Si vous êtes prêts à vous perdre dans un labyrinthe narratif et visuel, Annihilator vous réserve une aventure inoubliable. Une lecture qui, comme son antihéros Max Nomax, vous pousse à regarder au-delà du vide. Avec cet album, Grant Morrison, maître incontesté de la narration éclatée et visionnaire, s’associe au talent graphique de Frazer Irving pour livrer une œuvre sidérante qui défie les conventions.
Ils signent ici une collaboration mémorable, un hommage à la création sous toutes ses formes : ce comics est une odyssée métaphysique, un mélange explosif de science-fiction, de satire hollywoodienne et de méditation sur la création.
Le récit suit Ray Spass, un scénariste en déclin dont le dernier projet, un scénario de science-fiction intitulé Annihilator, pourrait bien être son salut. Mais sa vie bascule lorsque Max Nomax, l’antihéros qu’il a lui-même imaginé, fait irruption dans le monde réel. Ensemble, ils résoudront une énigme existentielle : la nature d’un trou noir cachant un terrible secret, qui pourrait bien détruire l’univers.
Les dialogues ciselés et les moments de pure introspection alternent avec des scènes d’action frénétiques, créant un équilibre subtil entre le cérébral et le spectaculaire.
Alors que réalité et fiction se confondent, Ray affronte non seulement une mort imminente (cette tumeur qui lui laisse 7 jours à vivre), mais aussi ses propres démons intérieurs. Et Morrison excelle dans l’art de tisser des récits à plusieurs niveaux, et Annihilator ne fait pas exception.
Sous ses allures de blockbuster hallucinatoire se cache une réflexion profonde sur le processus de création. Ray Spass, alter ego cynique et autodestructeur de Morrison, incarne un créateur hanté par son œuvre, tiraillé entre l’inspiration divine et le vide absolu. Réalité et fiction, des concepts dépassés face à la rédemption et au sens de l’existence.
La narration déconcerte un peu, jouant avec les codes de la science-fiction et du méta-récit, multipliant les références à la physique quantique, à la philosophie et aux tropes hollywoodiens. Les lecteurs habitués à ses travaux les plus exigeants, comme The Invisibles ou Doom Patrol, retrouveront ici sa capacité à surprendre et déstabiliser.
Frazer Irving sublime le récit avec son style unique. Sa palette numérique, aux teintes saturées et contrastées, donne vie à un monde où la réalité semble constamment au bord de l’effondrement. Les décors futuristes et organiques, presque palpables, côtoient des personnages marqués par leurs failles. L’utilisation inventive de la lumière et des ombres accentue l’atmosphère oppressante et surréaliste de l’histoire.
Alors non, Annihilator n’est pas un comics facile d’accès — d’ailleurs, au sens propre : l’ouvrage est épuisé, disponible uniquement en occasion. L’écriture de Morrison, dense et cryptique, exige une implication totale du lecteur. Mais pour ceux qui osent s’aventurer dans cet univers, la récompense est à la hauteur. Plus qu’une simple histoire de science-fiction, c’est une méditation sur l’art, la folie et l’ultime question : pourquoi créons-nous ?
Une plongée vertigineuse dans l’esprit d’un génie troublé...
Publiée le
20/01/2025 à 07:48
Paru le 16/09/2016
224 pages
Urban Comics Editions
21,00 €
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