Une équipe du CNRS a développé une plateforme qui permet la migration rapide et gratuite de toutes les données d’un compte aujourd’hui hébergé sur X, vers un compte Buesky et/ou Mastodon. Sous le hashtag « HelloQuitteX », ce collectif incite ainsi les utilisateurs à abandonner le réseau social d’Elon Musk. Parmi ceux qui ont franchi le pas, figure le groupe Madrigall, qui a annoncé qu'« en ce 20 janvier, toute activité sur X des comptes de l’ensemble de ses maisons et librairies » serait suspendue.
Le 21/01/2025 à 16:44 par Hocine Bouhadjera
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Publié le :
21/01/2025 à 16:44
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Le lundi 20 janvier n’a pas seulement marqué l’anniversaire du regretté David Lynch, mais aussi le « Jour J » pour de nombreux utilisateurs du réseau social X. À l’occasion de l’investiture de Donald Trump, ils ont quitté la plateforme dirigée par la fantasque première fortune mondiale, en signe de protestation contre sa politique.
Il a été proposé à tous les inscrits sur la plateforme HelloQuitteX, disponible depuis le 7 janvier, de suivre automatiquement sur leurs nouveaux comptes Bluesky et/ou Mastodon toutes les personnes qu’ils suivaient sur X. Comment ? Grâce à une sorte de bouton automatique qui permettrait de retrouver en un clic tous ses contacts et ses interactions d’un réseau social à l’autre.
Parmi les convaincus par cette initiative figure un acteur majeur du monde de l'édition, et pas des moindres, en la personne d'Antoine Gallimard, entraînant avec lui tout Madrigall. Le groupe fondé en 1992, c'est un total de 29 maisons d'édition, avec des noms bien connus comme Gallimard, Flammarion, ou encore Casterman. Mais aussi huit librairies et 11 structures dédiées à la diffusion et à la distribution.
Sur chaque compte X des maisons et des librairies du groupe, le même post, avec un message : « Attaché à la qualité et la pluralité de l’information, Antoine Gallimard, Président du groupe Madrigall, a pris la décision de suspendre en ce 20 janvier toute activité sur X des comptes de l’ensemble de ses maisons et librairies. » Et le hashtag #HelloQuitteX. Les liens vers les autres réseaux sociaux sont par ailleurs partagés, d'Instagram à Facebook, en passant par Linkedin.
Sollicité par ActuaLitté pour éclairer les motivations du président du groupe, Antoine Gallimard n’a pas encore donné suite. Maintenant qu'un des principaux groupes éditorial français, avec une des maisons les importantes historiquement de France, Gallimard, a quitté le réseau social, quid des autres ? Pour le moment, rien à signaler côté Hachette, Editis ou encore Albin Michel.
À noter par ailleurs : si Madrigall quitte X, les pages n'ont pas été supprimées.
En 2011 déjà, Gallimard avait eu mal partir avec ce qui était encore Twitter, alors dirigé, entre autres, par Jack Dorsey : un internaute avait mis en vente sur eBay un compte Twitter qu’il avait créé au nom de Gallimard, avant de retirer son annonce, après avoir rencontré Antoine Gallimard. L'enchère avait atteint un montant maximum de 1500 euros, juste avant la suspension de la vente...
Cet internaute avait créé selon lui, ce compte en 2009, à une époque où Twitter était encore méconnu en France. Faute de temps pour gérer le compte, il avait proposé à Gallimard de le reprendre gratuitement. Mais, toujours d'après lui, cette proposition était restée sans réponse de la part de l’éditeur. il avait alors décidé de mettre le compte en vente sur eBay à un prix de départ de 25 euros. Les bénéfices devaient être reversés à une association de lutte contre l’illettrisme. Affirmation qu'on ne pourra jamais vérifier.
Depuis, le réseau social a changé de nom, et a largement changé. Le milliardaire Elon Musk s'est offert le réseau social pour 44 milliards de dollars, promettant un nouvel âge d’or de la liberté d’expression. À peine arrivé, il levait le bannissement de Donald Trump, exclu pour avoir incité à la violence lors des événements du Capitole en 2021.
Avec une politique de « zéro contrôle », le milliardaire offre un paradis aux complotistes, bots et autres trolls, qui ont saisi l’opportunité d’envahir la plateforme. Désormais, les théories les plus extravagantes, autrefois filtrées, se répandent sans limite, au détriment des médias traditionnels.
Elon Musk a par ailleurs façonné une arme politique redoutable, qu’il n’a pas tardé à utiliser en s’affichant comme un soutien de poids dans la campagne présidentielle de Donald Trump. Avec la victoire de ce dernier, le Sud-Africain est devenu son conseiller spécial chargé de « l'efficacité gouvernementale ». En s'engageant pleinement dans cette campagne, il a parié en quitte ou double, fidèle à l’audace - certains diront la folie -, qui a toujours marqué sa carrière d’entrepreneur.
Aujourd'hui, il est accusé de manipuler l’algorithme de X. L’Arcom, régulateur français du numérique, a annoncé saisir la Commission européenne après des plaintes accusant Elon Musk, PDG de X et propriétaire de Tesla, de manipuler l’algorithme de son réseau social pour favoriser ses propres contenus.
L’eurodéputée Aurore Lalucq (Place publique) et la sénatrice Marie-Claire Carrère-Gée (Les Républicains) ont dénoncé que « les contenus d’Elon Musk » étaient « davantage suggérés », même aux utilisateurs non abonnés, une possible violation du règlement européen sur les services numériques (DSA). L’Arcom transmet la plainte à l’Irlande, où X est basé, et mènera une enquête en France pour réunir des preuves.
La Commission européenne, déjà en enquête depuis décembre 2023, a demandé à X, dirigé par Elon Musk, de fournir d’ici le 15 février une documentation interne sur ses systèmes de recommandations. X risque une amende pouvant atteindre 6 % de son chiffre d’affaires, voire une suspension temporaire.
Le dernier (triste) coup d’éclat du patron de Tesla et SpaceX : durant son discours, à la soirée d'investiture de Donald Trump, il aurait réalisé un salut nazi, rien que ça... Elon Musk a réagi sur son réseau social en dénonçant les « coups tordus » de ces adversaires. « L’attaque “tout le monde est Hitler” est tellement dépassée », a-t-il ironisé.
Face à l’évolution de plus en plus inquiétante du réseau social, l’initiative HelloQuitteX, on l’aura compris, ne se limite pas uniquement à Madrigall.
À l’origine de l'initiative, David Chavalarias, mathématicien du CNRS et directeur de l’Institut des systèmes complexes de Paris Île-de-France. Il étudie depuis plusieurs années l’impact des réseaux sociaux sur la société. il en a tiré un ouvrage publié en 2022, Toxic Data.
Il est accompagné par un collectif de bénévoles français engagés dans la lutte contre la désinformation, qui regroupe une trentaine de membres issus de différentes associations et organisations, majoritairement bénévoles, incluant une petite équipe de développeurs coordonnée par le CNRS. Dans les mentions légales du site d’HelloQuitteX, il est précisé que le projet a été fondé par « le CNRS, la Ligue des Droits de l’Homme, La Quadrature du Net, le SNJ-CGT, Nothing 2 Hide, On est prêt et Au Poste ».
« X est désormais un outil d’influence sur l’opinion publique, non seulement aux États-Unis mais également en Europe », a alerté David Chavalarias lors d'un passage sur le plateau de BFMTV.
« Après le 20 janvier, Elon Musk sera suspendu du droit américain, n’aura plus de compte à rendre à la justice, protégé en tant que ministre de Donald Trump (...) et X deviendra, de facto, un porte-voix du gouvernement américain dans le domaine des médias numériques », complètent les porteurs du projet.
À ce jour, au moins 17.000 personnes se sont déjà inscrites sur HelloQuitteX, parmi lesquelles figurent la ville de Paris, le département de Loire-Atlantique, Sandrine Rousseau ou encore... le CNRS. Néanmoins, sur les réseaux sociaux, certains internautes s'interrogent : est ce légitime qu'un institution étatique comme le CNRS porte une telle initiative ?
À LIRE – Elon Musk a changé X (ex-Twitter) en “prison”, “lieu de soumission”
« C'est ne rien comprendre à l'organisation interne d'un établissement public qui gère 31.000 personnes », a répondu David Chavalarias sur X, et de continuer : « Il est évident que ce n'est pas la direction du CNRS qui s'engage et valide directement le démarrage de tout projet de recherche. Ce sont les chercheurs qui en sont responsables dans la limite de leurs moyens, moyens auxquels le CNRS ne participe que pour partie. »
Il est formel : « En tant que directeur de recherche au CNRS, j'ai toute latitude d'engager des projets de recherche dans la limite de mes financements disponibles, cela s'appelle la liberté académique ». Et d'assurer : « En l’occurrence, Hello Quitte X, pour ce qui est des développeurs, est pour le moment financé via une donation qui a été faite au CNRS par un fan de mon ouvrage. HelloQuitteX est la suite logique. »
Elon Musk poursuit, de son côté, sa croisade contre les journalistes, qu’il considère comme ses adversaires. Soutenant ceux qui les qualifient d’« ennemis du peuple », il encourage ses millions de followers sur X à délaisser les médias traditionnels au profit de « sources citoyennes » — des contenus amateurs, souvent non vérifiés, diffusés sur sa plateforme.
« You are the media now » (« Vous êtes désormais la presse »), a-t-il tweeté au lendemain de l’élection présidentielle, affichant son mépris pour le journalisme traditionnel.
Crédits photo : Antoine Gallimard - ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Par Hocine Bouhadjera
Contact : hb@actualitte.com
Paru le 01/03/2023
290 pages
Flammarion
10,00 €
12 Commentaires
Aniota
22/01/2025 à 12:58
Les réseaux sociaux sont des médias qui contiennent la correspondance des internautes.la loi protège la correspondance postale, on ne voit pas à quel titre, la correspondance moderne devrait être limitée. Les adultes sont libres et suffisamment avertis pour choisir de lire, de croire ou non ce qui est publié de la même manière que lorsqu'ils reçoivent des documents de toutes sortes dans leur boîte aux lettres. Censurer la parole, censurer la diffusion, c'est limiter l'accès aux informations, toutes les informations, et je ne vois pas à quel titre, certaines personnes s'érigent en juge de ce qui est autorisé comme pensée, comme opinion,et refusent d'en laisser l'accès à la population . C'est proprement contraire à la constitution. Faire peur, interdire, mentir, utiliser la calomnie sont les moyens utilisés par ceux qui n'ont pas d'arguments valables à opposer .liberté, liberté chérie c'est le socle de la nation,ils n'ont pas le droit de la censurer !
Jef1415
22/01/2025 à 15:02
Pour répondre à Aniota. Cet argumentaire est celui des promoteurs de X ou Facebook. "Au nom de quoi devrait on réguler la liberté d'expression ? Les lecteurs sont adultes et peuvent se faire leur propre opinion en choisissant de lire ou pas telle ou telle information". Oui c'est vrai dans un monde idéal . Mais c'est faux dans le monde des réseaux sociaux où l'algorithme promeut certains contenus et par contrecoup en censure d'autres.. Ce qui était filtré ( écarté ou dé-promu)hier ne l est plus désormais dans les nouvelles règles de X. Et devinez ce qui sort en priorité : tous les messages qui "créent-du-clic" les contenus excessifs ou provocants ou outranciers qui vont susciter des réactions etc.... C'est ça qui crée le trafic -et donc le profit- pour le réseau. Est ce que les utilisateurs ont le discernement nécessaire pour faire la part des choses ? . Pardon mais j' en doute . Voilà l'inquiétude concernant ce nouveau "débridage ".
Moi
22/01/2025 à 15:46
La loi n'en a rien à cirer de nous.
Elle veut juste notre argent.
Et nous faire croire qu'elle œuvre pour la justice et le bien.
Wagner
22/01/2025 à 16:16
Je pense que celui qui a trop d argent devient idiot en ce sens qu il perd toutes ses facultés pour raisonner comme un homme intelligent c est son cas il divague car les neurones ne sont plus a leur place comme il faut ce qui n est pas bon signe🤯
anty
22/01/2025 à 19:37
Bravo! Retrouvons un peu de lien en se débarrassant de cette fachosphère par de petits gestes qui prouvent notre envie de défendre l'état de droit et notre république.
Mystere
23/01/2025 à 06:58
La pluralité de la pensée unique! La novlangue est surprenante
adnstep
23/01/2025 à 10:33
La gauche a toujours eu un problème avec ceux qui ne pensaient pas comme elle.
« La vérité est une, seule l’erreur est multiple. Ce n’est pas un hasard si la droite professe le pluralisme. »
Simone de BEAUVOIR (1908-1986)
(Les Temps modernes, nos 109 à 115 (1955), Jean-Paul Sartre.).
Ne pouvant faire taire les media portant une parole discordante, ils "quittent". Et bien bon débarras 😂😂.
Eric Lode
23/01/2025 à 11:23
On traite Musk de "nazi" sur son propre réseau et il laisse passer.
Ça, c'est la vraie liberté d'expression.
Beaucoup de medias qui encensent la démocratie, la liberté et la tolérance, mais qui renaclent à publier tout message qu s'écarte un peu de leur ligne éditoriale devraient en prendre de la graine !
Propi
23/01/2025 à 12:00
Bonjour
Il me semble qu'en France il existe une loi interdisant l'incitation publique à la haine, à la violence ou à la discrimination. Je ne sais pas si la loi d'un pays s'applique à un réseau social international, mais n'est-ce pas suffisant pour interdire, bloquer ce genre de réseau ?
Il ne faut pas confondre informations (et liberté d'expression) avec manipulation sordide, et dangereuse...
Aradigme
23/01/2025 à 14:12
Gallimard tient à se faire bien voir de son public à peu de frais... Il en sera quitte pour recréer ses comptes X dans quelques mois - en toute discrétion, évidemment....
Edco
23/01/2025 à 18:48
Quand le loup est ds la maison , le petit chaperon rouge observe peu à peu que mère grand ....a changé......mais c est trop tard ......!!!!
J.Cutler
27/01/2025 à 08:00
Bien que n'adhérant à aucun réseau dit social (quelle idée !) je me réjouis de la décision de M. Gallimard. D'autant que ce Musk a un air de chromosome surnuméraire...