Au sein du panorama des coupes budgétaires opérées par la région Pays de la Loire, les éditions 303 ont décroché le triste titre de structure la plus touchée, pour le secteur du livre. La subvention de 319.200 € reçue en 2024 sera en effet réduite de moitié en 2025, avant une suppression en 2026. La maison, qui publie des ouvrages et la revue trimestrielle 303 arts, recherches, créations, voit ses 5 CDI menacés, ainsi que son activité remise en cause.
Le 11/12/2024 à 09:04 par Antoine Oury
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11/12/2024 à 09:04
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Depuis le mois d'octobre, les acteurs culturels de la région Pays de la Loire vivent dans la crainte du fameux courrier de la collectivité publique, celui qui annonce un désengagement l'année prochaine. La présidente de région, Christelle Morançais, également vice-présidente du parti Horizons d'Édouard Philippe, a fait le choix de réduire drastiquement les dépenses.
Si le gouvernement réclamait un sérieux effort aux collectivités locales, à hauteur de 40 millions €, Christelle Morançais y a ajouté 60 millions € supplémentaires, en rognant notamment sur le budget consacré à la culture. Ce dernier n'a pas été présenté dans le détail, mais la réduction serait estimée à 66 % du montant de 2024, au moins.
Ce courrier de la région, les éditions 303 l'ont reçu le 5 décembre dernier. Il annonce à la structure associative une subvention régionale réduite de moitié l'année prochaine, puis totalement supprimée en 2026. « À partir d'octobre, nous avions entendu des bruits de couloir, tous plus inquiétants les uns que les autres, qui suggéraient des coupes », se souvient Aurélie Guitton, directrice des éditions 303 depuis 2013.
Rien ne laissait imaginer une diminution du soutien financier de cette ampleur, tandis qu'une « annonce comme celle-ci laisse peu de temps pour mettre en place un nouveau modèle économique », déplore-t-elle.
Comme tous les acteurs culturels pris au dépourvu par les coupes budgétaires ligériennes, les éditions 303 n'ont eu droit à aucune concertation avec les représentants régionaux : en juillet dernier, un rendez-vous avec la direction de la culture avait permis d'évoquer quelques économies en vue, mais rien d'aussi drastique.
D'autant plus que les éditions 303 sont « directement en lien avec la région », rappelle Aurélie Guitton, « dont le soutien permet l'existence même de la revue 303 ». Outre cette publication trimestrielle, 303 coédite depuis 2014 des livres avec plusieurs structures des Pays de la Loire, dont le département de Maine-et-Loire, les musées et le château d’Angers, le Fonds Régional d’Art Contemporain ou encore... le Conseil régional.
Ce vendredi 6 décembre, une assemblée générale de l'association a permis d'en réunir les adhérents, les partenaires et les membres du conseil d'administration, dont un représentant de la région Pays de la Loire, Armel Pécheul.
Aurélie Guitton nous indique avoir présenté à cette occasion deux budgets prévisionnels pour 2025 : « Un en déficit, avec la partie manquante de la subvention, et l’autre avec la subvention reconduite, qui permet de rester à l'équilibre. J'ai aussi rappelé le contexte politique, avec la censure du gouvernement et les attentes budgétaires modifiées en conséquence. Mais Armel Pécheul a indiqué que cela ne remettait pas en question le projet concernant le budget 2025 de la région. »
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En soutien à 303, des lecteurs de la revue s'étaient déplacés, ainsi que des collaborateurs professionnels, des représentants de Mobilis, le pôle livre et lecture, des élus de l’opposition comme de la majorité, des artistes, des écrivains et « même notre imprimeur », ajoute la directrice de la maison d'édition. Mais le représentant de la région s'est montré inflexible : « Nous étions face à un mur », indique-t-elle.
La disparition de la subvention régionale réduirait les possibilités à la maison d'édition associative. Ce soutien peut en représenter entre 40 et 60 % du budget de fonctionnement et la baisse envisagée l'année prochaine « nous laisserait de quoi tenir un trimestre avant le licenciement de l'équipe complète », avance Aurélie Guitton. Les locaux de l'association sont aussi mis gracieusement à disposition par la région, mais valorisés d'un point de vue budgétaire.
Le prochain numéro de la revue, prévu pour le mois de janvier prochain, part en impression d'ici quelques semaines, avec des dépenses d'ores et déjà engagées. Un hors-série de 256 pages consacré à la bande dessinée, en préparation depuis un an et demi, sera diffusé dès le mois d'avril 2025, avec des réalisations inédites de nombreux auteurs et autrices de la région, invités à s'exprimer sur leur lien avec la Loire.
Outre la possible disparition des publications et des emplois, Aurélie Guitton pointe la perte d'un support pour le travail d'auteurs, de dessinateurs, de chercheurs et plus généralement d'artistes, notamment des plasticiens ou des photographes, que la structure sollicitait régulièrement — un réseau de 200 professionnels tout de même. Sans compter les correcteurs, photograveurs et imprimeurs... « Si l'on excepte nos salaires, l'intégralité de cette subvention est redistribuée sur le territoire, ce qui représente un sérieux manque à gagner pour les métiers de l'art et de la culture », rappelle la directrice de 303.
Créée en 1984 sous l’impulsion d’Olivier Guichard, la revue, comme la maison d'édition à sa suite, participe depuis des années au rayonnement de la région, en mettant en avant sa richesse patrimoniale et ses expressions artistiques, mais aussi « en s'adressant à des personnes extérieures aux Pays de la Loire, grâce à des approches thématiques ». Elle est même « l’un des quatre piliers fondateurs de la politique culturelle des Pays de la Loire, aux côtés de l’Orchestre national des Pays de la Loire, de l’Abbaye Royale de Fontevraud et du Théâtre Régional des Pays de la Loire », rappelle la maison d'édition.
Outre l'attention portée à la rédaction de la revue, « s'inscrit aussi dans son ADN le soin accordé à la réalisation », souligne Aurélie Guitton : « Nous ne faisons pas l’économie de la relecture-correction, de la préparation de copie, d'un travail de photogravure, d'une impression sur un beau papier. Par ailleurs, nous nous efforçons de rémunérer tous les collaborateurs le mieux possible, et nous faisons le choix d’imprimer à moins de 100 km de nos bureaux, pour contrôler et faire des ajustements, mais aussi obéir à une certaine déontologie. Nous avons une responsabilité écologique et économique par rapport aux territoires. »
La qualité des publications assure leur diffusion dans des librairies et institutions francophones du monde entier, quand les éditions 303 sont présentes à plusieurs événements d'envergure, comme le Salon de la revue, à Paris, le Congrès international d'Histoire de l’art à Lyon, ou les Rendez-vous de l’Histoire de Blois... Une suppression de la subvention priverait ainsi le territoire d'une certaine exposition.
« Une décision comme celle-ci, qui équivaut à une mise à mort de l'association, met en péril la diffusion du catalogue, en plus des nouveaux titres », rappelle la directrice de la maison d'édition. 40 années de publications risquent de disparaitre purement et simplement.
Le budget 2025 de la région Pays de la Loire sera soumis au vote du Conseil régional les 19 et 20 décembre prochains. D'ici là, les acteurs culturels tentent de faire pencher la balance en leur faveur, en diffusant les informations sur les conséquences de ces coupes budgétaires et en participant à des manifestations, comme à Nantes, le 5 décembre dernier.
« Il y a une dizaine de jours, nous avons fait partir des courriers personnalisés à destination de beaucoup d’élus du Conseil régional, des maires de la région, des députés, sénateurs, préfets, en demandant un soutien de quelque nature qu’il soit », nous indique Aurélie Guitton. Des réponses ont été reçues, y compris d'élus du Conseil régional, mais uniquement de l'opposition. Or, cette dernière reste minoritaire au sein de l'assemblée délibérante.
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En attendant les dates décisives des 19 et 20 décembre prochains, les éditions 303 poursuivront leur exercice de défense des activités et acteurs culturels régionaux, aux côtés d'autres partenaires.
Photographie : Éditions 303
Par Antoine Oury
Contact : ao@actualitte.com
6 Commentaires
Aurelien Terrassier
11/12/2024 à 11:06
Imaginons deux secondes si Christelle Morancais venait succeder à Rachida Dati en tant que ministre de la culture, là les artistes, les libraires et bien d'autres parmi les intermittents du spectacle seraient dans la rue avec le mouvement social actuel des professeurs et cheminots grévistes et les députés du Nfp prépareraient une nouvelle motion de censure qui serait adoptée pour le coup. Non la culture ne peut et ne doit pas être au rabais que ça soit au niveau régional voir national et là cela serait cent milliards de fois plus catastrophique ça ne se négocie pas!
Helmut Nowak
11/12/2024 à 19:49
Apparemment cette maison d'édition qui a un statut privé (associatif) ne peut survivre sans financement public. Je serais curieux de connaître le point de vue des éditeurs sous statut d'entreprise, y compris ceux de la région, qui peuvent postuler à des titres divers à des aides à leur publications au coup par coup (CNL etc) et peuvent éventuellement bénéficier d'un cofinancement quand ils se lancent dans des co-éditions avec des collectivités , mais pas d'une assurance vie de la sorte. Qu'est ce qui justifie cettre situation de rente pendant des décennies qui ressemble fort à une rupture d'égalité et de concurrence ?
JD
13/12/2024 à 21:07
Vous avez écrit "concurrence"... mais à vous lire j'ai cru comprendre c.n, c.l, rance.
En route vers l'abominable ?
Jean Drogo
12/12/2024 à 00:00
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GG
12/12/2024 à 08:41
Il manque deux infos essentielles dans votre article : le tirage et le nombre d'exemplaires vendus. Il est possible d'adapter le tirage et la diffusion au budget, voire d'augmenter le prix de vente et le nombre de pages de publicité. La plupart des revues et magazines s'en sortent de cette façon, sans aucune subvention.
Falco
12/12/2024 à 09:24
320 000€ de subvention pour une revue que PERSONNE ne lit et que même écologiquement est une honte! A une époque où le ce type de magazine et d’articles fait florès sur les réseaux sociaux continuer d’abreuver des structures sans autre intérêt que d’y placer avec bienveillance pour ne pas parler de corruption des amis ou de la famille d’élus payés grassement avec l’argent du contribuable est une honte! Quel tirage ? Quelles ventes RÉELLES EN KIOSQUE ? Combien d’abonnements privés pas ceux payés avec l’argent du contribuable !
La seule fois où j’ai acheté un de ces magazines ce fut en solde chez Maxi-Livres il y a 20 ans!
Si ce type de magazines a un public pour sur qu’il vont s’abonner ou contribuer via Ulule à son financement qui ressemble plus au tonneau des danaïdes qu’à une aventure industrielle ! On a plus les moyens de telles conneries n’en déplaise aux syndicalistes trotskistes lfistes qui peuple les commentaires d’Actualité!
Merci
Allez les gauchos trotskistes lâchez vous! Ce n’est pas de votre pognon dont on parle ici mais de celui de ceux qui payent des impôts et des taxes!
Bande de nazes inutiles!