Jouer ou ne pas jouer, telle est la question... Confrontés aux obligations sanitaires durant la pandémie de Covid-19, les acteurs britanniques Sam Crane et Mark Oosterveen s'interrogent quant à l'avenir des représentations théâtrales. Face à l'inconnu, ils se tournent vers le virtuel, alors devenu un lien indispensable, et s'efforcent de monter la pièce Hamlet, de William Shakespeare, dans le célèbre jeu vidéo GTA V...
Sorti en 2013, le jeu vidéo GTA V (ou Grand Theft Auto V) a marqué plusieurs générations de joueurs par l'immersion qu'il offre, dans un monde plutôt réaliste, inspiré de Los Angeles et des collines hollywoodiennes. Son scénario, qui mêle braquages haletants et fusillades sanglantes, profite de ce vaste terrain de jeu pour dérouler un récit plein de rebondissements, dans lequel trois personnages se croisent, s'entraident ou se déchirent.
Doté d'un budget impressionnant de 265 millions $, GTA V est largement rentré dans ses frais, pour son éditeur Rockstar Games, qui en a écoulé plus de 205 millions d'exemplaires depuis sa sortie... Le jeu dispose d'un mode en ligne, qui permet aux utilisateurs de s'affronter, de collaborer, mais aussi de réaliser des défis loufoques...
En janvier 2021, le Royaume-Uni connait sa troisième période de confinement, et les théâtres restent fermés. Les captations de pièces permettent aux passionnés de prendre leur mal en patience, mais deux acteurs, Sam Crane et Mark Oosterveen, rongent leur frein. Le premier angoisse à l'idée de ne plus pouvoir subvenir aux besoins de sa famille, quand le second se sent de plus en plus isolé.
Tous deux trouvent un exutoire dans GTA Online, le mode en ligne de GTA V. Au volant de bolides fuselés, derrière des armes automatiques, ils laissent leur frustration s'exprimer. Se retrouvant devant un théâtre, dans le jeu, au cours d'une session, ils se lancent dans un projet pour le moins étrange : jouer Hamlet à Vinewood, la ville fictive de GTA V.
La réalisatrice Pinny Grylls, compagne de Sam Crane, les rejoint dans cette aventure, avec l'envie d'enregistrer les hauts et les bas de cette entreprise virtuelle, qui engage pour autant des personnes en chair et en os.
« Voici Hamlet, de Shakespeare. Je crois que c'est la première fois que cette pièce sera jouée au sein de l'amphithéâtre de Vinewood », lance avec émotion Sam Crane dans le jeu. Avant de prévenir : « Je me permets juste de vous demander de ne pas vous entretuer. » Alors que son avatar est propulsé hors de la scène par un tir, il ajoute : « Ou de tuer les acteurs. »
Toutes les étapes d'une représentation théâtre dans le monde tangible se retrouvent dans l'espace virtuel : des auditions ont ainsi été menées par Sam Crane et Mark Oosterveen, sous le regard de Pinny Grylls. Des joueurs du monde entier se sont manifestés, prenant au sérieux la lecture du texte de William Shakespeare à travers leur micro.
ParTeb, un de ces joueurs, est apparu sous les traits d'une étrange créature verte, avant de déclamer une prière islamique en anglais, raconte la BBC. Il deviendra au fil des répétitions une sorte de garde du corps de la troupe, protégeant les acteurs et actrices des attaques d'autres joueurs peu respectueux des sonnets de Shakespeare.
Pinny Grylls a monté un documentaire, Grand Theft Hamlet, retraçant l'épopée : si la pièce de Shakespeare y occupe une belle place, le long-métrage rend surtout compte des coulisses, à un moment où l'humanité s'interroge sur son avenir commun.
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Des tensions apparaissent parfois, entre Sam Crane et Pinny Grylls, la seconde reprochant au premier de trop s'investir dans son projet vidéoludique. Quand Crane émet des doutes auprès de Mark Oosterveen, suggérant un retour vers la vie « réelle », ce dernier lâche : « Tu as une femme, des enfants... Je n'ai rien de tout ça. » La représentation, aussi virtuelle soit-elle, est une bouée concrète dans un océan d'incertitudes.
Présenté dans plusieurs festivals, Grand Theft Hamlet devrait prochainement être diffusé sur la plateforme MUBI, aux États-Unis, et même projeté dans quelques salles britanniques.
Photographie : Grand Theft Hamlet
Par Antoine Oury
Contact : ao@actualitte.com
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