J'emporterai le feu

Leïla Slimani

Leïla Slimani, écrivaine franco-marocaine, a entrepris avec Le Pays des autres une trilogie retraçant l'histoire moderne du Maroc à travers les destins croisés de membres d'une même famille. Cette saga familiale s'étend de la période post-coloniale aux années 2000, offrant une perspective intime sur les bouleversements sociopolitiques du pays.

Elle conclut ici avec brio ce triptyque en nous offrant J'emporterai le feu, un roman qui explore les défis et les aspirations de la troisième génération de la famille Belhaj. 

Il se concentre sur la troisième génération de la famille Belhaj, notamment Mia et Inès, petites-filles de Mathilde et Amine, nées dans les années 1980. Ces jeunes femmes cherchent à tracer leur propre chemin dans un Maroc contemporain, confronté aux défis de la mondialisation, des inégalités persistantes et des aspirations individuelles.

Une quête personnelle de liberté pour des femmes confrontées aux préjugés, au racisme et aux attentes sociétales : elles apprendront de nouveaux codes et se forger une place dans un monde en mutation. Leïla Slimani achève ainsi sa fresque familiale en offrant une réflexion sur l'évolution du pays et les luttes pour la liberté et l'émancipation. 

L'écriture, empreinte de poésie et de puissance narrative, donne vie à une fresque familiale riche en émotions et en réflexions sur l'identité, l'héritage et l'émancipation. Ce dernier volet, attendu pour le 23 janvier 2025, promet de captiver les lecteurs en quête d'histoires profondément humaines et universelles. 

Pas le meilleur tomes des trois, Le Pays des autres dresse cependant un portrait nuancé du Maroc, mettant en lumière les complexités culturelles, sociales et politiques qui ont façonné le pays au fil des décennies. L'écriture de Leïla Slimani, sensible et engagée, donne voix à des personnages confrontés aux défis universels de l'identité, de l'appartenance et de la quête de liberté.

 
 

Publiée le
19/01/2025 à 11:04

1 Commentaire

 

TRIEB

29/01/2025 à 11:03

Esquisser une évocation de l’histoire d’un pays, le Maroc, à travers les membres d’une famille est un exercice littéraire périlleux et semé d’embûches. Il y a danger de simplifier les choses à l’excès, d’être réducteur, partisan, Il faut aussi éviter l’éloge inconditionnel, la célébration des racines incontournables sans lesquelles un être humain ne peut trouver son équilibre, ni se situer dans la nature et l’intensité de ses appartenances communautaires, religieuses, nationales.
Leïla Slimani publie le troisième tome de sa trilogie romanesque intitulée : « Le pays des autres ». Après avoir décrit dans les deux premiers tomes : Le pays des autres et Regardez-nous danser les premières générations de la famille Belhaj, entre la Seconde Guerre mondiale et les années soixante, Leïla Slimani poursuit cette évocation du Maroc des années 90 jusqu’à nos jours. L’auteure se focalise sur la troisième génération, particulièrement Inès et Mia, et sur les parcours de Mathilde, leur grand-mère née en Alsace et ayant épousée un Marocain, Amine Belhaj.
Dans les tentatives d’émancipation recherchées pas ces femmes, il y a la volonté de surmonter la peur, l’affirmation de nouveaux comportements, la recherche d’un pays où vivre sans chuchoter dans les lieux publics ou les réunions de famille. Leila Slimani rappelle que ces attitudes , ces défis aux opinions et aux conduites du moment , le conservatisme, le poids de la religion, de l’ignorance , de la bigoterie sont générateurs de danger et bien souvent de souffrance .Ainsi, Aicha Bela, gynécologue de son état, fille de Mathilde et d’Amine Belhaj, se reproche-telle un manque de détermination personnelle : « Mehdi répète que je ne m’impose pas , tu ne sais pas dire non, ni à tes filles, ni à tes patientes, ni à personne ( …) c’est la résolution que je prends maintenant que je vais avoir quarante ans, dire non, m’imposer . »
Les personnages d’une saga historique doivent exprimer leur amour de la terre natale , leur désir de voir leur œuvre perpétuée , incarnée par leurs enfants ; Mehdi Belhaj a fondé une entreprise au Maroc et il fait part de la nécessité de poursuivre son action à Selim, son fils installé aux États-Unis et y exerçant la profession de photographe, métier peu crédible pour son père : « Et je ne peux pas accepter qu’après notre mort l’exploitation reste à l’abandon (…) dans la vie, on ne fait pas ce qu’on veut et cette terre doit rester la terre des Belhaj . »
Leila Slimani évoque fréquemment les problématiques de liberté sexuelle, d’affirmation de différence. Ainsi, Mia, l’une des filles, découvre-t-elle des penchants homosexuels. Mais c’est la question de l’identité qui est évoquée, avec beaucoup de nuances et de recul. L’auteur lui accorde une place substantielle dans la vie de ses personnages, tiraillés entre la tentation de l’exil, le mal du pays, et qui ne parviennent pas à trouver une réponse univoque : « Mathilde se sentait étrangère à son enfance, comme si cette enfance n’était pas une histoire vraie mais un rêve récurrent, un souvenir incertain. Elle avait vécu au Maroc toute ; sa vie d’adulte, dans cette maison sur la colline (…) oui, ce pays était devenu le sien et elle pensa qu’il n’y avait pas de meilleur endroit pour vieillir. »
C’est une très belle saga romanesque que Leila Slimani nous livre. Elle se penche sur l’histoire de ce pays, en portant un regard critique, ambivalent, mais plein d’espoir. Elle évite les simplifications outrancières, les caricatures. On lira avec grand profit cette évocation du Maroc contemporain.

J'emporterai le feu

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