Un mot pour résumer l’année, un idéogramme pour prendre le pouls du Japon. Chaque année, ce concours élit l’idéogramme chinois préféré des Japonais, reflet à la fois ludique et symbolique de l’état du pays. Mais cette fois, derrière l’insolite, un malaise : le caractère choisi fait grincer les dents des politiques...
Depuis 1995, l’association Nihon Kanji Kentei Kyokai, spécialisée dans les tests de connaissance des kanjis – ces caractères chinois adoptés au Japon au VIe ou VIIe siècle et intégrés au cœur de la langue japonaise – invite la population à choisir l’idéogramme de l’année.
Et, comme à son habitude, le résultat a été révélé le 12 décembre au temple Kiyomizu-dera à Kyoto. Une question brûlait alors au coin de toutes les lèvres : quel idéogramme viendrait détrôner 戦 (« guerre ») et 税 (« impôt »), couronnés en 2022 et 2023 ?
Avec 12.100 voix au compteur, c’est le caractère 金 qui remporte cette nouvelle édition, comme le rapporte NHK. Ce dernier se lit « kin » ou « kane » en japonais, et est hautement symbolique pour le pays du soleil levant, à plusieurs niveaux.
Ce caractère, qui signifie « or », pourrait faire référence aux Jeux olympiques de Paris, qui se sont déroulés cet été, ou à l’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco des mines d’or de l’île de Sado, la plus grande île de la mer du Japon, souligne la NHK.
Mais le double-sens du mot « or », qui fait également référence à la notion d’argent, pourrait bien évoquer l’inflation qui continue de grimper dans le pays. Un deuxième idéogramme en référence aux problématiques économiques des japonais, comme ce fut le cas en 2023 avec le mot « impôt ».
Et quand il est question d’argent, difficile pour le Japon d’oublier le scandale qui a ébranlé l’archipel en 2023. L’année aura été marquée par la révélation explosive d’un système de caisses noires au sein du Parti libéral-démocrate (PLD) : plus de 600 millions de yens (3,8 millions d’euros) de fonds de campagne détournés en toute illégalité.
Résultat, une cassure politique au sein du pays : démission du secrétaire général Hirokazu Matsuno, éclatement des factions, et une débâcle électorale qui a coûté au PLD sa majorité à la chambre basse. Alors, lorsque le chef du PLD et Premier ministre japonais, Shigeru Ishiba a appris la nouvelle, ce dernier a réagi : « Il faut faire de la politique quelque chose d’étanche face au pouvoir de l’argent », rapporte le quotidien Asahi Shimbun.
À LIRE – Trophée du sale type 2024 : Voleur de livres gratuits destinés aux voisins
Le Yomiuri Shimbun a tendu son micro à Miki Tonomura, l’instigatrice du concours, qui ne mâche pas ses mots : « Les réponses décalées se multiplient. » Elle a ensuite qualifié l’événement d’« obsolète », suggérant un vote décalé à mi-décembre. Son idée ? Troquer le bilan des déceptions de l’année pour refléter les espérances de l’année à venir.
Crédits image : Temple Kiyomizu-dera à Kyoto, où s'est tenu l'événement. Photo par Martin Falbisoner, CC BY-SA 4.0
Par Louella Boulland
Contact : lb@actualitte.com
Commenter cet article