Le monde connaît les photographies de Vivian Maier et le mythe qui entoure leur découverte. Cette radiographie de l’Amérique de la rue, ces capsules de vie enregistrées, captées par l’appareil de l’artiste, possèdent désormais une place de choix dans notre imaginaire commun. Émilie Plateau et Marzena Sowa proposent de raconter la vie de Vivian Maier, en relatant des anecdotes qui ont participé à façonner son œuvre, et qui permettent de poser un regard plus précis sur ses photographies.
Le 22/01/2025 à 16:10 par Jean-Charles Andrieu de Levis
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22/01/2025 à 16:10
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Émilie Plateau et Marzena Sowa collaborent le temps d’un beau projet, celui de raconter la vie de la célèbre photographe américaine Vivian Maier. Marzena Sowa est la scénariste de la série à succès autobiographique Marzi, qui retrace sa jeunesse dans la Pologne des années 80, ou encore de l’album jeunesse La Petite Évasion (entre autres).
Émilie Plateau est l’autrice de Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin, ou encore de la réjouissante L’épopée infernale : le livre dont vous êtes l’héroïne (que je n’ai toujours pas réussi à terminer, mais qui m’amuse toujours autant). Ensemble, elles livrent un album très réussi et dépeignent avec finesse le caractère de la photographe et une partie de son parcours de vie (indéfectiblement lié à son œuvre).
Les autrices prennent le parti de se concentrer sur les années où la photographe gardait des enfants et des personnes âgées. Elles entrecoupent ces périodes par des flash-back retraçant des moments décisifs de sa jeunesse, qui permettent parfois de mieux comprendre son tempérament et sa sensibilité. Elles se focalisent donc davantage sur la personne de Vivian Maier que sur son art, mais les deux sont-ils véritablement dissociables ?
On retrouve le goût de la dessinatrice pour les scènes du quotidien et les anecdotes se succèdent, comme dans ses précédents albums, entre des séquences avec de beaux décors et d’autres scènes où les personnages dialoguent dans un espace vide (compte moins l’endroit que le propos). Ces alternances installent un rythme singulier qui ponctue le récit et le rend particulièrement agréable à lire.
Il est d’ailleurs étonnant de voir comment la scénariste est parvenue à se fondre dans l’écriture d’Émilie Plateau, comment elle use de la poétique de son art tout en resserrant le propos pour affiner et rendre la biographie assez dense sans délaisser l’émotion.
On découvre une Vivian Maier sûre d’elle, qui s’intéresse, comme il est dit dans le livre, davantage à l’envers du décor qu’au décor lui-même. Une femme profondément libre et indépendante qui entend partager cet esprit d’ouverture dans un monde étriqué dans lequel les discriminations touchent tous les pans de la société.
À ce portrait s’ajoutent ainsi des thématiques de fond auxquelles s’est confrontée la jeune femme et que l’on peut retrouver dans ses photographies, en particulier la lutte pour les droits civiques. Didactique sans l’être ostensiblement, l’ouvrage nous plonge dans une époque révolue et pose un regard critique sur cette société en prise à de lentes mutations tant la domination systémique de l’homme blanc est alors hégémonique.
Dans cet univers étriqué, Vivian Maier, telle que la dépeignent les autrices, est une personnalité moderne, attentive à l’autre et à son épanouissement. Cette femme est belle (dans ce qu’elle est) et ce portrait charge désormais ses photographies de toute la bonté et la force de caractère qui nous sont racontées.
Le minimalisme des dessins d’Émilie Plateau n’empêche pas l’émotion, bien au contraire. On prend beaucoup de plaisir à suivre ces petits personnages, on s’y attache et leur gaucherie nous touche. Présentés de cette manière, comme s’ils étaient vus de loin, ils donnent l’impression de se déplacer sur une pièce de théâtre. Cette mise en scène permet de mettre parfois l’accent sur la délicatesse des dialogues et sur les minces variations du dessin.
D’ailleurs on ne retrouve pas dans l’album les véritables photographies de Vivian Maier, mais des représentations dessinées de ces photographies : les ruptures graphiques sont bien visibles et signalent l’origine du document, tout en restant dans une forme d’harmonie plastique avec le reste de l’album. L’important réside peut-être, avant tout, l’instant de la prise de vue que la prise de vue elle-même.
Vivian Maier, Claire-obscure est un ouvrage indispensable pour les amateurs et amatrices de la photographe, pour les amateurs et amatrices de cette époque, et enfin, pour les amateurs et amatrices de bandes dessinées douces, ludiques et sensibles à la fois.
Aujourd’hui tout le monde connaît les photographies de Vivian Maier (du moins le devrait) et le mythe qui entoure leur découverte. Cette radiographie de l’Amérique de la rue, ces capsules de vie enregistrées, captées par l’appareil de l’artiste possèdent désormais une place de choix dans notre imaginaire commun. Rarement le « ça a été » de Roland Barthes n’aura trouvé une si belle incarnation que dans ces clichés exhumés par le hasard.
Émilie Plateau et Marzena Sowa proposent de raconter la vie de Vivian Maier en relatant des anecdotes qui ont participé à façonner son œuvre et qui permettent de poser un regard plus précis sur ses photographies et sur la démarche singulière d’une artiste qui ne pensait pas construire une œuvre.
Émilie Plateau et Marzena Sowa collaborent le temps d’un beau projet, celui de raconter la vie de la célèbre photographe américaine Vivian Maier. Marzena Sowa est la scénariste de la série à succès autobiographique Marzi qui retrace sa jeunesse dans la Pologne des années 80, ou encore de l’album jeunesse La Petite Évasion (entre autres).
Émilie Plateau est l’autrice de Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin, ou encore de la réjouissante L’épopée infernale : le livre dont vous êtes l’héroïne (que je n’ai toujours pas réussi à terminer, mais qui m’amuse toujours autant). Ensemble, elles livrent un album très réussi et dépeignent avec finesse le caractère de la photographe et une partie de son parcours de vie (indéfectiblement lié à son œuvre).
Les autrices prennent le parti de se concentrer sur les années où la photographe gardait des enfants et des personnes âgées. Elles entrecoupent ces périodes par des flash-back retraçant des moments décisifs de sa jeunesse, qui permettent parfois de mieux comprendre son tempérament et sa sensibilité. Elles se focalisent donc davantage sur la personne de Vivian Maier que sur son art, mais les deux sont-ils véritablement dissociables ?
On retrouve le goût de la dessinatrice pour les scènes du quotidien et les anecdotes se succèdent, comme dans ses précédents albums, entre des séquences avec de beaux décors et d’autres scènes où les personnages dialoguent dans un espace vide (compte moins l’endroit que le propos).
Ces alternances installent un rythme singulier qui ponctue le récit et le rend particulièrement agréable à lire. Il est d’ailleurs étonnant de voir comment la scénariste est parvenue à se fondre dans l’écriture d’Émilie Plateau, comment elle use de la poétique de son art tout en resserrant le propos pour affiner et rendre la biographie assez dense sans délaisser l’émotion.
On découvre une Vivian Maier sûre d’elle, qui s’intéresse, comme il est dit dans le livre, davantage à l’envers du décor qu’au décor lui-même. Une femme profondément libre et indépendante qui entend partager cet esprit d’ouverture dans un monde étriqué dans lequel les discriminations touchent tous les pans de la société.
À ce portrait s’ajoutent ainsi des thématiques de fond auxquelles s’est confrontée la jeune femme et que l’on peut retrouver dans ses photographies, en particulier la lutte pour les droits civiques. Didactique sans l’être ostensiblement, l’ouvrage nous plonge dans une époque révolue et pose un regard critique sur cette société en prise à de lentes mutations tant la domination systémique de l’homme blanc est alors hégémonique.
Dans cet univers étriqué, Vivian Maier, telle que la dépeignent les autrices, est une personnalité moderne, attentive à l’autre et à son épanouissement. Cette femme est belle (dans ce qu’elle est) et ce portrait charge désormais ses photographies de toute la bonté et la force de caractère qui nous sont racontées.
Le minimalisme des dessins d’Émilie Plateau n’empêche pas l’émotion, bien au contraire. On prend beaucoup de plaisir à suivre ces petits personnages, on s’y attache et leur gaucherie nous touche. Présentés de cette manière, comme s’ils étaient vus de loin, ils donnent l’impression de se déplacer sur une pièce de théâtre.
Cette mise en scène permet de mettre parfois l’accent sur la délicatesse des dialogues et sur les minces variations du dessin. D’ailleurs on ne retrouve pas dans l’album les véritables photographies de Vivian Maier, mais des représentations dessinées de ces photographies : les ruptures graphiques sont bien visibles et signalent l’origine du document, tout en restant dans une forme d’harmonie plastique avec le reste de l’album. L’important réside peut-être, avant tout, l’instant de la prise de vue que la prise de vue elle-même.
Vivian Maier, Claire-obscure est un ouvrage indispensable pour les amateurs et amatrices de la photographe, pour les amateurs et amatrices de cette époque, et enfin, pour les amateurs et amatrices de bandes dessinées douces, ludiques et sensibles à la fois.
Par Jean-Charles Andrieu de Levis
Contact : jeancharles.andrieu@gmail.com
Paru le 26/01/2024
136 pages
Dargaud
19,95 €
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