant de voir si la taxe de 3 euros a impacté de la même façon les lecteurs disposant d'une librairie proche et les autres.
On espère seulement qu'il s'agit d'incompétence et non pas d'un refus d'analyse ou de publication des résultats parce que contraires à ce que les promoteurs de l'étude souhaitait démontrer.... avant même de regarder les chiffres.
Ninja
Etienne Normand
06/02/2025 à 13:43
Admettons également que sur la route, notre homme ingère 3 tasses de café au comptoir du Balto, café/PMU situé sur la D6 direction Les Pennes-Mirabeau, 8,8 km de Septèmes-les-Vallons. 1,20€ l’expresso au comptoir, auquel s’ajoute un croissant à 1,40€ l’unité et 3 paquets de Mini Neos vanille Red filtres par 5 à 2€ (il essaye d’arrêter, mais face à l’augmentation des patchs de 1,10€ en l’espace de 6 ans, il a trouvé plus rentable de se remettre à la cigarette). Son carburant interne lui revient à 14€ TTC, auquel s’ajoute la consommation de carburant et l’usure de la voiture (0,76% de sa valeur d’achat par kilomètre roulé). Notre homme, en se rendant en centre ville, a de facto augmenté le prix d’achat de ses livres de plus de 14€.
Imaginons maintenant que notre homme ait mal dormi. Sa literie a plus de 7 ans, soit une perte d’efficacité de son rembourrage de 75,47 %. Notre homme, en plus d’avoir des problèmes de dos (auxquels il faudrait évidemment ajouter les frais de kiné), devra ingérer plus de café pour se maintenir éveillé, augmentant ainsi sa consommation de café, le prix de revient de son arrêt au Balto, le prix d'achat de ses livres et son risque de tachycardie (augmentant au passage ses frais de médecin). Tout cela pour une banale histoire de loi Darcos.
Autant dire que pour une étude qui se veut sérieuse et rigoureuse, le résultat laisse fortement à désirer. Gageons que cela ne soit effectivement pas le fait d’un complot du lobby actif des commerces de proximité, mais plutôt d’une maladresse de traitement.
Etienne N.
Tanguy
06/02/2025 à 21:34
Le sarcasme est l'arme du faible. J'ai bien aimé les commentaires de ninja qui chiffrait mon sentiment sur l'article: L'étude tire des conclusions hâtives sur des chiffres restreints...
À titre personnel, je suis effectivement retourné en librairie de quartier au hasard des vacances, chose que je n'avais pas faite depuis longtemps. J'ai eu l'impression de retourner au XXe siècle ”l'éditeur n'en a plus, je ne peux rien faire”...Pour 2 livres trouvés le soir même sur Amazon. J'ai juste rajouté quelques livres en attente sur ma liste d'envie pour atteindre 35 euros et je ne retenterai pas l'expérience ”vie réelle”.
Donc, je serai curieux de voir l'effet de la loi sur plusieurs années...
Necroko
07/02/2025 à 00:28
sale vermine anti-Amazon
Necroko
06/02/2025 à 00:27
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Necroko
07/02/2025 à 00:25
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