Aujourd'hui, dans l'édition, “un nouvel auteur n'a aucune chance”
Éditrice et psychologue de formation, Stéphanie Ricordel a ouvert depuis quelques mois sa Petite Agence, pour « défendre des auteurs auxquels je crois, en fiction et en non-fiction, déjà installés ou primo-romanciers ». Convaincue de l'importance des agents littéraires dans la chaine du livre, elle défend la professionnalisation des pratiques et des relations, avec les auteurs comme avec les éditeurs.
Le 07/01/2025 à 11:50 par Antoine Oury
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Publié le :
07/01/2025 à 11:50
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Une nouvelle vie professionnelle a commencé, fin septembre 2024, pour Stéphanie Ricordel, avec l'ouverture de son agence littéraire, simplement nommée Ma Petite Agence. Adhérente de l'Alliance des Agents Littéraires français (AALF), la structure apparaitra prochainement au sein de son annuaire, qui permet de recenser les professionnels du secteur.
En tant qu'éditrice, Stéphanie Ricordel a fréquenté plusieurs agents littéraires au long de son parcours, « que j'étais contente d'avoir comme interlocuteurs, contrairement à un discours que l'on peut entendre dans le secteur ». Elle cite, parmi ces collaborateurs et collaboratrices réguliers, des membres de La Nouvelle Agence ou Stéphanie Honoré.
Accompagner les auteurs et les éditeurs
« En tant qu'éditrice, j'adorais avoir affaire à un agent, une profession qui joue un rôle important face au problème d'engorgement des services des manuscrits des maisons d'édition, le plus souvent en sous-effectif », explique Stéphanie Ricordel. En sélectionnant des manuscrits et en se portant garants d'une certaine qualité, les agents apporteraient des opportunités aux éditeurs.
Évidemment, l'agente littéraire se tient aux côtés des auteurs, en défendant leurs intérêts et « les meilleures conditions possibles pour un titre, tant du côté des droits d'exploitation que des relations avec l'éditeur ». Contrairement à certaines pratiques en vigueur, Stéphanie Ricordel ne se fera pas éditrice dans le cadre de son agence : « Si j'estime qu'un texte n'est pas prêt pour la publication, j'en informerai simplement l'auteur. »
Pas de fausses promesses non plus, précise-t-elle, en indiquant qu'elle fera également « prendre conscience de certaines réalités du marché à des auteurs parfois un peu candides. Il peut être par exemple judicieux de ne pas publier un livre par an : les ventes des titres précédents sont en effet scrutées par les éditeurs et les libraires, et il peut être compliqué de se faire une place avec un historique de ventes peu engageant. Il faut parfois temporiser, pour attendre le bon texte. »
Stéphanie Ricordel constate aujourd'hui un secteur de l'édition de plus en plus concurrentiel, au détriment, le plus souvent, des auteurs. « À moins de bien connaitre le milieu, d'avoir un contact ou bien de posséder un talent fou, qui relève de l'évidence, un nouvel auteur n'a aucune chance », estime-t-elle, en voyant dans la multiplication des plateformes de services aux auteurs comme Librinova, MonBestSeller ou Edith&Nous la conséquence de ce phénomène.
Professionnaliser un métier
L'intervention de l'agent littéraire laisse envisager un changement de paradigme, mais la profession reste mal acceptée par certaines maisons d'édition, peu désireuses d'accueillir un nouvel intermédiaire.
La rémunération de l'agent est symptomatique de ce rejet : « L'agent est rémunéré au pourcentage sur le contrat d'édition, avec un taux de 10 à 15 % des droits obtenus. Mais il est rémunéré comme un prestataire, le plus souvent, alors que la profession voudrait un intéressement sur toutes les exploitations du texte. » Des maisons d'édition refuseraient les contrats d'agents, « ce qui favorise l'hétérogénéité des pratiques et une invisibilisation du métier », ajoute Stéphanie Ricordel.
L'adhésion à l'AALF, elle-même liée au Syndicat français des agents artistiques et littéraires, lui permet de défendre cette identité professionnelle de l'agent, tout en affichant une garantie de sérieux à destination des auteurs.
À travers Ma Petite Agence, Stéphanie Ricordel accompagne des auteurs de tous types de textes, notamment des récits, de l'autofiction, de la fiction, depuis la littérature dite « blanche » jusqu'à la littérature de genre. Parmi ceux qui lui ont déjà fait confiance, citons Juliette Allais ou Manu Causse.
Photographie : illustration, Don Harder, CC BY-NC 2.0
Par Antoine Oury
Contact : ao@actualitte.com
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16 Commentaires
Jules Defoe
07/01/2025 à 13:56
C'est beau le lobbying.
FredEx
07/01/2025 à 16:33
Pourquoi ne pas envisager un impresario d'agent ?
Ollivier du Val
07/01/2025 à 16:34
Une question : qu'est ce qu'un "talent fou"? Quand on voit la trajectoire ( je dis bien trajectoire et non pas carrière) d'un Marc Édouard Nabe (que certains comparaient à un nouveau Louis Ferdinand Céline), il y a de quoi être songeur.
Et Madame Marguerite Yourcenar ? Celle qui m'a tant et tant cassé les pieds quand j'étais au lycée au début des années 80, qui en parle encore ? A-t-elle encore des lectrices et des lecteurs ??
J'ai vainement cherché sur Google, dans Wikipédia et ailleurs une définition consistante du mot STYLE dont se gargarisent nos trissotins sans jamais la trouver. Alors que l'on m'autorise à en proposer une :
Le STYLE est le truc, l'arme, qui permet aux personnes autorisées (celles qui ont le pouvoir ou en tout cas l'ont pris) de coopter ou de rejeter un(e) nouve(lle)au venu(e).
Enfin, je terminerai sur la SF. Ce genre, qui a m'a préférence comme apprenti auteur de 60 ans, me fait penser à certains quartiers, voire à certaines îles (comme celle de Ré) : il se gentryfie ( j'espère que l'on me pardonnera ce barbarisme).
Comme disait Claudine Gay, la malheureuse présidente de Harvard, tout ceci dépend du contexte. Et le contexte en favorisent certains au détriment d'autres.
Très orwellien au fond.
Je vous souhaite à tous et toutes éditeurs, agents, auteurs, et surtout lecteurs et lectrices une belle année 2025. Nous en aurons bien besoin.
Bien amicalement Ollivier Du Val
J.Cutler
08/01/2025 à 07:51
D'accord avec vous, en grande partie. Nous sommes, à mon sens, dans le domaine de la subjectivité quasi absolue. Nabe avait bien écrit un...roman? ayant pour héroïne Lucette, la femme de Céline? Lequel est tombé de mes mains au bout de quelques pages.
Ollivier du Val
08/01/2025 à 10:51
Entièrement. Mais il paraît aussi que des éditeurs ( j'ignore lesquels, mais ils figurent dans la note Wikipédia concernant l'intéressé ainsi que dans l'excellent -et très romanesque- ouvrage de François Krug "Réactions Françaises") ont offert des ponts d'or à M.E. Nabe pour qu'il rédige ses mémoires avant de le jeter comme un malpropre.
Comme le dit fort justement Tom Wolfe (un immense sic! auteur, bien qu'un peu longuet bien que Nabe soit autrement plus long ) : on ne peut qu'écrire qu'une seule fois ses mémoires. Et d'insister : il faut de la matière pour écrire.
D'où son invention du "Nouveau Journalisme", voilà pourquoi j'aime autant Tom Wolfe.
Évidemment, personnellement j'en suis incapable. Voilà pourquoi, depuis de longues années, je m'essaye à la SF. C'est ma formation scientifique qui me donne la matière de mes manuscrits.
Malheureusement, je n'ai pas l'impression que beaucoup de romanciers dans ce domaine le soient. Raison pour laquelle on parle de Hard SF (Greg Egan, Kim Stanley Robinson).
Mais pour moi le meilleur, en France, dans cette optique, reste "Invasion" de Daniel Robin publié chez JMG.
Attention! Ce n'est pas un roman. C'est de la " littérature complotiste"! Mais si l'on veut le lire comme un roman de SF c'est génial. Tout est cohérent, d'équerre, scientifiquement en béton, vrai, référencé.
Peut être que Daniel Robin, pour être publié, a dû utiliser ce subterfuge!
Oui tout cela reste très subjectif.
Mais je pense que dans les jeux de pouvoirs de l'édition, on n'est pas seulement dans le subjectif, mais dans l'arbitraire, on fait allégeance, on se couche. Et quand on a le pouvoir : on flingue.
Zut. Moi aussi je suis long très long, trop long. J'ai dû me Nabeliser.
Bien amicalement à celles et ceux qui auront eu la patience de me lire.
Ollivier du Val.
Simoun
07/01/2025 à 17:04
Excellent article.
L'important n'est pas juste tel ou tel métier, mais comment il est abordé.
Il faut juste plus de professionnels exigeants et intègres, comme l'est Stéphanie Ricordel.
Poppy Dimitriev
08/01/2025 à 08:20
Je suis très heureuse que Stéphanie soit désormais mon agent après une longue collaboration éditoriale. J’apprécie toujours autant sa rigueur, son implication, son enthousiasme communicatif. Sa présence en tant qu’agent favorise mon déploiement et me permet de gagner en visibilité, indéniablement. Cela m’a offert des accès impossibles jusque là. Pour moi, c’est une alliée précieuse, efficace et irremplaçable !
Florence Mothe
08/01/2025 à 10:38
Enfin un article qui,aulieu de se contenter de vaines promesses et d'utopies imbéciles dit la réalité du métier. C'est à dire :
-Il n'y a pas d'éditeur sérieux sans diffuseur sérieux.
-Il n'y a pas de livre qui rencontre son public sans dialogue avec un éditeur
-IL n'y a aucune chance de trouver un bon éditeur si on n'est pas dans le système.
-Le recours à un agent littéraire est, de très loin le plus simple et le plus fiable
-L'autoédition et le compte d'auteur sont au mieux des balivernes,au pis des escroqueries.
-Si on se donne la peine d'écrire un livre,c'est pour qu'il soit lu.
-Un auteur professionnel doit pouvoir vivre de sa plume.
Ollivier du Val
08/01/2025 à 16:40
Chère Florence.
Merci de rappeler ces vérités de base. Malheureusement, elles ont disparu depuis longtemps.
J'en suis venu à être un romancier amateur en quête d'un lectorat.
On se rend compte alors que finalement les gens lisent de moins en moins. Que les femmes lisent bien davantage que les hommes (pourquoi ?) mais que la lecture n'est plus un loisir dominant. Cela inquiétait déjà Jean d'Ormesson dans les seventies.
Finalement sommes nous condamné(e)s à disparaitre surtout que l'IA se lance à nos trousses. Telle une immense bétonnière, elle malaxe les datas (sous les regards attendris d'amour transi d'un Elon Musk et d'autres Geeks) héritage de la littérature humaine, pour en pondre une littérature Potemkine à l'usage des sensibilités de demain.
Certains auteurs reconnus admettent à demi mot l'usage de robots rédactionnels. Même les articles scientifiques des revues savantes passent par ces fourches caudines des rotavators des datascenters.
Voici enfin venu l'avènement du Nihilisme.
Bien amicalement Ollivier Du Val.
MICHELLE MOSINIAK
08/01/2025 à 12:43
Bravo! Ce métier courant chez les anglo saxons est quasi inexistant ou mal connu chez nous. C'est enfin une opportunité pour des auteurs de qualité ignorés et asphyxiés par les pratiques en usage dans le monde de l'édition d'avoir peut-être une chance d'émerger et d'être "défendus". Même après avoir été choisi par un "petit" éditeur et avoir été édité, le livre n'en a pas pour autant une chance de vivre par manque de suivi promotionnel et commercial . On attend même de l'auteur qu'il assure cette partie alors qu'il n'a ni le réseau ni les compétences en communication pour cela! Je ne parle même pas de l'édition à compte d'auteur (autre forme de leurre). Les agents existent pour les artistes, il est souhaitable que la pratique se développe pour ce qui est de l'écriture, cela devrait également permettre de réduire l'invasion de livres sans intérêt, indigents qui encombrent le terrain !
Comité Livre Libre
08/01/2025 à 17:03
Qui a les moyens de se payer un agent ?
Au lieu de gloser faudrait poser les bonnes questions
Combien ?
Ça ricane moins là hein ?
Ollivier du Val
08/01/2025 à 21:40
Pas moi en tout cas, je vous rassure!
Déjà, je ne peux même plus me payer un traitement de textes. J'en suis venu à chercher une bonne vieille machine à écrire genre Underwood & Co.
Malheureusement, aujourd'hui l'heure est au téléchargement. Et ça nourrit cette grosse bétonnière qu'est le Big Data.
Comme vous le signalez, on ne rigole plus. Mais il nous reste encore la parole, avant que quelques fous furieux ne viennent bientôt nous décapiter.
Alors il ne restera que quelques cimetières sous l'astre des nuits.
Bien amicalement Ollivier Du Val.
David M.
08/01/2025 à 22:37
Un agent ne coûte rien à l'auteur...
L'auteur n'a aucune somme d'argent à verser. Si l'agent parvient à placer un auteur, un contrat d'édition est signé qui prévoit des droits d'auteur. L'auteur touche une certaine somme d'argent, et une partie de cette somme, 15% le plus souvent, revient à l'agent. L'intérêt de passer par un agent pour l'auteur, outre le fait qu'il se fait lire et peut être publier, c'est justement de gagner plus de droits d'auteur. Mais c'est quasi impossible de se faire accepter par in agent, parce qu'il sont aussi sélectifs que les éditeurs, où ils ne publient que les copains ou les auteurs qui sont déjà de gros vendeurs de livres.
Laure-Hélène
09/01/2025 à 11:53
Bravo pour cet article extrêmement utile.
Effectivement le fonctionnement de la chaine du livre est complétement opaque pour ceux qui ne sont pas du métier. Beaucoup de fantasmes sont véhiculés. Certains l'ont bien compris. Tout cela joue au détriment des auteurs.
Il me semble que l'agent littéraire est un maillon essentiel dans ce système.
Après effectivement nous sommes dans le domaine de la subjectivité pure. Pour être édité(e) il faut une rencontre. Une rencontre au sens de 2 sensibilités qui se croisent.
La rencontre avec Stéphanie Ricordel est pour moi, mon manuscrit une chance inouïe. Je suis déchargée du poids de la recherche d'un éditeur pour laquelle je n'ai aucun atout et je peux me concentrer sur l'écriture.
BB
09/01/2025 à 13:33
Merci pour cet article !
Quel dommage qu'on ne parle pas plus souvent du métier d'agent ! En tant qu'autrice, je constate l’incommensurable différence que peut faire l'intervention d'un.e professionnel.le, qui sait à quels interlocuteurs s'adresser et comment. Je suis également soulagée de pouvoir compter sur la présence et les conseils de mon agente pour toutes les étapes "annexes" à l'écriture d'un texte dans lesquelles je n'excelle vraiment pas : constitution d'un dossier de soumission, rendez-vous avec les maisons, négociation du contrat... En tant qu'éditrice, j'ai également été enchantée de travailler avec des agents d'auteurs toujours très pro, très efficaces, et dont la présence fluidifiait et détendait énormément le travail, sans jamais que cela n'empêche une excellente relation avec les auteurs. De plus, lorsqu'on fait confiance à une agence, le vivier de talents qu'elle représente est un atout très appréciable. J'espère que cette profession trop méconnue va fleurir en France.
ESTELAS EDITIONS
13/01/2025 à 09:07
Chez Estelas on ne passe pas par les agences, système calqué sur le modèle anglo-saxon. Ca représente un coût supplémentaire et on n'a vraiment pas besoin de ça en ce moment. Et puis c'est vrai qu'en étant en contact direct avec l'auteur on a une première approche qui nous permette de sentir si on s'entendra bien avec ou pas.
La sélection des manuscrits est assez rapide:
Etape 1- On regarde si ces derniers entrent ou nom dans le cadre de notre ligne éditoriale qui est exposée sur notre site. Si c'est le cas, on passe à la 2e étape.
Etape 2- Lecture en diagonale. 10/15 mn par manuscrit. Là, on prend connaissance de l'intrigue sans entrer dans les détails. On se rend compte également de la qualité de l'écriture (ponctuation, concordances des temps, occurrences, etc.). Si le tout est correct, on passe à l'étape 3.
Etape 3- Comité de lecture. On attend le retour avec la fiche d'annotation. Si le manuscrit est bien noté, l'éditeur prend les chose en main, et après lecture accepte ou non ledit manuscrit.
Toutes ces étapes on aime quand elles sont effectuées par la maison, avec notre esprit, notre philosophie.
Alors, peut-être que les agences sont intéressantes pour les grandes maisons d'édition sollicitées plus que de raison. Mais Estelas Editions est une petite maison d'édition et on aime notre autonomie de décision à tous les niveaux. Pour nous, ajouter un intermédiaire serait signe de coût supplémentaire à une époque ou justement on fait la chasse aux coûts.