La censure du gouvernement de Michel Barnier a également évacué son projet de loi de finances 2025, placé sous le signe de l'austérité face à un déficit public conséquent. En attendant une nouvelle proposition de l'État, certaines régions ont malgré tout fait le choix de voter leur budget 2025 en fin d'année 2024. Tour d'horizon des dépenses publiques pour la culture, qui n'échappent pas à cette tendance à l'économie dans la quasi-totalité des régions.
Le 03/01/2025 à 15:08 par Antoine Oury
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03/01/2025 à 15:08
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À l'instabilité politique s'est ajoutée l'incertitude économique. Le projet de loi de finances pour 2025, présenté par le gouvernement Barnier en octobre 2024, sonnait l'alerte, évoquant un déficit public à hauteur de 6,1 % du PIB. Il réclamait une « juste participation des collectivités territoriales à l'effort collectif », par un « effort de maîtrise du solde public » qui devait s'élever à 5 milliards €, soit « 12,5 % de l’effort global sur l’ensemble du champ des administrations publiques ».
Une demande peu appréciée par la plupart des collectivités, qui estiment que l'État reporte ainsi le poids de sa dette sur des administrations qui présentent, elles, des budgets équilibrés, comme le veut la loi. De plus, la politique fiscale mise en œuvre au cours de la présidence Macron n'a pas épargné les recettes de ses mêmes collectivités, souvent contraintes d'assumer les mêmes compétences avec des moyens réduits.
Après l'adoption d'une loi de finances spéciale, qui permet à l'État de percevoir les impôts existants et d'emprunter, le gouvernement de François Bayrou doit présenter un nouveau projet de loi de finances 2025 : le Premier ministre espère son adoption pour « mi-février », mais rien n'est moins sûr... En effet, au vu de la composition de ce gouvernement et de l'orientation politique générale, le « nouveau » PLF pourrait s'appuyer largement sur l'ancien, et risquer ainsi une nouvelle motion de censure en cas de passage en force, par l'article 49.3...
Malgré cette incertitude à la fois politique et budgétaire, la majorité des 13 régions françaises a décidé de voter malgré tout un budget primitif pour l'année 2025, qui prend généralement en compte la situation économique exposée par le PLF 2025 du gouvernement Barnier. La Bourgogne–Franche-Comté et les Hauts-de-France ont reporté le vote au mois de mars 2025, en adoptant des mesures de continuité budgétaire basées sur le budget de l'exercice précédent. L'Occitanie, présidée par Carole Delga (Parti socialiste), qui avait largement critiqué le PLF 2025, a repoussé le vote de son budget au mois de février prochain.
La Corse doit aussi voter son budget plus tard, mais l'île est exonérée de l'effort économique, qui vise les « plus grosses » collectivités.
Les 10 autres régions ont voté leur budget primitif 2025 dans les derniers jours de l'année 2024, en actant, dans tous les cas ou presque, des baisses des dépenses publiques. Le secteur de la culture n'est généralement pas épargné...
Les choix du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes étaient particulièrement suivis. Lorsqu'il le présidait, Laurent Wauquiez (Les Républicains) avait en effet contrarié le secteur culturel avec de conséquentes suppressions de subventions.
Le budget primitif 2025 s'élève à 5,2 milliards €, en hausse de 649,5 millions € par rapport à celui de l'année précédente : si les dépenses de fonctionnement, à périmètre constant, sont en recul de 3 %, celles d'investissement connaissent une forte hausse, à 1,691 milliard € en 2025, contre 1,4 milliard € l'année précédente (hors FEADER et hors capital dette).
La culture, avec le sport et la jeunesse, perd 2,5 millions € sur un budget de fonctionnement, qui s'établit à 68,70 millions €, contre 71,20 millions € en 2024. Du côté des investissements, l'enveloppe atteint 83,9 millions €, contre 77 millions € dans le budget primitif de l'année précédente. Cette dernière hausse peut toutefois être en trompe-l’œil, si les crédits d'investissement sont majoritairement attribués à quelques « grands projets » régionaux.
Dès le 12 décembre, les élus du conseil régional de Bretagne ont voté un budget primitif 2025 d'un montant de 1,93 milliard €, en légère hausse (+0,2 %) par rapport au précédent, dont 1,2 milliard € de dépenses de fonctionnement. Loïg Chesnais-Girard, président socialiste de la région, a mis en avant des « budgets “sanctuarisés” pour la 4e année consécutive », pour la culture (dont le patrimoine), les langues et les sports. Un choix qui relève de l'exception, si l'on considère le paysage régional français.
Hors patrimoine (avec 16 millions €), la culture reçoit 28 millions € dans le budget 2025, mais la région souligne qu'elle « ne prétend pas que ce maintien suffise à répondre à toutes les tensions, a fortiori si les autres niveaux de collectivité sont contraints de réduire leur engagement en la matière ».
Elle met en avant les « sérieuses difficultés [du secteur], matérialisées par des baisses de diffusion des équipes artistiques bretonnes (- 50 % en termes de dates cette année) et la fragilité d’entreprises majeures du secteur de l’édition ou du cinéma ». Pour le livre plus spécifiquement, l'enveloppe de la région est reconduite à l'identique.
Le jeudi 19 décembre 2024, le conseil régional présidé par François Bonneau (Parti socialiste) a voté un budget primitif 2025 de 1,67 milliard €, hors réaménagement de la dette, en recul de 127 millions € (- 7,6 %) par rapport à celui de l'année précédente. Dépenses de fonctionnement (1,07 milliard €, - 1,7 %) comme d'investissement (640 millions €, -15,6 %) sont en baisse.
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Le budget de la culture et du patrimoine culturel s'établit à 32,1 millions €, en baisse de 2,9 millions € (- 8,4 %) par rapport au budget primitif 2024 (35 millions €, ensuite ramenés à 31,4 millions € par une décision modificative). Cette baisse prive les dépenses de fonctionnement de 776.000 € (-3,1 %), et celles d'investissement de 2,2 millions € (-21,1 %).
Franck Leroy (Horizons), président du conseil régional de la région Grand Est, a présenté début décembre un budget primitif 2025 de 4,1 milliards €, contre 4,49 milliards € pour celui de 2024. Les dépenses de fonctionnement atteignent 2,4 milliards € (face aux 2,5 milliards € du BP 2024), contre 1,7 milliard € réservé à l'investissement (face aux 2 milliards € du BP 2024).
La culture, au sein de la politique régionale, s'inscrit dans le programme « Attractivité », qui représente 7 % du budget total, soit 296,3 millions € en 2025 (contre 335 millions € dans le BP 2024). Le budget prévisionnel pour cet axe s'élève en 2025 à 295 millions €, dont 116 millions de crédits de fonctionnement et 179 millions € de crédits d'investissement.
Dans ce même programme, l’axe stratégique « Soutenir le spectacle vivant, les arts visuels et la diffusion culturelle » perd ainsi 1,33 million € en crédits de fonctionnement, et 4,23 millions € en crédits d’investissement... Même punition pour l'axe « Relever les richesses culturelles régionales », qui recule de 1,49 million € en crédits de fonctionnement et de 270.000 € en crédits d’investissement.
Dans son avis sur le budget, le Conseil économique et social environnemental régional du Grand Est s'inquiète particulièrement pour l'avenir du spectacle vivant dans la région. « Le CESER demande, compte tenu de l’urgence de la situation, qu’une attention particulière soit accordée à la sauvegarde du secteur, qu’il ne souhaite pas opposer au soutien à la restauration et à la valorisation du patrimoine, tout aussi essentiel au développement culturel des territoires », indique son rapport.
Dès le mois de novembre, la région Île-de-France, par la voix de sa présidente Valérie Pécresse (Les Républicains), avait annoncé la couleur. Le 26 novembre, le budget primitif 2025 a été adopté par les élus, qui ont voté un montant de 5,8 milliards €, comprenant une économie de 760 millions € en autorisations de programme et autorisations d’engagement et de 247 millions € en crédits de paiement (investissement et fonctionnement).
La culture en prend pour son grade, avec un budget de fonctionnement de 44,1 millions € (contre 48,8 millions € l'année précédente) et d'investissement de 36,7 millions € (42,7 millions € en 2024). « [L]e montant total proposé des autorisations de programme et d’engagement affiche une baisse de 20 % par rapport à l’exercice précédent et celui des crédits de paiement une baisse de 11,7 % » relève le CESER, qui s'inquiète une fois encore des soutiens accordés au spectacle vivant.
L'éducation artistique et culturelle attire aussi l'attention du conseil, qui note que le montant pour 2025, 2,3 millions €, est inférieur à celui engagé au cours de l'exercice 2024 (2,7 millions €).
La région a également choisi d'appliquer « une année blanche » sur les projets de contrats de plan État-Région (CPER) : pour la culture, cela représente actuellement un montant de 127 millions €.
Lors d'une assemblée plénière, le 16 décembre 2024, le conseil régional (présidé par Hervé Morin, Les Centristes) a adopté la proposition de budget 2025, établi à 2,1 milliards €, en diminution de 240 millions € (- 10,11 %) par rapport à 2024. Les crédits de fonctionnement atteignent 1,328 milliard €, soit une hausse de 5,5 millions € (+0,42 %), mais ceux consacrés à l'investissement accusent le coup, à 707 millions € (hors dette) soit 270 millions € de moins par rapport au BP 2024 (-28 %).
En matière de culture, à en croire le rapport du CESER, l'heure est à la réduction des dépenses, comme dans d'autres régions : le conseil relève ainsi « une baisse très modérée de 1,5 % pour la section en fonctionnement et plus marquée de 15 % pour la section en investissement ». Néanmoins, l'organisme estime que la région Normandie n'aurait pas fait de la culture « une variable d'ajustement ».
Avec un budget de 3,3 milliards €, en baisse de 200 millions € par rapport au précédent, l'année 2025 de la région Nouvelle-Aquitaine s'inscrit aussi dans un contexte économique contraint. Le président de la région, Alain Rousset (Parti socialiste) a présenté fin décembre ce budget primitif, dans lequel 74,7 millions € sont dédiés à la culture, contre 79,1 millions € pour celui de l'année précédente (- 5,5 %).
Pour ce secteur, si le budget fléché vers les industries culturelles connait une hausse, tout comme les crédits dédiés aux langues et cultures régionales, ceux réservés aux manifestations culturelles, à l'éducation artistique ou à la médiation culturelle sont à la baisse. Les crédits de fonctionnement de l’Agence du Livre, du Cinéma et de l’Audiovisuel (ALCA) sont également en recul.
La région Pays de la Loire a mobilisé l'attention en raison des déclarations de sa présidente, Christelle Morançais (Horizons), sur les économies qu'elle comptait réaliser en 2025. Le budget primitif 2025, adopté le 20 décembre dernier, s'établit finalement à 1,9 milliard €, dont 1,19 milliard € de dépenses de fonctionnement (contre 1,2 milliard € en 2024, -1,7 %) et 793 millions € de dépenses d'investissement (contre 830 millions € en 2024, -4,4 %).
Les coupes dans les dépenses publiques sont particulièrement sensibles au sein de la commission sectorielle « Culture, sport, vie associative, bénévolat, solidarités, civisme et égalité hommes-femmes » : celle-ci perd 3,7 millions € en crédits de paiement entre 2024 et 2025 (de 29,2 millions € à 25,5, soit 12,6 %) et 19,8 millions € d'autorisations d'engagement (de 33,9 à 14,1, soit 58,5 %).
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À la très forte inquiétude des secteurs culturel et associatif s'ajoute celui du CESER des Pays de la Loire face aux « répercussions brutales sur des milliers d’emplois que les premières enquêtes du milieu associatif anticipent ». « Ce choix qui est fait d’impacter notamment les politiques culturelles, sportives et touristiques a pour conséquence, à notre sens, de remettre en cause une partie du rayonnement de notre Région et le fait Régional », note l'organisme.
Voté le 13 décembre 2024, le budget primitif 2025 de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur atteint 3,5 milliards €, contre 3,2 milliards € pour celui de l'année 2024. Il se décompose en 2,2 milliards € de crédits de fonctionnement, pour 1,3 milliard € en crédits d'investissement.
Peu d'informations ont été communiquées par la région sur le détail de ce budget. Concernant la culture, le CESER ne se faisait toutefois pas d'illusion, dans son avis, en évoquant « une allocation de moyens réduite ».
Renaud Muselier (Renaissance), le président du conseil régional, a également prévenu, lors de l'Assemblée plénière du 13 décembre : « Nous nous sommes lancés dans la chasse aux doublons. Là où il y a d’autres financeurs et, en premier l’État, nous dégageons. Par ailleurs, concernant la culture, quand les villes diminuent leur budget nous ferons de même et nous le signalons aux acteurs culturels. »
Photographie : Devant l'hôtel de région des Pays de la Loire, à Nantes, le 19 décembre 2024. Le budget 2025 a été particulièrement critiqué par les acteurs culturels, qui dénoncent les choix de la présidente de région, Christelle Morançais (Horizons). (ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
Par Antoine Oury
Contact : ao@actualitte.com
2 Commentaires
J.Cutler
04/01/2025 à 18:26
La région Occitanie n'est pas nommée, doit-on en conclure la stabilité des subventions?
Antoine Oury
06/01/2025 à 08:07
Bonjour,
Comme indiqué dans l'article, le vote du budget de la région Occitanie a été décalé au mois de février prochain. Dans ce cas de figure, pour assurer la continuité des services, l'enveloppe 2024 est d'habitude reconduite.
Cordialement,