En période de panique budgétaire, plutôt que la levée de nouveaux impôts ciblant les plus riches ou une répartition égalitaire de l'effort économique, la culture paie généralement les pots cassés. Ce fait se vérifie dans le récent budget de l'État, mais aussi ceux des collectivités locales. Face à ces restrictions, les associations artistiques et culturelles sont contraintes d'élaborer de nouveaux schémas de financement. Un rapport fournit quelques pistes.
Le 31/01/2025 à 13:09 par Antoine Oury
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31/01/2025 à 13:09
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Haro sur les subventions versées aux associations culturelles. Au sein de plusieurs collectivités territoriales, ce discours fait son chemin, notamment au sein de la région Pays de la Loire ou du département de l'Hérault. Parmi les régions qui ont voté leur budget pour l'année 2025, la culture essuie souvent les plâtres, avec des sommes stables, au mieux, mais généralement en recul.
Les collectivités territoriales, premières sources de financement de la culture en France, ont été mises sous pression par l'État qui, tout en déléguant des missions dans le cadre d'une politique de décentralisation, n'a pas forcément compensé ces transferts de compétences par des dotations à la hauteur.
Pire encore, sous les mandats de Macron, plusieurs ressources fiscales des collectivités ont disparu, supprimées sur décision de l'État, comme la taxe d'habitation ou la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises...
L'année 2025, sous la pression des gouvernements Barnier puis Bayrou, s'annonce particulièrement austère pour les dépenses publiques. En s'appuyant sur l'épouvantail de la dette publique, mais surtout sur des mesures de réduction néo-libérales, l'État suggère une réduction massive des dépenses, quitte à asphyxier des services publics, des collectivités ou des bénéficiaires de prestations sociales, comme les chômeurs.
Du côté de ces mêmes collectivités territoriales, qui financent massivement la culture en France, les discours vont de la contrition à une franche opposition au financement public d'une partie de l'offre culturelle. Christelle Morançais, présidente Horizons de la région Pays de la Loire, invitait ainsi les associations autrefois subventionnées à devenir plus indépendantes de l'argent public.
Dans une étude financée par l’Institut français du monde associatif (IFMA) et soutenue par l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP), cette piste de l'hybridation des ressources des associations est examinée par Giorgia Trasciani, professeure junior en sciences de gestion, Julien Maisonnasse, maître de conférences en sciences de gestion, et Francesca Petrella, professeure en sciences économiques à l'Université d’Aix-Marseille.
Les chercheurs identifient en réalité deux mouvements de pression sur les finances des structures associatives : la baisse structurelle de subventions, déjà décrite ci-dessus, mais aussi « l’augmentation de la commande publique et des appels à projets, à travers des contrats toujours plus stricts et un système de rémunération par objectifs ».
Lorgnant du côté du secteur privé, la puissance publique s'appuie de plus en plus sur une mesure et un contrôle de la performance. Si le respect des règles relatives aux subventions publiques est évidemment nécessaire, cette concentration sur les résultats conduit notamment les associations à augmenter leur taille, si bien qu'elles cessent « de répondre à leur mission sociale », au profit d'une « réponse standardisée à un besoin identifié par l’administration, pour obtenir les fonds recherchés ».
Autrement dit, pour assurer les financements, les structures risquent de se couper du terrain - et de ses besoins constatés -, pour s'adapter aux objectifs de performance définis par l'État central.
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« L’application d’outils issus du marché et l’internalisation de nouvelles logiques de marché pourraient également représenter d’autres défis pour ce type d’organisations », soulignent par ailleurs les auteurs, « tels que les tensions internes, l’affaiblissement de la gouvernance démocratique, le dépassement par la logique de gestion avec des conséquences importantes pour l’organisation en termes de légitimité, d’identité et de sens de l’action ».
L'hybridation qui suppose de se tourner vers des financeurs privés porte le risque de renforcer « la bureaucratie et les lourdeurs administratives », mais aussi de déboucher sur « une marchandisation accrue des associations et à une évolution de type “business-like” », avec l'exigence de retours sur investissements ou de contreparties accordées en échange des financements.
Pour la partie du rapport consacrée aux stratégies d'hybridation des ressources mises en oeuvre par les associations, les auteurs ont réalisé quatre études de cas approfondies de structures basées dans la Région Sud (Provence-Alpes-Côte d’Azur), dans laquelle l’emploi culturel représentait 2,56 % des emplois en 2018.
Première possibilité examinée pour assumer le financement d'une association, les recettes propres de cette dernière sont souvent limitées, dans le secteur culturel. En effet, la mission « de démocratisation culturelle et d’élargissement de l’accès à une programmation culturelle et des services de qualité » s'accorde assez mal avec la recherche de profit.
La majorité des recettes issues de prestations, pour les associations étudiées, provient d'acteurs publics : ces structures, quand elles s'ouvrent à des « acheteurs » privés, restent relativement distinctes du champ commercial. « [M]ême dans le cadre d’une logique de marché, une grande partie des relations sont encastrées dans des relations relevant de la logique réciprocitaire, dans la mesure où la finalité sociale poursuivie par ces associations et les relations de confiance construites progressivement avec les différents acteurs jouent un rôle important dans le choix du prestataire », constatent ainsi les auteurs.
Vient ensuite le don, qui intervient « dans une logique de proximité et d’attachement à l’association », généralement de la part d'usagers. Le financement participatif, pour sa part, « implique des compétences et des moyens spécifiques » que les associations n'ont pas toujours, comme le déploiement d'une stratégie de communication spécifique ou la maitrise des plateformes utilisées.
Le mécénat fait partie des pistes les plus souvent évoquées par les responsables politiques, désireux de décharger l'État de financements publics. Il peut constituer un mode de financement - partiel - viable : l'étude cite ainsi « un club de mécènes » créé par une association, qui réunit 23 entreprises dont les apports financiers couvrent 9 % du budget de l’association.
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En échange du soutien financier, « [l]e club propose des activités trois à quatre fois par an, les relations entre les entreprises adhérentes du club et l’association sont très bonnes. Les entreprises sont ravies par exemple de faire des visites d’expositions privatives ou d’aller visiter les coulisses des artistes. »
Cependant, le mécénat a évidemment ses limites : « [D]ès que les organisations essaient de changer d’échelle afin de se voir octroyer des montants plus importants, la situation se complique », notent les auteurs. Par ailleurs, les mécènes « se concentrent sur des activités relevant de l’excellence artistique et de sa diffusion, [...] ils soutiennent des producteurs déjà reconnus et des œuvres considérées a priori comme rentables au détriment de l’action culturelle, des droits culturels et de l’éducation populaire ». Enfin, les petites associations et le travail de démocratisation ont peu de chances de retenir l'attention de mécènes, contrairement à des manifestations grand public ou très médiatisées.
Enfin, le bénévolat reste au coeur du modèle associatif, avec le risque de l'assimiler à « une ressource classique ». Ainsi, ce recours aux bonnes volontés doit-il être soutenu, a priori, par une dynamique particulière et un encadrement, qui mobilisent du temps, des compétences et des ressources au sein des différentes structures.
Pour les associations, l'hybridation des ressources (avec plusieurs financeurs privés, de la municipalité jusqu'à l'Union européenne, ou des financements publics-privés) représente « une source d’incertitude quant à la pérennisation du projet et [...] un alourdissement des tâches administratives », soulignent les auteurs en conclusion.
Se tourner vers des financements privés présente des risques, avec le danger d'un retrait des partenaires en fonction du contexte ou des missions assumées par les structures.
Pour garantir l'intégrité des associations culturelles, même en cas d'hybridation de leurs ressources, les auteurs mettent en avant « la valorisation de leur contribution à l’intérêt général et leur fonction sociopolitique [qui] constitue clairement pour elles une stratégie afin de consolider leur reconnaissance et leur légitimité auprès de leurs publics, mais aussi auprès de leurs partenaires ».
L'étude complète est accessible ci-dessous ou à cette adresse.
Photographie : illustration, Niko Hörkkö, CC BY-NC-ND 2.0
Par Antoine Oury
Contact : ao@actualitte.com
4 Commentaires
Milan Freeman
01/02/2025 à 18:44
"la levée de nouveaux impôts ciblant les plus riches ou une répartition égalitaire de l'effort économique"
Au pays champion d'Europe, sinon du monde, de la taxe et de l'impôt, et avec un coefficient de Gini au ras des pâquerettes, c'est le genre de question qui devrait devenir tabou.
Nos problèmes viennent plutôt d'une trop forte dépendance à la subvention, de dépenses publiques hors normes, d'une propension exubérante à créer de la norme, et d'une incapacité à s'affranchir de l'Etat-nounou.
Des années de keynesianisme et voilà le travail !
Nous sommes des enfants-roi, nourris à la becquée, à qui on n'a jamais appris à penser et vivre par nous-mêmes. Ou des cigales qui croient à l'été perpétuel !
Rose
02/02/2025 à 11:11
Le budget 2025 de la CMP composée de 7 sénateurs et 7 députés, validé par 8 pour le gouvernement et 6 pour l'opposition, c'est le fumeux compromis.
Quand on sait que la fortune des milliardaires français augmente de 13 millions d’euros PAR JOUR et que ça pleure dans les chaumières pour une surtaxe annuelle de 8 milliards , que la TTF, déjà mal gérée, s'élève à 0.4%, même en Angleterre, elle est à 0.5%, on se demande.
Si l'État Nation n'existe plus au vu de la privatisation généralisée, gérée par les multinationales qui terrorisent les PME/PMI françaises et influencent les politiques, on aurait pu croire que les services publics de l'Éducation Nationale, du système de santé, du sport et de la culture, nos piliers, resteraient vivables. Et, je ne parle pas de toutes les augmentations 2025 (électricité 14.8% de taxe, mutuelle santé, remboursement maladie etc..) pour les citoyens dont une majorité commence à danser devant le buffet. Et rien sur les exonérations de charges patronales (retraites), sur les niches fiscales, la TVA et la fraude. Ben non, on n'est pas content.
Alain Bliet
03/02/2025 à 08:42
Pas de panique ! Avec nos 5 millions et quelques de fonctionnaires, notre taux de prélèvements fiscaux et sociaux, notre haine des riches, nos forêts de normes, francaises et européennes, nos services publics déliquescents, et nos planches à billets qui surchauffent (dont la facture est déjà payée par les petites gens comme vous et moi) les milliardaires devraient bientôt aller installer leurs usines ailleurs, nos PME être incapables de trouver la force de simplement exister et notre quotidien devenir un enfer...
Le paradis soviétique est à portée de main !
Rose
04/02/2025 à 07:53
D'abord, je n'ai de haine pour personne, c'est trop fatigant. Ensuite, je trouve juste que le système financier actuel est mauvais et injuste et peut-être que si les profiteurs et exploiteurs de multinationales partaient, les petites et moyennes entreprises pourraient se développer car les français sont créatifs. Le fonctionnement actuel de certains humains réduit les richesses de la planète et aggrave nos conditions de vie. Il semble que ces choix de court terme empêchent l'avenir et bloquent le genre humain.