La controverse entourant Kamel Daoud et son roman Houris, prix Goncourt 2024, s'inscrit dans les débats sur la guerre civile algérienne. Cette œuvre serait la première à avoir bravé l'interdit et brisé le tabou du récit... Sauf que ce thème a déjà été abordé par nombre d'écrivains algériens, souvent des femmes. Et ce, malgré La charte pour la paix et la réconciliation nationale d'Algérie.
Le 13/12/2024 à 12:23 par Faris Lounis
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13/12/2024 à 12:23
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Sur la guerre civile algérienne (1991-2002), « il y a eu deux ou trois essais, mais la réalité, ça reste un tabou, on n’en parle pas, c’est puni par la loi ! ». Par un beau matin d’été, un mensonge, produit au début du mois d’août 2024 par nombre de publications et de communiqués de presse [1], est devenu viral après sa validation par France Inter. Le 28 du même mois, invité sur « Le 7/10 » dans le cadre de la campagne menée par les médias pour le prix Goncourt, Kamel Daoud s'accommode de l’histoire littéraire de l’Algérie en usant d’assertions contre-factuelles.
Engagé volontaire depuis 2014 au sein des colonnes du Point, l’écrivain franco-algérien était surtout connu par son rôle dans la banalisation du triptyque islam-immigration-insécurité au cœur de l’idéologie néoconservatrice des droites dures et extrêmes. Mais aussi par la liquidation de l’histoire coloniale française et des mises en équivalence audacieuses avec la « décennie noire ».
Loin d’être la première œuvre à rompre le silence romanesque sur la guerre civile qu’impose la loi de réconciliation nationale de 2005 (sa promulgation date de 2006) et à redonner « une voix » aux femmes qui en ont été les victimes, Houris de Kamel Daoud vient après des dizaines de fictions et d’essais consacrés à ce conflit fratricide par des Algériennes et des Algériens.
Mais, aux aveuglements de l’écrivain qui semble vouloir réécrire l’histoire littéraire de son pays s’ajoute le fait qu’en France, les médias mainstream ne sont aucunement favorables au débat contradictoire. La caractérisation et la critique des éditos que publie l’auteur de Meursault, contre-enquête (Barzakh, 2013) dans Le Point est inaudible dans des journaux comme Le Monde, L’Obs ou même Libération.
Le très violent ressentiment qu’il éprouve à l’encontre de la société algérienne et ses écrits culturalistes et essentialistes — qui reprennent aveuglément l’agenda politique des droites dures et extrêmes — sur l’islam, l’immigration, la présence des Algériens en France (et surtout des binationaux), l’histoire coloniale et les gauches françaises ont imposé le paradigme de l’Algérien, et par conséquent de l’Arabe, entendable, récompensable.
De ce fait, le domaine du dicible est réduit à un seul énoncé, « Kamel Daoud ou la mort », et l’analyse politique, sur la base d’éléments factuels, de ses publications et prises de positions idéologiques ne reçoit, jusqu’à présent, auprès des élites culturelles qui dominent le débat public français, que l’abominable stigmate d’hérésie intellectuelle, de « collaboration » avec « le régime d’Alger » et « les islamistes ».
Par la magie du baratin postmoderne que promeut le pôle médiatique dominant, l’Algérien — et donc l’Arabe [2] — « goncourisable » sera exclusivement celui qui affirmera qu’il serait le seul à avoir écrit le LIVRE de la « tragédie nationale », que l’ensemble de ses concitoyens voudraient justifier la violence des islamistes et des militaires et auraient pour unique boussole politique et existentielle la « haine de la France » [3], l’effacement même de leur « véritable guerre » des mémoires et des livres d’histoire, au profit de ce que Kamel Daoud estime être « la culpabilisation rampante de la France et de l’Occident » (La Grande Librairie, 15/05/2024).
Parler de la guerre civile algérienne en littérature, est-ce vraiment interdit en Algérie ? Loin pour moi de vouloir minimiser ses travers liberticides, la loi de réconciliation nationale de 2005 a été promulguée pour rendre la société algérienne vivable au sortir d’une décennie sanguinaire et inhumaine, protéger contre toute mise en cause judiciaire et politique tant les islamistes hâtivement « repentis » que certains membres des forces de l’ordre de leurs exactions d’alors, mais elle n’a nullement empêché en réalité une abondance précoce et continue de fictions et d’essais historiques sur ce thème.
L’interdiction de Houris et des éditions Gallimard au Salon International du Livre d’Alger (SILA) en novembre 2024 est une hideuse pratique dictatoriale que l’auteur de ces lignes condamne fermement, sans pour autant perdre de vue les données empiriques du champ littéraire et intellectuel algérien.
Si Le Point insiste sur le fait qu’avec Houris, Kamel Daoud « brise enfin le tabou de la guerre civile algérienne », cela ne va pas sans l’oubli, voire l’occultation délibérée, de certains romans algériens dont l’hebdomadaire lui-même s’est fait l’écho. En 2018, le magazine a publié les bonnes feuilles et une critique d’un roman noir sur la « décennie noire », 1994 de Adlène Meddi (Barzakh, 2017/Rivages, 2020) [4], le correspondant algérois de ce même hebdomadaire !
Mais, regrettablement, cette entreprise médiatique de réécriture de l’histoire littéraire algérienne ne s’arrête pas là.
Évoquant l’histoire d’une famille algéroise déchirée par les conflits idéologiques des événements nihilistes des années 1990, les médias mainstream ont aussi jeté le voile du déni sur l’existence du roman de l’écrivaine franco-algérienne Amina Damerdji, Bientôt les vivants, pourtant publié en 2023 aux éditions Gallimard… Même si, au SILA, l’autrice a présenté l’édition algérienne de son livre publié chez Barzakh, Kamel Daoud et ses encenseurs médiatiques n’ont aucunement mentionné ce fait.
À ces rappels factuels, deux autres publications méritent d’être également mentionnées. Le 14 novembre 2024, toujours au SILA, l’écrivaine Maïssa Bey est revenue, dans une table ronde animée par le critique Lebdai Benaouda, sur la question du viol durant la « sale guerre » qu’elle a scrupuleusement évoquée dans son premier roman Au commencement était la mer (Marsa, 1996).
Et en juillet 2024, un prix étatique, le Grand Prix Assia Djebar, a été attribué à l’écrivaine de langue arabe In‘âm Bayoud pour son roman Houaria [5] (Dar Mîm, 2023) qui raconte la décennie fratricide du point de vue d’une Oranaise évoluant dans les milieux interlopes de sa ville natale, qui donne à voir les vies féminines précaires et le lourd tribut payé pour survivre dans un monde plongé dans la violence.
Curieusement, le parangon du « féminisme » algérien, qui ne cesse de faire l’éloge des livres et de la lecture, semble n’être guère intéressé par les romans que publient ses compatriotes chez ses éditeurs de France et d’Algérie, Gallimard et Barzakh, et surtout ceux écrits par des femmes et… en langue arabe [6].
Ainsi s’est dessiné le sentier du Graal littéraire français, le Goncourt. Une affirmation « post-véridique », une confirmation complaisante et la machine fabriquant l’« inédit » algérien de la rentrée est lancée. Au milieu du brouillard de cette insignifiance médiatique, Rachid Mimouni n’aurait pas écrit La Malédiction en 1993 (Stock), Fadila Farouk T, la lettre de la honte [تاءالخجل] en 2003 (Riyad Er-Reyyes) non plus. Le débat est cimenté, la valeur littéraire de Houris est mise en suspens. Seul l’idéologique importe, mais seulement quand il se niche au sein de l’« arc républicain », contre « les extrêmes ». D’aucuns croient reconnaître dans cette pensée tiède un rare « courage de la nuance ».
Pis encore, et loin de se limiter à la réécriture de l’histoire des lettres algériennes, le prix Goncourt 2024 a « révisé » son propre parcours littéraire en expurgeant de sa bibliographie « officielle » Ô Pharaon, ce roman publié en 2005 chez l’éditeur oranais Dar al-Gharb racontant l’histoire d’une ville moyenne de l’Oranie qui, entre 1994 et 1997, a été martyrisée par la milice impitoyable d’un tyran dénommé Pharaon, l’homme fort de « l’État du jour » (le gouvernement et son armée) exerçant une violence démesurée à l’encontre des civils soupçonnés, à tort ou à raison, d’intelligence avec « l’État de la nuit » que représentaient alors les intégristes religieux [7].
Si, en 2005 dans Ô Pharaon, les crimes perpétrés à l’encontre des civils sont majoritairement imputés à l’institution militaire et à sa façade civile, ces mêmes crimes deviennent, en 2024 dans Houris, l’apanage, non seulement de l’intégrisme islamiste, mais de l’islam tout court.
De quoi la censure du SILA 2024 est-elle le nom ?
Comme le prouvent les nombreuses publications qui viennent d’être citées, l’ignoble censure de Kamel Daoud et des éditions Gallimard au SILA ne porte que partiellement sur le contenu documentaire de Houris et l’instrumentalisation fémonationaliste [8] du combat des femmes arabes contre la domination patriarcale. Cette interdiction cible un sur-citoyen-naturalisé ultra chauviniste, l’un des visages franco-algériens de la réaction littéraire et politique en France, récompensé du prix Goncourt 2024 dans le cadre d’une virulente campagne anti-algérienne au sein de laquelle il a joué un rôle majeur.
Je m’oppose radicalement à l’interdiction d’un écrivain dans son pays. Et mon désaccord est total, irréconciliable, avec nombre d’Algériens et de binationaux qui critiquent Kamel Daoud en recourant aux arguments conservateurs et autoritaires du pouvoir algérien (la « haine de soi », la « trahison nationale », le « Parti de la France », « les Algériens de papiers » [9]).
S’acharner sur l’auteur de La Préface du nègre (Barzakh, 2008) et garder le silence sur la censure de maisons d’édition indépendantes comme Koukou ou Tafat au SILA, sur l’exclusion non officielle d’écrivains démocrates et progressistes (de langue arabe et amazighe) de ce grand événement du livre en Algérie, sur la mise sous scellés des librairies [10] est une scandaleuse abdication devant l’arbitraire.
Ce musellement des libertés par les institutions culturelles est une insulte à l’intelligence des citoyens algériens, considérés d’emblée par leurs dirigeants comme une masse d’incultes et de décérébrés qui seraient incapables de lire, de comprendre, d’interpréter et de critiquer subtilement des livres dont l’inconsistance du propos et du contenu épistémique est proverbiale.
Qu’on soit d’accord avec ses positions politiques ou non, qu’on apprécie la lecture de ses romans ou non, Kamel Daoud est un citoyen algérien comme les autres et il a le droit le plus absolu à la libre expression et communication de ses idées et de ses livres. Sa soumission volontaire au conservatisme français relève du débat d’idées, un fait que l’auteur de ces lignes considère comme une double défaite littéraire, intellectuelle et politique : algérienne et française.
Six décennies après l’Indépendance de l’Algérie, il est temps de remplacer l’excommunication hypernationaliste et religieuse par le débat et la controverse où la finesse de l’analyse et la rigueur de l’argumentation remplacent la dénonciation stérile et l’insulte avilissante. On ne construit rien en fermant des librairies, en jetant des écrivains de plus de soixante-dix ans en prison. Ces agissements despotiques ne sont que laideur et vilenie, la faiblesse criante du fort.
La liste de livres qui suit est destinée au lecteur universel [11] qui souhaiterait reprendre son souffle devant le triste spectacle de la mise en vente de la littérature au marché de la soumission volontaire.
Liste non exhaustive de romans et d’essais algériens ayant pour sujet la guerre civile des années 1990 :
En français
Malika Mokeddem, Le Siècle des sauterelles, Paris, Ramsay, 1992.
Rachid Boudjedra, FIS de la haine, Paris, Denoël, 1992 (Alger, ANEP, 2002).
Sabrina Kherbiche, Suture, Alger, Laphomic, 1993
Rachid Mimouni, La Malédiction, Paris, Stock, 1993.
Rachid Mimouni, Chroniques de Tanger, Paris, Stock, 1995.
Malika Mokeddem, Des Rêves et des assassins, Paris, Grasset, 1995.
Lazhari Labter, Journalistes algériens entre le bâillon et les balles, Paris, L’Harmattan, 1995.
Waciny Laârej, Don Quichotte à Alger, Paris, Marsa, 1996 (l’édition arabe de ce roman a été publiée en 1999 à Cologne aux éditions Al-Jamal : حارسةالظلال : دونكيشوتفيالجزائر)
Aziz Chouaki, L’Étoile d’Alger, Paris, Marsa, 1996.
Maïssa Bey, Au Commencement était la mer, Paris, Marsa, 1996.
Assia Djebar, Le Blanc de l’Algérie, Paris, Albin Michel, 1996.
Hafsa Zinaï-Koudil, Sans voix, Paris, Plon, 1997.
Aïssa Khelladi, Peurs et mensonges, Paris, Seuil, 1997.
Maïssa Bey, A Contre Silence, Paris, Paroles d’aube, 1998
Yasmina Khadra, Les Agneaux du Seigneur, Alger, ENAL, 1998.
Mohammed Dib, Si Diable veut, Paris, Albin Michel, 1998
Baya Gacemi, Moi, Nadia, femme d’un émir du GIA, Paris, Seuil, 1998.
Yasmina Khadra, À quoi rêvent les loups, Alger, ENAL, 1999.
Yamina Méchakra, Arris, Paris, Marsa, 1999.
Leïla Marouane, Ravisseur, Paris, Julliard, 1999.
Leïla Marouane, La Fille de la Casbah, Paris, Julliard, 1999.
Khelladi Aïssa, Spoliation, Paris, Marsa, 1999.
Tahar Djaout, Le Dernier été de la Raison, Paris, Seuil, 1999.
Yasmina Khadra, Morituri, Paris, Gallimard, 1999.
Youcef Zirem, L’Âme de Sabrina, Alger, Barzakh, 2000.
Abdelkader Djemaï, Un Été de cendres, Paris, Gallimard, 2000.
Abdelkader Djemaï, 31, rue de l’Aigle, Paris, Gallimard, 2000.
Malika Mokeddem, N’Zid, Paris, Seuil, 2001.
Salim Bachi, Le chien d’Ulysse, Paris, Gallimard, 2001.
Youcef Zirem, La guerre des ombres. Les non-dits d’une tragédie, Bruxelles, GRIP/Complexes, 2002 (essai).
Leïla Aslaoui, Les Jumeaux de la nuit, Alger, Casbah éditions, 2002.
Abdelkrim Djaad, Le fourgon, Alger, Casbah éditions, 2003.
Kamel Daoud, Ô Pharaon, Oran, Dar al-Gharb, 2005.
Lazhari Labter, Journalistes algériens 1988-1998. Chronique des années d’espoir et de terreur, Alger, Chihab éditions, 2005.
Abderrahmane Moussaoui, De la violence en Algérie, Alger, Barzakh, 2006 (ouvrage historique).
Nassira Belloula, Visa pour la haine, Alger, éditions Alpha, 2007.
Youcef Merahi, L’ombre assassine la lumière, Alger, Casbah éditions, 2010.
Samira Guebli, Une balle en tête, Alger, Casbah éditions, 2011.
Mohamed Dorbhan, Les Neufs Jours de l’inspecteur Salaheddine, Alger, Arak, 2011 (le livre de ce journaliste assassiné en 1996, un faux polar situé dans la période des émeutes 1988-1989, dessine avec justesse les signes annonciateurs des tensions de la guerre civile).
Canesi & Rahmani, Siamoises, Alger, Dalimen éditions, 2013
Arezki Mellal, Maintenant, ils peuvent venir, Alger, Barzakh, 2015.
Adlène Meddi, 1994, Alger, Barzakh, 2017.
Canesi & Rahmani, Alger sans Mozart, Alger, Dalimen éditions, 2018.
Rachid Mokhtari, La graphie de l’horreur. Essai sur la littérature algérienne (1990-2000), préface de Rachid Boudjedra, Alger, Chihab éditions, 2019.
Hajar Bali, Ecorces, Alger, Barzakh, 2019.
Canesi & Rahmani, Ultime preuve d’amour, Alger, Dalimen éditions, 2020 (ce roman évoque de façon frontale le massacre de Bentalha).
Abdallah Aggoune, Blouse blanche, zone grise. Décennie noire (préface de Karima Lazali), Alger, Koukou éditions, 2020 (témoignage).
Salima Mimoune, La Pieuvre, Chélif, Les Presses du Chélif, 2021.
Amer Ouali, Le coup d’éclat. De la naissance du FIS aux législatives avortées de 1991, préface de Mustapha Hammouche, Boumerdès, Frantz Fanon, 2021 (essai).
Amer Ouali, La Terreur sainte. Retour sur la décennie noire. Algérie 1991-2002, Paris, Erick Bonnier, 2022 (essai).
Salah Ameziane, Romans algériens au présent. Écrire dans le tournant des XXème et XXIème siècle, préface de Christiane Chaulet-Achour, Boumerdès, Frantz Fanon, 2023 (ouvrage d’histoire littéraire).
Amine Esseghir, Revenir entier. Un appelé dans la guerre contre le terrorisme islamiste en Algérie, Paris, L’Harmattan, 2023.
Amina Damerdji, Bientôt les vivants, Barzakh, 2024 (Gallimard, 2023).
En arabe
Tahar Ouettar, La bougie et le vestibule [الشمعةوالدهاليز], Alger, Manshourat al-Tabyyîn al-Jahidhiyya, 1995.
Jilali Khalas, Tempêtes sur l’île aux oiseaux [عواصفجزيرةالطيور], Alger, Marino, 1998.
Waciny Laredj, Sayyîdat al-Maqâm [سيدةالمقام], Alger, Espace Libre, 2001.
Mohammed Sari, Al Waram [الورم], Alger, Manshourât al-Ikhtilaf, 2002.
Habib Sayah, Tamassikht ou le sang de l’oubli [تماسخت... دمالنسيان], Alger, Casbah éditions, 2002.
Fadila Farouk, T, la lettre de la honte [تاءالخجل], Beyrouth, Riyad Er-Reyyes, 2003 (ce roman parle du viol des Algériennes durant la guerre civile).
Yasmina Saleh, Un pays en verre [وطنمنزجاج], Alger, Manshourat al-Ikhtilaf, 2006.
Merzak Baktache, Le sang de la gazelle [دمالغزال], Alger, Casbah éditions, 2007.
Samir Kacimi, Déclaration de perte [تصريحبضياع], Alger, Manshourat al-Ikhtilaf, 2009.
Habib Sayah, Sur ma main encore le sang des Coupables [مذنبون...لوندمهمفيكفي], Alger, Dar al-Hikma, 2009 (traduit en français par Mohammed Sehaba).
Yasmina Saleh, Lakhdar [لخضر], Beyrouth, Centre des Études Arabes, 2010.
Mohammed Sari, Des citadelles qui s’effondrent [القلاعالمتآكلة], Alger, Barzakh, 2013.
Habib Sayah, La mort à Oran [الموتفيوهران], Alger, Dar Mîm, 2013.
Habib Sayah, Le récit de la montagne [كولونيلالزبربر], Beyrouth, Dar al-Sâqi, 2015.
Habib Sayah, Qui a tué As‘ad al-Marrourî [منقتلأسعدالمروري], Alger, Dar Mîm, 2017 (ce roman raconte l’histoire de l’assassinat du professeur Ahmed Kerroumi).
Faycel Lahmeur, Une heure d’amour et de guerre [ساعةحب،ساعةحرب], Amman, Fadâat éditions, 2018.
Hamid Abdelkader, Un homme de cinquante ans [رجلفيالخمسين], Alger, Barzakh, 2019 (Prix Mohammed Dib 2020).
Faycel Lahmeur, Voies et voix de parleurs [ضميرالمتكلم], Alger, Dar Mîm, 2021.
Habib Sayah, Tibhirine. L’affliction des sept moines [تيبْحِيرِينْمحنةالرهبانالسبعة], Koweït, Takween publishing/Alger, Dar Dhamma, 2022.
Salah Badis, Des choses qui arrivent [هذهأمورتحدث], Milan/Bagdad/Beyrouth, Al Mutawassit, 2019 (traduit de l’arabe au français par Lotfi Nia, Barzakh, 2023).
Mohammed Sari, Mon corps souillé [جسديالمستباح], Milan/Bagdad/Beyrouth, Al Mutawassit, 2023.
In‘âm Bayoud, Houaria [هوارية], Alger, Dar Mîm, 2023.
P.-S. Il serait profitable pour toutes et tous que cette liste soit complétée par les livres publiés en tamazight sur la guerre civile algérienne.
[1] Voir dans Le Point : François-Guillaume Lorrain, « Le nouveau roman de Kamel Daoud brise enfin le tabou de la guerre civile algérienne » (08/08/24) ; « Kamel Daoud publie Houris, roman sur le tabou de la guerre civile algérienne » (13/08/2024), un bref texte non-signé par la rédaction accompagnant une vidéo dans laquelle Kamel Daoud présente Houris (Gallimard, 2024).
[2] Même si Kamel Daoud nie son arabité, comme dans une récente déclaration — « Je ne suis pas arabe. Je suis Algérien, Français et écrivain » — sur un plateau de France 2 (« Quelle époque ! », le 05/10/24), c’est au nom de la vision essentialiste qu’il a de l’arabité et de l’islam que sa parole est légitimée au sein du camp de la réaction et du conservatisme en France.
[3] Le 9 juin 2023, sur les ondes de France Inter, Kamel Daoud a jugé qu’« être Algérien » équivaudrait à « être anti-Français » et que l’accord de 1968 entre la France et l’Algérie, pourtant vidé de toute son effectivité amendement après amendement (voir : The Conversation, « L’accord franco-algérien de 1968 est-il en sursis », 15 août 2023), serait un « droit de cuissage mémoriel [que l’Algérie exercerait] sur la France ». Sur l’immigration, il a affirmé dans le même entretien que les « candidats clandestins à l’immigration » choisiraient la France pour « avoir accès à des aides », parce qu’elle est « un pays qui assiste énormément ».
[4] Les bonnes feuilles de 1994 ont pour titre : « Adlène Meddi — “‘1994’’ : des lycéens dans l’Algérie de la décennie noire » (Le Point, 10/10/18). Et la critique de ce roman est de Julie Malaure, « Adlène Meddi, le roman noir de l’Algérie » (Le Point, 20/09/18).
[5] A rebours des positions du camp de la réaction en Algérie, Kamel Daoud a eu le mérite de soutenir l’écrivaine, dans un post sur X datant du 19 juillet 2024, au milieu de l’offensive réactionnaire et misogyne qu’elle subissait. Mais, comme avec les femmes iraniennes, ce qui l’intéresse, ce n’est pas l’agression en soi, mais l’identité supposée exclusivement musulmane des agresseurs et leur nationalité. Ces réflexes culturalistes qui se croient « féministes » sont massivement présents dans les formations politiques de droite et d’extrêmes droite, obsédées par « l’homme arabe » et sa « pulsion destructrice » qui serait innée.
[6] Oubliant les traités d’érotologie écrits par des savants religieux durant l’âge classique de l’Islam, Kamel Daoud réduit souvent, dans ses écrits et déclarations, la langue arabe à une langue qui serait « piégée par le sacré », incapable de dire le rêve et de célébrer la vie. Cet essentialisme caricatural pourrait être le revers de son incapacité à construire un imaginaire idéologique, politique et littéraire en arabe.
[7] Voir la chronique du sociologue Lahouari Addi, « État du jour contre État de la nuit », dans Le Monde diplomatique (mai 2006): https://www.monde-diplomatique.fr/2006/05/ADDI/13471
[8] Le fémonationalisme est un concept qui désigne l’instrumentalisation des luttes et des acquis féministes à des fins racistes, xénophobes, différentialistes et suprémacistes.
[9]Dixit l’ancien ministre de l’Industrie El Hachemi Djaâboub (2003-2005) sur la chaîne privée Echorouk News le 24/11/2024 : https://www.youtube.com/watch?v=jM2H9rI9g7g
[10] Le 9 décembre 2024 à Tizi Ouzou, l’historique librairie Cheikh, ouverte en 1963, a été fermée par la police au motif kafkaïen de ne pas avoir « la mention des ventes dédicaces sur son registre de commerce ». Ce code, qui n’existe nullement au Centre National du Registre de Commerce (CNRC), est exigé aux libraires selon leur coloration politique et culturelle.
[11] À entendre dans le sens pluraliste que démontrent les travaux de l’historien Antoine Lilti. Son livre incontournable, L’Héritage des Lumières. Ambivalences de la modernité (2019), analyse et démonte le mythe d’un universalisme étroit qui ne serait qu’exclusivement français et ouest-européen (autrement dit, il défait l’hégémonie de l’acception essentialiste de l’universalisme). Voir aussi les interventions du colloque « Lumières multiples » (juin 2023) que cet historien a accueilli au sein de la chaire qu’il occupe au Collège de France : https://www.college-de-france.fr/fr/agenda/colloque/lumieres-multiples.
Crédits photo : Gwenael Piaser, CC BY NC SA 2.0
Par Faris Lounis
Contact : farislounis27@outlook.fr
20 Commentaires
Pierre Delair
13/12/2024 à 15:44
On dirait un article de Jean Kanapa (stalinien grande époque) reprochant à Soljenitsyne de ne pas être le premier à parler du Goulag. D'ailleurs les penseurs "décoloniaux" d'aujourd'hui sont souvent la réplique des staliniens des années 50-60.
Nico
13/12/2024 à 21:08
Commentaire inepte. Ce qui est reproché ici de façon étayée c'est l'enrobage marketing soit-disant tabou et sulfureux de ce brûlot alors que 1) il n'aborde rien que d'autres n'aient déjà traité avant lui 2) il ne fait que s'inscrire dans la dialectique anti-islam et anti-algérienne de l'époque, qui est devenue totalement mainstream. De plus l'article condamne longuement la censure subie par Kamel Daoud en Algérie, on est quand même assez loin du stalinisme...
Gaucho Marx
14/12/2024 à 00:23
On a droit ici à un "oui mais" de toute beauté.
Daoud ne serait pas le premier a avoir osé parlé de la décennie noire.
Terrrrrible attaque.
Pour démonter le discours de Daoud, sur les ravages de l'islam.isme, il y aurait bien un argument tout bête : trouver un pays où l'islam est religion d'Etat et qui soit une démocratie... Chiche ?
Aurelien Terrassier
13/12/2024 à 17:09
Merci pour ce très bon article Faris Lounis.
Aurelien Terrassier
13/12/2024 à 17:20
@Pierre Delair et les penseurs reactionnaires alors n'auraient-ils pas un peu de stalinisme ou de mc carthysme en eux? Autant prendre vos propos comme de l'humour sur Rires et chansons...
Cyril Balcon
14/12/2024 à 01:18
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nathalie
14/12/2024 à 08:16
Très bel article, d'où il ressort que, effectivement, Kamel Daoud a bien été censuré sur son ouvrage ( en même temps qu'interdit au SILA avec d'autres auteurs des éditions Gallimard).
Certes il y a eu des écrits sur l'Algérie, y compris chez des éditeurs algériens, mais ne citez pas dans votre liste complète des écrits datés de 1992 - 1998, ils n'ont rien à voir avec la "décennie noire" visée par l'interdiction d'évocation ( décrétée nettement plus tard) .
Je conclus donc que l'on peut écrire sur la décennie noire quand on écrit "comme il faut", mais pas quand on écrit différemment de ce qui est considéré comme correct .
La dernière question, c'est qui décide du "comme il faut" ?
Falco
14/12/2024 à 09:47
Bonjour
Mais…vous voulez justifier quoi au fait ?
Houris est une daube, je suis d’accord, qui s’appuie eau sur la violation du secret médical d’une victime du terrorisme par un «colonisateur -pilleur de l’état français » tout comme vous d’ailleurs qui venez en France mener tranquillement à l’abri de nos institutions et aides une gueguerre dont on se fout complètement en vous faisant par des intellectuels opposants d’une junte corrompue mais toujours prompts à la défendre comme vous venez de le faire !
Si vous voulez changer l’Algérie et les Algériens allez sur place et battez-vous sur place mais ne venez pas nous faire ch…er avec vos petites histoires qui s’appuient sur un «anticolonialisme »et un discours TOUJOURS anti-France alors même que d’un point de vue sémantique vous êtes des colonisateurs et faites ce que vous reprochez aux ancêtres français qui ont fait en 70 ans passer votre terre à une contrée du 20ème siècle avec des infrastructures (écoles. hôpitaux, routes, etc). D’ailleurs les seuls vestiges dignes d’intérêt dans cette région ce sont ceux qui relèvent de l’occupation romaine puis de l’occupation française , entre les 2 plus de 1000 ans et … que dalle ! Et avant les romains il y avait quoi…. On se demande … et après le départ des français il y a eu quoi ??? Une guerre sans fin menée par le FLN contre sa propre population qui a débuté en 1950 soit il y a 70 ans sans autre création de richesse que celles de la junte au pouvoir tirée de la manne pétrolière et gazière et une immigration/colonisation d’un pays la France que vous accusez à tout bout de champ de tous les maux !
Alors stop à la victimisation française car comme les allemands d’aujourd’hui ne sont pas responsables des exactions de leurs grands-parents les français d’aujourd’hui ne sont en rien responsables des éventuelles exactions de leurs grands-parents et arrière grands-parents qui soit dit en passant l’Algérie en 1948 attire de nombreux migrants, bien au-delà des rivages de la Méditerranée, inscrivant ainsi l’espace algérien dans le contexte des grandes migrations mondiales du xixe siècle. On trouve ainsi des dossiers concernant des maronites du Liban, des catholiques suédois ou encore des coolies chinois. Mais la hargne des algériens se manifeste uniquement envers la France et les français qui ont fourni l’armée et l’administration alors que l’immigration en Afrique du Nord qui comportait alors les protectorats de Tunisie et du Maroc, c’est toute une population européenne et autre qui a migré en Algérie, à partir des années 1830. Le terme d’« Européens » est adapté à la réalité des nationalités diverses (Espagnols, Italiens, Maltais, Sardes, Français, Suisses, Allemands, etc.) qui se retrouvent majoritairement dans la société dite coloniale!
CQFD
M. Farid Lounis est pour mémoire :
« - Diplômé en lettres et en philosophie, est écrivain et journaliste indépendant.
Il vit en France depuis 2018 et écrit pour plusieurs revues et quotidiens algériens et français dont El Watan, Le Matin d'Algérie, Le Comptoir, Orient XXI et ActuaLitté. »
Alors M. Lounis allez avec M. Daoud et tous les autres 5 millions d’algériens « qui colonisent la France et la pillent de ses richesses » mener votre gueguerre sur place et les choses changeront… peut-être … car on a vu et lu vos discours dans les années 1990 ou pour la plupart des algériens dont les « intellectuels algériens » les islamistes (afhghans) étaient alors des «Che Guevara» qui allaient libérer l'Algérie du joug du FLN … le même discours que celui que l’on entends empreint de Taqiyya du côté de la Syrie aujourd’hui , hier en Égypte, en Tunisie , etc lors des « printemps arabes » toujours emprunts de la charria ! « les femmes chez nous ont le droit de sortir sans burka » comme si ceci était une …révolution !
Et ils disent cela au milieu de milliers barbus armés et criant « allah akbar » alors qu’il n’y a aucune femme …
Alors que tous ceux et celles si prompts à condamner les machistes occidentaux pour un sifflet sur une femme, de s’enflammer et de croire que « ceux-ci sont de bons démocrates et que vos pays théocratiques vont devenir des démocraties laïques… je me marre !!!
Merci
Jean Drogo
15/12/2024 à 11:19
Bien envoyé !
Mais j'ai bien peur que pour les adorateurs du fascistoïde pouvoir algérien, la sentence de Proust ne s'applique dans sa totalité :
- Les faits ne pénètrent pas dans le monde où vivent [leurs] croyances, ils n'ont pas fait naître celles-ci, ils ne les détruisent pas.
Dey Bendifallah
14/12/2024 à 20:46
Cet article ne cite pas mon ouvrage intitulé "Le minaret ensanglanté" paru en France en 2003 chez e/Dite puis réédité en 2015 en Algérie chez Sedia Éditions.
Il traite de cette période sanglante et met en exergue les mécanismes à l'œuvre dans le basculement vers l'indicible.
Falco
15/12/2024 à 10:40
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Cyril Balcon
15/12/2024 à 00:35
L'auteur membre de la Stasi "la France islamiste" n'aime pas du tout Kamel Daoud :
https://orientxxi.info/magazine/la-fascination-de-kamel-daoud-pour-l-extreme-droite,7574
et oui il est pas membre de la secte mélenchoniste, un défaut majeur pour un intellectuel progressiste.
Aurelien Terrassier
15/12/2024 à 14:52
Arrêtez de dire "France islamiste" cela fait partie du vocabulaire d'extrême droite Marine Le Pen le reprend parfois c'est profondément insultant et c'est indigne du débat intellectuel contradictoire!
Cyril Balcon
16/12/2024 à 00:05
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Tahar Bouhafs
15/12/2024 à 01:11
Merci pour cette analyse et surtout la liste de romans et d’essais en Algérie sur la décennie noire.
Marie-Noël Arras
15/12/2024 à 12:04
Il manque
"Nouvelles d'Algérie" de Maïssa BEY, (Grasset, 2014) écrit après "Au commencement etait la mer (Algerie Litterature Action/Marsa, 1996) en plein cœur des années de terrorisme islamiste chaque soir après le couvre-feu et après sa journée d'enseignement de la langue française en lycée et ce, sans porter de voile) et
"Puisque mon cœur est mort" de Maïssa BEY en 2010.
Marie-Noël Arras
Éditions Chèvre-feuille étoilée
Stephan A.
15/12/2024 à 12:38
La complaisance de cet article pour le conservatisme islamiste, avec cette notion réactionnaire de "fémonationalisme" bien typique de cette mouvance, et pour les généraux algériens passe l'entendement. Son seul mérite c'est de donner une bibliographie.
Sale campagne contre Daoud vraiment.
Aurelien Terrassier
15/12/2024 à 14:55
Stephan A votre commentaire injurieux et vide de sens, ce qui est indigne du débat intellectuel et contradictoire!
Jean Drogo
15/12/2024 à 20:14
Faut-il vraiment détester la France pour aimer ceux qui la détestent vraiment...
bourbia
22/12/2024 à 12:10
Lila Benzaza née Maata, ''Voyage au bout de l'enfer en Algérie'',