Elon Musk a ouvertement, et activement, participé à la campagne présidentielle de Donald Trump, par l'entremise de son réseau social, racheté à grand frais. Clairement devenu une arme politique pour ses idées conservatrices et libertariennes, entre absence de modérations et accusations de manipulations des algorithmes, de nombreux utilisateurs et acteurs publics ont décidé de quitter la plateforme. Parmi eux, le groupe Madrigall a sauté le pas le 20 janvier. Depuis, d'autres maisons ont fait de même.
Le 03/02/2025 à 16:13 par Hocine Bouhadjera
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03/02/2025 à 16:13
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Le jour de l'investiture de Donald Trump, un exode notable s'est produit sur X, en réaction à sa politique. Précédemment, l'application HelloQuitteX, lancée le 7 janvier, a introduit une fonctionnalité permettant aux utilisateurs de suivre automatiquement les mêmes contacts sur Bluesky et/ou Mastodon qu'ils avaient sur le réseau social d'Elon Musk.
Dans le cadre de cette migration programmée, Antoine Gallimard a été l'un des premiers à embrasser cette initiative. Par la décision du président du groupe Madrigal, 29 maisons d'édition ont quitté X, parmi lesquelles certaines des plus importantes de l'hexagone, comme Gallimard, Flammarion, P.O.L., Casterman, ou la maison spécialisée poche, Folio. Mais aussi huit librairies et 11 structures de diffusion et distribution, dont la librairie Kléber de Strasbourg, ou la plus ancienne de Paris, Delamain.
Le 29 janvier, les éditions Rivages annoncent également leur départ définitif, justifiant : « Nos valeurs ne coïncident plus avec celles du média. » Contactée par ActuaLitté, la maison précise : « Nous souhaitons valoriser, par notre ligne éditoriale, l'ouverture. Cette décision, décidée en interne, peut être vue comme un refus de compromettre ces principes fondamentaux face à des pratiques ou des politiques sur X qui pourraient favoriser la désinformation. » Elle compte à présent être active sur Bluesky.
Inscrite dans la maison Actes Sud, comme sa camarade Payot, elles ont également quitté la plateforme X, comme toutes les maisons associées à la structure fondée par Hubert Nyssen, nous apprend-on. « La liberté d’expression, le respect, la diversité et l’indépendance sont des valeurs fondamentales et motrices dans l’exercice de notre rôle de passeur. Ainsi, nous avons choisi de geler nos comptes sur le réseau social et cessé nos publications de contenus depuis le 16 janvier dernier », nous explique la maison présidée par Anne-Sylvie Bameule.
Et d'être formelle : « La question de la création d’un espace indépendant, libre et démocratique d’échange et de partage d’informations demeure toutefois intacte et nécessitera la mobilisation collective des acteurs du monde culturel autour d’un projet commun. »
Si les maisons de Madrigall n'ont pas clôturé leur compte, Rivages l'a fait, à l'instar de Zulma : « Une décision mûrement réfléchie et alignée avec les valeurs fondamentales de la maison », partage cette dernière avec nous, et de développer : « Être présente sur X ne correspond plus aux principes de la maison, qui valorise l’écoute d'une diversité de voix et une ouverture sur le monde. Le slogan de Zulma est, rappelons-le, "les littératures du monde entier". »
Pour une maison indépendante de taille moyenne comme Zulma, n'est-ce pas perdre un canal de communication vital ? « La question s'est posée en interne », confie l'éditeur : « Choisir de se désengager de X est un choix militant, et non sans risques, mais nécessaire pour rester fidèle à nos engagements », analyse-t-il.
Dans le même cas de figure, et avec le même état d'esprit, la maison de l'imaginaire, Mnémos, partage avec nous : « Face aux attaques régulières contre certains, à la désinformation et à la nécessité de protéger notre intégrité éthique, nous ne pouvons plus supporter la manière dont ce réseau se développe et sombre. » En vérité, les éditions Mnémos « ont entamé une transition » vers d'autres plateformes de réseaux sociaux, avec l'intention de cesser à terme toute publication sur X.
Un post a été partagé sur le réseau du milliardaire, avec le message : « Envie de suivre toute notre actualité ? Retrouvez-nous désormais sur BlueSky ! » L'idée est de permettre à leur communauté, relativement importante sur X, de s'adapter à ce changement.
L'équipe de la maison s'est interrogée sur l'intérêt de rester sur X, afin de ne pas abandonner l’espace aux extrémistes, leur laissant toute latitude pour diffuser leur discours sans opposition : « La décision de rester ou de partir a suscité des débats internes, certains plaidant pour rester dans un esprit de résistance. Cependant, la maison a conclu qu'elle serait toujours en position de faiblesse face aux assauts de trolls fascistes et à la violence qui sévit, sous couvert de libre expression. »
Et de conclure : « X est devenu une arme politique et un outil de propagande massivement utilisé par l'extrême droite américaine, comme les forces turbo-capitalistes tous poils. Le réseau social constitue une arme massive contre la démocratie. »
Logique, dans cette optique, que la maison des grands théoriciens marxistes et anti-coloniaux, et plus généralement des sciences humaines, La Découverte, quitte aussi X. « Par cohérence intellectuelle et morale », voici la raison invoquée, mais encore ? « Il ne nous semble pas nécessaire d’ajouter d’autres explications », répond l'éditeur inscrit dans le groupe Editis. « Sinon vous dire que cela nous a semblé évident et que nous avons acté cette décision le 21 novembre (Ndr : date de lancement du mouvement HelloQuitteX) – bien avant la grande vague de départ à laquelle nous assistons aujourd’hui d’autres éditeurs et médias », complète-t-il.
D’autres maisons, encore plus engagées, comme les éditions La Fabrique ou Divergences, restent sur la plateforme, pour le moment du moins, tout en dénonçant les dérapages d’Elon Musk. La maison fondée par Éric Hazan a par exemple retweeté la tribune du député LFI, Arnaud Saint-Martin, qui appelle à ne pas laisser « les délires astrofascisants de Musk dicter notre politique spatiale ». La seconde y fait la promotion de son Pop Fascisme, de Pierre Plottu & Maxime Macé, qui dénonce autant le danger du second degré d'un Musk, que celui d'un Cyril Hanouna.
X demeure, aujourd'hui, le principal réseau social du débat politique en ligne. Malgré ses dérives, il reste l’un des derniers lieux où les controverses intellectuelles et idéologiques se confrontent en temps réel, où les tribunes circulent et où les idées s’affrontent. C’est aussi un terrain de batailles médiatiques où les acteurs du monde culturel et politique cherchent à peser, à informer et à contrer les discours dominants. Pour certains engagés à gauche, rester sur X ne signifie pas cautionner son évolution, mais continuer d’y mener la lutte des idées.
Contactées par ActuaLitté pour en savoir plus sur leur approche de la question, les deux éditeurs n'ont pas donné suite.
La plateforme de médias sociaux décentralisée, Bluesky, a connu une croissance significative, atteignant plus de 25 millions d'utilisateurs en décembre 2024, contre 13 millions en octobre. Cependant, cette expansion rapide a récemment ralenti : en décembre, le nombre d’utilisateurs actifs quotidiens aux États-Unis n’a augmenté que de 12 %, bien en dessous des 184 % de croissance observés en novembre. En ce 3 février 2025, la plateforme compte plus de 30 millions d'utilisateurs inscrits.
Fondée par l'ancien PDG de Twitter, Jack Dorsey, elle est construite sur le protocole AT, un ensemble d'outils open source pour développer des applications sociales interopérables. La plateforme promeut la portabilité des comptes, le choix algorithmique, et une modération modulable. Son approche décentralisée vise à offrir une alternative aux réseaux sociaux traditionnels en mettant l'accent sur la liberté des créateurs et des développeurs.
En janvier 2025 néanmoins, une pétition a été lancée pour réclamer la création d'une fondation dédiée à la gestion du développement du protocole AT, actuellement portée par la seule entreprise, BlueSky Social. Cette centralisation excessive rend, selon les signataires, le projet vulnérable à une acquisition jugée hostile, semblable à celle de Twitter par Elon Musk.
Démographiquement, la majorité des utilisateurs de Bluesky sont jeunes : 42 % ont entre 18 et 24 ans, et la plateforme est majoritairement masculine (64 % d'hommes). Géographiquement, le Brésil, où X a été interdit plusieurs semaines en fin d'année dernière, représente 37,7 % du trafic, suivi des États-Unis avec 25,6 %. Selon Similarweb, au 31 janvier 2025, l'application Bluesky se classe au 106e rang en France toutes catégories, et 8e dans la catégorie des réseaux sociaux. Pour décembre 2024, le site x.com se classe au 4ᵉ rang dans la catégorie des réseaux sociaux en France, et au 5ᵉ rang au niveau mondial.
Le collectif HelloQuitteX a récemment annoncé la migration de plus de 30.000 inscrits sur X vers Bluesky et Mastodon, et la cartographie de plus de 47 millions de relations entre près de 10 millions de comptes X. La phase 2 de l'initiative a démarré ce 31 janvier à midi, permettant à des milliers de comptes de retrouver leurs abonnés sur Bluesky et Mastodon grâce à l’application OpenPortability. « Ce n'est pas encore concluant, car sur X, les connexions restent extrêmement nombreuses », constate malgré tout les éditions Mnémos, qui se sont, elles aussi, appuyées sur la solution HelloQuitteX.
À l’origine de ce projet, David Chavalarias, mathématicien au CNRS et directeur de l’Institut des systèmes complexes de Paris Île-de-France. Spécialiste de l’impact des réseaux sociaux sur la société, il a publié en 2022 l’ouvrage Toxic Data, qui analyse ces dynamiques. Il est accompagné d’un collectif de bénévoles français engagés contre la désinformation, composé d’une trentaine de membres issus de différentes associations et organisations. Selon les mentions légales du site HelloQuitteX, le projet a été fondé par « le CNRS, la Ligue des Droits de l’Homme, La Quadrature du Net, le SNJ-CGT, Nothing 2 Hide, On est prêt et Au Poste ».
Dans une vidéo, plusieurs personnalités engagées à gauche, parmi lesquelles Benoît Hamon, Rokhaya Diallo, Marine Tondelier, Cédric Villani ou encore Anne Sinclair, ont appelé à quitter X, reprochant notamment à son dirigeant de diffuser de fausses informations sur l’intégrité du processus électoral américain.
Parmi les inscrits sur HelloQuitteX, la ville de Paris, le département de Loire-Atlantique, Sandrine Rousseau, le député André Chassaigne, Ouest-France, ou… le CNRS lui-même. Cette implication a suscité des interrogations, comme celle du média d'extrême droite JDD : est-il légitime qu’un établissement public soutienne une telle initiative ?
David Chavalarias a répondu sur X : « C'est ne rien comprendre à l'organisation interne d'un établissement public qui gère 31.000 personnes. » Il précise : « Il est évident que ce n'est pas la direction du CNRS qui s'engage et valide directement le démarrage de tout projet de recherche. Ce sont les chercheurs qui en sont responsables dans la limite de leurs moyens, moyens auxquels le CNRS ne participe que pour partie. »
Il affirme : « En tant que directeur de recherche au CNRS, j'ai toute latitude d'engager des projets de recherche dans la limite de mes financements disponibles, cela s'appelle la liberté académique. » Il assure également que « HelloQuitteX, pour ce qui est des développeurs, est pour le moment financé via une donation qui a été faite au CNRS par un fan de mon ouvrage. HelloQuitteX est la suite logique. »
Depuis son acquisition pour 44 milliards de dollars par Elon Musk, le réseau social, rebaptisé X, a subi une transformation majeure. Proclamé « nouvel âge d’or de la liberté d’expression », le site a considérablement assoupli ses règles de modération. Dès son arrivée, Elon Musk a révoqué le bannissement de Donald Trump, évincé en 2021 pour incitation à la violence lors de l'assaut du Capitole.
La plateforme est rapidement devenue un havre pour complotistes, bots et trolls, exploitant la politique de « zéro contrôle » pour propager des théories sans restriction, éclipsant les médias traditionnels.
X s'est transformé en outil d'influence politique pour Elon Musk, qui, après avoir soutenu Donald Trump lors de sa campagne présidentielle, est devenu son conseiller spécial pour « l'efficacité gouvernementale ». Plus récemment, il a activement appuyé l'Afd, parti d'extrême droite, avant les élections législatives anticipées en Allemagne, affirmant sur X que « seule l’AfD peut sauver l’Allemagne ».
Accusé de manipuler l’algorithme de X à son avantage, l'Arcom, régulateur français du numérique, a alerté la Commission européenne suite à des plaintes sur la promotion excessive de contenus de Musk, même pour les non-abonnés.
L’eurodéputée Aurore Lalucq (Place publique) et la sénatrice Marie-Claire Carrère-Gée (Les Républicains) ont dénoncé cette manipulation, arguant que les contenus d'Elon Musk étaient « davantage suggérés », en possible violation du règlement européen sur les services numériques (DSA). En conséquence, l’Arcom a transmis la plainte à l’Irlande, siège de X, et lancera une enquête en France pour recueillir des preuves.
Sous le microscope de la Commission européenne depuis décembre 2023, X doit fournir, avant le 15 février, une documentation explicative sur ses systèmes de recommandation. À défaut, il encourt une amende jusqu'à 6 % de son chiffre d’affaires, voire une suspension temporaire.
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Reuters a rapporté ce 2 février que des associés d’Elon Musk auraient récemment pris le contrôle de l'organisation fédérale américaine avec l'intention de commencer rapidement une rationalisation de ses activités. Ce changement soudain a entraîné une restriction de l'accès aux bases de données contenant des informations sensibles sur les employés fédéraux, éveillant des inquiétudes sur l'usage potentiel de ces données pour forcer des départs.
Parallèlement, Wired révèle que la majorité des nouveaux cadres dirigeants proviennent d'entreprises précédemment dirigées par Musk, telles que SpaceX et Neuralink.
Crédits photo : DonkeyHotey (CC BY 2.0 )
Par Hocine Bouhadjera
Contact : hb@actualitte.com
1 Commentaire
Cyril Balcon
04/02/2025 à 02:11
l'ED US est à vomir mais c'est pas mieux chez nous avec la nouvelle gauche :
https://www.marianne.net/politique/melenchon/convaincre-les-fascistes-de-la-ruralite-de-voter-a-gauche-a-toulouse-melenchon-exalte-sa-nouvelle-france