Les amateurs et amatrices de science-fiction le savent : même à des années-lumière de la Terre, les récits s'appliquent néanmoins à installer une certaine vraisemblance, qui passe parfois par des constructions physiques ou biologiques particulièrement poussées. Deux auteurs de l'anthologie Wild Cards, dont un certain George R.R. Martin, ont cosigné un article scientifique consacré au virus au cœur de cet univers fictif...
Le 29/01/2025 à 11:16 par Antoine Oury
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Publié le :
29/01/2025 à 11:16
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Quand il ne signe pas des récits pour la série de recueils Wild Cards, ou des romans de science-fiction, l'auteur américain Ian Tregillis est physicien au sein du Laboratoire national de Los Alamos. Gérée par l'université de Californie, cette institution est multidisciplinaire, et abrite physiciens, ingénieurs, chimistes, mathématiciens...
À la croisée de ses deux passions, Ian Tregillis publie, dans le volume de la revue American Journal of Physics de février 2025, un article intitulé « Ergodic Lagrangian dynamics in a superhero universe », soit « Dynamique lagrangienne ergodique dans un univers de super-héros ».
Derrière cette amorce particulièrement obscure pour les non-initiés, une étude visant à établir un modèle dynamique pour la diffusion du virus Wild Cards, au centre de l'intrigue des recueils. Mise au point par une faction extra-terrestre, cette arme biologique se diffuse à New York, en 1946, occasionnant des milliers de morts.
Cependant, parmi les individus atteints, certains survivent : une grande partie subit d'horribles déformations physiques (les « Jokers »), quand un petit nombre gagne des pouvoirs surhumains (les « As »)...
Les différents auteurs participant aux anthologies Wild Cards (dont plusieurs tomes ont été traduits en France aux éditions J'ai lu, notamment par Pierre-Paul Durastanti et Henry-Luc Planchat) interviennent régulièrement sur le blog de la franchise. Ils y abordent différents sujets, et, par déformation professionnelle, Ian Tregillis envisageait d'évoquer le virus du récit d'un point de vue scientifique.
« Comme tout physicien, j'ai commencé par des estimations un peu vagues, puis je me suis laissé emporter. J'ai fini par suggérer, comme une blague, qu'il serait peut-être plus facile d'écrire un véritable article scientifique plutôt qu'un article sur le blog », explique Tregillis.
Il a embarqué, dans sa recherche d'un modèle physique valide pour la diffusion du virus, George R.R. Martin, également contributeur, mais aussi éditeur de la série Wild Cards. « Nous avons converti le principe abstrait de la diffusion virale de Wild Cards en un système dynamique simple et concret. Le comportement de ce système, en fonction de la temporalité, permet d'établir la distribution statistique des conséquences [le fait de recevoir des pouvoirs, d'horribles déformations, ou la mort, NdR] », poursuit le coauteur de l'étude.
Si les retombées du virus pourraient à présent être calculées plus précisément dans Wild Cards, Ian Tregillis tient toutefois à souligner que « la bonne fiction repose sur les personnages : leurs envies, besoins, défis, antagonistes et la manière dont ils interagissent avec leur environnement ». À ses yeux, le virus n'est même qu'un « prétexte » pour dérouler des récits.
L'article scientifique complet, cosigné par Ian Tregillis et George R.R. Martin, peut être lu à cette adresse.
Photographie : George R.R. Martin, en 2016 (illustration, Gage Skidmore, CC BY-SA 2.0)
Par Antoine Oury
Contact : ao@actualitte.com
Paru le 14/09/2016
763 pages
J'ai lu
9,90 €
Paru le 07/03/2018
797 pages
J'ai lu
9,90 €
2 Commentaires
Ollivier Du Val
01/02/2025 à 16:27
Vraiment très intéressant. J'ai lu, quelque part, que c'était la lecture du premier opus de Jules Verne "de la terre à la lune" qui avait donné à Hermann Oberth la motivation à sa célèbre "formule des fusées", point de départ de l'astronautique moderne, du tristement célèbre V2 à la mythique Saturn V.
Mon tout premier contact avec la SF n'a pas été Jules Verne, mais la géniale BD de Mézières & Christin, "l'Empire des Mille Planètes", alors que je savais à peine lire.
Les deux protagonistes, Lauréline & Valérian, voyagent dans un astronef qui fait des "bonds dans l'espace-temps".
À six ans, cette idée me fascinait. Mais que diable cela signifiait-il?
Ce n'est que vers 2012 que j'ai compris comment cela pouvait marcher : un mixte de mécanique quantique et de théorie d'espaces de revêtement. Ça pourrait même faire l'objet d'une question à l'agreg de physique.
Comme quoi les liens entre la (bonne) SF & la (vraiment bonne) Science sont bien plus étroits et féconds que certains puristes (scientifiques et littéraires) voudraient nous le faire croire.
Bien amicalement Ollivier Du Val.
jfb88
02/02/2025 à 18:28
Pour les lecteurs que l’étude de la science dans la science-fiction intéresse, je ne peux que recommander la collection Parallaxe aux éditions du Bélial, dirigée par Roland Lehoucq (astrophysicien au CEA, enseignant à l’école Polytechnique et à Sciences Po)
https://belial.fr/collection/le-belial-parallaxe