Pour la quatrième année consécutive, Sotheby’s a accueilli la cérémonie de remise du prix Sévigné, qui récompense chaque année, depuis sa création en 1996, une correspondance inédite ou une réédition enrichie d’une œuvre épistolaire majeure. Cette année, le prix a été décerné à l’unanimité au Métier d'écrire : Correspondance (1940-1985) d’Italo Calvino, dans une édition de Martin Rueff. L'ouvrage a été publié chez Gallimard, à l’occasion du centenaire de la naissance de l'Italien, dans une traduction de Christophe Mileschi.
Dans ce recueil, Martin Rueff propose une édition où se dévoile un écrivain engagé, et animé par une quête inlassable de perfection stylistique. Ce recueil rassemble plus de trois cents lettres écrites tout au long de sa vie, offrant le témoignage d’un homme dont l’esprit critique embrassait toute la littérature italienne de son époque.
Elles brossent un portrait complexe et fascinant de l'Italien, à la fois célèbre et énigmatique. Les premières missives, adressées à sa famille et à ses amis durant sa jeunesse, cèdent progressivement la place à des lettres consacrées à son métier d’écrivain et à son activité d’éditeur. Il y dialogue avec les figures littéraires et artistiques majeures de son temps, tels que Pavese, Vittorini, Morante, Ortese, Pasolini, Antonioni, Sciascia, Moravia, Eco, Magris... À travers ces correspondances, se dévoilent les tensions, les constructions et les réalisations qui ont marqué la vie culturelle et littéraire italienne du XXe siècle.
Au fil de ces pages, on retrouve l’intelligence vive de Calvino, sa franchise, son humour, ainsi que les épreuves, les essais et les triomphes qui ont jalonné son parcours. On découvre également l’engagement d’un intellectuel, d’abord fervent militant du Parti communiste, puis critique et dissident, animé par une conviction profonde : la littérature a une portée essentielle, à la fois intime, culturelle et politique. Comme il le résume lui-même : « La littérature, c’est la chose en laquelle je crois encore le plus. »
Merveille des correspondances d’écrivain : elles définissent négativement et positivement en quoi consiste le geste d’écrire. Négativement car quand j’écris de la littérature je n’écris pas à quelqu’un et que quand j’écris à quelqu’un je peux avec lui par lui et grâce à lui écrire sur la littérature qui ne s’adresse pas à quelqu’un en particulier. Positivement parce que dans la correspondance en écrivant à quelqu’un j’écris autre chose et je me pose comme l’écrivain qui, en trouvant son destinataire, son correspondant s’écrit aussi à lui-même pour se dire dans l’échange. Sans son correspondant, si l’on ose dire, l’écrivain se correspondrait moins.
- Martin Rueff, lauréat 2024
Les ouvrages finalistes du prix Sévigné cette année étaient :
Italo Calvino, Le métier d’écrire. Correspondance 1940-1985, édité par Martin Rueff et traduit de l’italien par Christophe Mileschi et Martin Rueff, éditions Gallimard.
Cioran, Manie épistolaire. Lettres choisies 1930-1991, édité par Nicolas Cavaillès, éditions Gallimard.
Menahem Begin et Anouar el-Sadate, Correspondance 1977-1981, traduit de l’anglais par Léa Drouet, éditions Intervalles.
Présidé par Anne de Lacretelle, le jury du Prix Sévigné comprend : Philippe Wahl, Président Directeur Général du Groupe La Poste et Président de la Fondation d’entreprise La Poste, ainsi que Jean Bonna, membre correspondant de l’Institut (Académie des Beaux-Arts) et Président d’honneur du Prix Sévigné. Parmi les membres, on retrouve aussi Claude Arnaud, Charles Dantzig, Gilbert Moreau, Jean-Pierre de Beaumarchais, Natalie David-Weill, Christophe Ono-dit-Biot, Manuel Carcassonne, Marc Lambron et Daniel Rondeau, tous deux membres de l’Académie française, ainsi que Jean-Paul Clément et Anne-Marie Springer. Natalie David Weill est la secrétaire générale du prix.
Le prix Sévigné, fondé en 1996 par Anne de Lacretelle, fille de l’écrivain et académicien Jacques de Lacretelle (1888-1985), a été créé à l’occasion du tricentenaire de la mort de la marquise de Sévigné. Ce prix distingue la publication d’une correspondance inédite ou d’une réédition enrichie d’inédits apportant de nouvelles connaissances grâce à ses annotations et commentaires, sans restriction d’époque, en langue française ou traduite d’une langue étrangère.
En vingt-cinq ans, il a joué un rôle majeur dans la relance de l’édition de correspondances en France. Le prix est partenaire du festival de la Correspondance de Grignan et bénéficie du soutien de la Fondation d’entreprise La Poste depuis 2006, ainsi que de la Maison Hermès depuis 2007.
La première réunion du jury s’est tenue au musée Carnavalet, ancienne demeure parisienne de la marquise de Sévigné à partir de 1677. Parisienne passionnée, elle chérissait la capitale, mais son désespoir fut grand lorsque sa fille quitta Paris pour Grignan, dans la Drôme, après son mariage. Ce départ donna naissance à une impressionnante et célèbre correspondance entre la mère et la fille, réunie et redécouverte à la fin du XVIIIe siècle.
Sotheby’s, engagé depuis ses débuts dans les ventes de livres et manuscrits, incarne cette tradition. La première vente aux enchères de l’histoire de la maison, le 11 mars 1744 à Londres, portait déjà sur des livres et manuscrits. Aujourd’hui, Sotheby’s Paris organise trois à quatre ventes par an dans cette spécialité, mettant à l’honneur des correspondances originales qui témoignent des relations entre artistes et intellectuels de leur époque.
Ces catalogues regorgent de trésors inédits qui dévoilent la pensée des auteurs, peintres, scientifiques, musiciens et politiques. À travers leurs lettres, on découvre leurs processus créatifs, leurs choix stratégiques, ainsi que les secrets de leurs relations et de leur quotidien, rendant ces figures historiques plus familières et humaines.
Crédits photo : Domaine public
Paru le 05/10/2023
792 pages
Editions Gallimard
30,00 €
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