Depuis 25 ans, l'association Lire et faire lire œuvre pour transmettre aux jeunes le plaisir des livres et des mots. Elle propose des séances de lecture à voix haute, animées par des bénévoles de plus de 50 ans, créant ainsi des moments d’échange intergénérationnel riches et précieux. À l’occasion de ce 25ᵉ anniversaire, nous avons invité six bénévoles à témoigner de leur expérience. Joël Billaut, ancien consultant, a accepté de répondre à nos questions.
Le 13/12/2024 à 18:11 par Hocine Bouhadjera
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Publié le :
13/12/2024 à 18:11
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ActuaLitté : Comment a débuté, pour vous, l'aventure Lire et Faire Lire ?
Joël Billaut : Je suis devenu bénévole en janvier 2013, cela fait donc presque 12 ans. J’interviens dans une petite école élémentaire de quelque 120 élèves à Noyelles-lès-Seclin, située à quelques kilomètres de Lille. En voiture, j'entends un appel à la radio d’Alexandre Jardin, fondateur de Lire et Faire Lire, qui lançait une campagne pour recruter des bénévoles. À l’époque, je venais de terminer ma carrière de consultant dans une entreprise de services. Sensible au lien intergénérationnel, j’ai décidé de me lancer. Ayant également été moniteur en colonie de vacances par le passé, l’idée de transmettre le plaisir de la lecture aux enfants m’a immédiatement séduit. J’ai été mis en contact avec la directrice d'école dans laquelle j'officie, par une correspondante de Lire et faire lire.
Après avoir assisté à une journée d’information organisée par Lire et faire lire à Lille lors de ma première année, j’ai suivi des formations, notamment de lecture à haute voix. Cela m’a donné confiance et m’a permis de me lancer rapidement dans les séances. Dès le départ, j’ai été accueilli dans deux classes, des CP et des CE1, à travers des groupes de six enfants. Les enseignants ont parfois souhaité élargir les groupes, mais j’ai insisté pour maintenir ce format restreint, qui permet un véritable échange et une attention individuelle pour chaque enfant.
Comment procédez-vous avec les enfants ?
Joël Billaut : Chaque année, je demande à l’équipe enseignante les thèmes qu’ils abordent en classe, afin d’adapter mes choix de lectures. Au fil des ans, j’ai couvert des sujets variés comme les émotions, ou les Jeux Olympiques, à la découverte des délégations internationales, cette année. Cette année, le premier trimestre est consacré à la nature et à l’environnement. Je sélectionne soigneusement les livres en fonction des âges et des thématiques, en empruntant souvent à la médiathèque proche de chez moi, qui dispose d’un fonds dédié aux albums jeunesse.
Lors des premières séances, je consacre une demi-heure à me présenter et à expliquer ma démarche aux enfants. Chaque année, je commence par partager la lecture d’un album ou d’un petit roman, en instaurant une règle simple : chacun peut s’exprimer librement sur le livre, partager ses impressions ou poser des questions. Ces moments sont riches en échanges et permettent de tisser un véritable lien avec les enfants tout en leur transmettant le plaisir de lire.
Cela évolue par ailleurs d’année en année. Ces dernières années, j’ai remarqué que les enfants ont parfois plus de mal à se concentrer, peut-être à cause des écrans. Cela dépend aussi des âges. Avec le temps, toutes les classes ont réclamé des lectures. Aujourd’hui, en plus de moi, il y a deux autres bénévoles dans mon école. Pour ma part, j’interviens principalement auprès des CP, CE1 et CE2.
Comment transmettez-vous le plaisir de la lecture ?
Joël Billaut : Travailler avec les CP est particulièrement passionnant. À cet âge, les enfants ont une grande curiosité et une soif d’écouter des livres et des albums. Ce qui est essentiel pour moi, c’est de transmettre le goût de la lecture à travers ma propre passion. Quand on lit avec enthousiasme, cela touche les enfants et leur donne envie de découvrir à leur tour.
Il n’est pas rare que des enfants, après une séance, me disent qu’ils se sont inscrits à la médiathèque. Quand cela arrive, je me dis que l’objectif est atteint. Je veille à ne pas transformer ces moments en un prolongement du programme scolaire. L’idée n’est pas de leur faire un cours, mais de transmettre le plaisir pur de la lecture.
Parfois, certains enfants demandent à lire un extrait à haute voix pendant la séance. Bien que cela puisse être une belle initiative, j'essaye de réduire ce genre de situation. Chaque enfant est différent, et les plus timides pourraient se sentir culpabilisés s’ils n’osent pas prendre la parole. Mon approche consiste à respecter leurs réactions et leurs besoins. Je rappelle toujours aux enfants qu’ils ne sont pas obligés de réagir immédiatement. Certains préfèrent venir me parler pendant la récréation.
Quel livre vous a le plus marqué ?
Joël Billaut : Un livre qui m’a particulièrement marqué est Le Livre de la Paix de Todd Parr (Bayard Jeunesse). Avec ses illustrations colorées et ses messages simples, il explique, par des exemples, ce que signifie la paix : faire des amis, écouter toutes sortes de musiques, penser à ceux qu’on aime, lire, etc.
Chaque fois que je partage cet ouvrage avec les enfants, ils réagissent immédiatement. À chaque phrase, ils font des liens avec leur propre vie, leur famille ou leurs ressentis.
Plus largement, durant mon parcours avec Lire et faire lire, j’ai eu l’occasion d’assister à des événements qui incluent des présentations d’ouvrages dans des librairies et médiathèques, pour nous inspirer.
D'autres lectures, comme Je n’ai jamais dit de Didier Jean et Zad (Utopique), touchent profondément les enfants en abordant des témoignages universels et sincères : une dame qui n’a jamais dit « je t’aime » à ses parents, un Américain victime d’une agression, ou un Irakien ayant sauvé un soldat ennemi. Ces récits suscitent des discussions riches et ouvrent les enfants à la complexité des émotions humaines, au-delà d’un monde idéalisé.
Quel impact cet engagement a-t-il eu sur vous et les enfants ?
Joël Billaut : J’ai commencé à 61 ans, et j'ai aujourd'hui 72 ans. Les enfants sont extraordinaires dans leur manière d’accueillir les lecteurs comme moi. J’ai parfois eu la chance de suivre des élèves depuis la grande section jusqu’au CM2. Ces relations prolongées créent un lien particulier. Il m’est même arrivé de croiser un ancien élève, aujourd'hui au collège, qui m’a interpellé : « Joël, tu veux me raconter une histoire ? ». Ces moments-là restent gravés dans ma mémoire.
J’insiste beaucoup, dans les réunions ou les échanges avec Lire et faire lire, sur l’importance d’intervenir dans toutes les classes, pas seulement en maternelle. Bien qu’il y ait de nombreux bénévoles pour les tout-petits, les niveaux plus avancés, comme le CE2, sont plus délaissés. Pourtant, c’est un âge clé, parfois plus complexe, mais crucial. Si nous éveillons la passion pour la lecture chez les plus jeunes, il est essentiel de garantir une continuité pour que cette passion grandisse avec eux.
En tant que bénévole, j’ai aussi découvert une véritable ouverture à toutes les littératures jeunesse. Lors des séances de partage de coups de cœur organisées par Lire et faire lire, nous explorons des livres traitant de sujets très positifs, mais également des œuvres abordant des thèmes plus sensibles ou moins évidents. Cette diversité est essentielle pour offrir aux enfants une vision large et riche de la littérature, et leur permettre de se connecter à des récits qui peuvent toucher différentes facettes de leur vie.
Pour moi, ces moments apportent énormément. Je dis souvent à mon épouse, ainsi qu’aux bénévoles d’autres associations où je suis impliqué, que même si une séance peut être parfois marquée par des problèmes de discipline, j’en ressors toujours satisfait. J’ai l’impression de servir à quelque chose, mais aussi de recevoir beaucoup de la part des enfants. Le lien inter-relationnel qui se crée dans ces moments est précieux.
Nous vivons dans une société où les enfants, et plus largement les individus, sont souvent cloisonnés dans leurs catégories sociales, culturelles, économiques, mais aussi en fonction des classes d'âge. Ces séances permettent d’ouvrir les esprits et de créer des ponts entre les univers. C’est enrichissant pour tout le monde, autant pour les enfants que pour nous, les bénévoles.
À LIRE - Avec Noëlle Boussiron, au cœur de l'éveil littéraire des plus jeunes
Chaque année, les enfants attendent avec impatience le début des séances, de leur lancement en octobre jusqu’à leur conclusion en juin. Ceux qui ont déjà goûté à l’expérience sont toujours heureux d’y revenir, et leur enthousiasme est une source de motivation pour continuer à partager le plaisir de la lecture.
Crédits photo : Joël Billaut
Par Hocine Bouhadjera
Contact : hb@actualitte.com
Paru le 17/08/2016
40 pages
Bayard
11,90 €
Paru le 05/02/2020
48 pages
Utopique
17,00 €
1 Commentaire
Marie
14/12/2024 à 08:02
Sûr, expérience à l'appui.