La Coalition pour la Libération de Narges salue la libération temporaire de Narges Mohammadi, lauréate du Prix Nobel de la Paix 2023, qui a été transférée de la prison d'Evin, en Iran, à son domicile le 4 décembre. Si elle bénéficie d'une suspension de sa peine de 21 jours, soit un petit répit, elle est inférieure à la promesse initiale des autorités, qui avaient évoqué une suspension d'un mois. Et bien loin des trois mois recommandés par son médecin pour un congé médical...
Le 05/12/2024 à 17:18 par Hocine Bouhadjera
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05/12/2024 à 17:18
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Récemment, Narges Mohammadi a subi une intervention chirurgicale complexe pour retirer une lésion osseuse dans sa jambe, suspectée d'être cancéreuse, tout en étant confrontée à plusieurs autres problèmes de santé aggravés par sa longue détention.
L’Iranienne Narges Mohammadi, Prix Nobel de la paix, emprisonnée dans la prison d'Evin à Téhéran a été libérée – sous caution – pour trois semaines. Très malade, elle a officiellement été libérée pour raisons de santé, mais ses proches y voient aussi des raisons plus politiques.
Dans le contexte international actuel, le régime semble vouloir projeter l'image, entre autres, d'un gouvernement plus attentif aux conditions de détention.
Le Comité directeur de la Coalition pour la Libération de Narges a exprimé son soulagement, soulignant que la libération est intervenue « quelques jours après le 18e anniversaire de ses enfants jumeaux, et moins d'une semaine avant l'anniversaire de la cérémonie de remise du Prix Nobel de la Paix, qui s'était tenue l'année dernière en son absence ». Et de confier : « Nous sommes extrêmement soulagés par sa libération et voyons cette pause temporaire comme un premier pas important et nécessaire dans sa guérison. »
Le médecin de l'Iranienne recommande cependant un congé médical de trois mois, afin qu'elle puisse recevoir les soins appropriés pour ses problèmes de santé persistants. En conséquence, le comité appelle les autorités judiciaires à respecter les conseils des experts médicaux iraniens et à accorder à Narges Mohammadi l'accès aux traitements médicaux nécessaires et au temps de récupération suffisant. « Nous continuons également à appeler à sa libération complète et inconditionnelle, en soulignant que le journalisme et la défense des droits humains ne doivent jamais être considérés comme des crimes passibles de prison », rappelle-t-il.
« On n'est pas dupe du fait que ces libérations-là arrivent de façon tout à fait opportune pour donner des gages à la communauté internationale pour normaliser les relations de Téhéran à l'heure où, au Moyen-Orient, c'est le chaos et que le régime iranien n'est pas pour rien dans cette déstabilisation de l'ordre mondial », explique de son côté Chirinne Ardakani, l'avocate de Narges Mohammadi en France, repris par RFI. Et d'ajouter : « Nous ne sommes pas dupes de ces opérations-là et on sait qu'il y a aujourd'hui une répression qui continue de se poursuivre à l'encontre des Iraniennes, des Iraniens et de tous les prisonniers d'opinion en Iran. »
Ali Rahmani, le fils de Narges Mohammadi, qui réside en France, a de son côté enfin pu échanger quelques mots avec sa mère, après deux longues années de silence. Il est formel : elle renonce à aucun de ses engagements, malgré les conditions difficiles de sa détention : « Elle m'a dit qu’il y a trois choses qui sont les plus importantes et qui doivent être répétées à tout prix. La première chose, c'est que lorsqu'elle a quitté la prison d’Evin, elle l'a quitté avec le slogan "Femme, vie, liberté" ; elle a quitté la prison d'Evin sans le voile obligatoire ; et qu’elle ne reculera devant rien et se battra toujours contre la République islamique d'Iran, tant que l'apartheid du genre n'est pas reconnu comme un crime universel dans le monde entier et que la peine de mort n'est pas abolie en Iran. »
Et de continuer, rassurant : « Elle était très contente, très joyeuse, elle avait beaucoup d'énergie. (...) Pour elle, ce combat, c'est toute sa vie. Connaissant ma mère, elle ne regrettera rien », conclut Ali Rahmani.
Le 18 novembre dernier, avant la session préliminaire de la société civile à Genève, qui a marqué le début de l'examen de l'Iran sous le mécanisme de l'Examen Périodique Universel (EPU) du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, plus de 45 organisations de la société civile, dirigées par la Coalition pour la Libération de Narges, ont lancé un appel pour un soutien international urgent en faveur de Narges Mohammadi.
Elles ont exhorté le Conseil des droits de l'homme de l'ONU et d'autres parties prenantes internationales à demander aux autorités iraniennes de lui accorder un congé médical humanitaire, afin qu'elle puisse recevoir des soins essentiels pour ses conditions médicales graves, y compris pour sa récupération post-chirurgicale après une intervention importante à la mi-novembre. Le Rapporteur spécial de l'ONU pour l'Iran, Mai Sato, et la Mission d'enquête de l'ONU sur l'Iran ont exprimé des préoccupations quant à la santé de l'Iranienne, appelant à sa libération comme geste humanitaire.
Narges Mohammadi, militante des droits humains, journaliste, auteure, vice-directrice et porte-parole du Centre des Défenseurs des Droits de l'Homme (DHRC) en Iran, a passé plus de 10 ans de sa vie en prison. Sa détention actuelle a commencé en novembre 2021, et elle purge actuellement des peines totalisant 13 ans et neuf mois pour des accusations telles que « activité de propagande contre l'État » et « collusion contre la sécurité de l'État ».
Emprisonnée à la prison d'Evin depuis novembre 2021, le 19 octobre 2024, Narges Mohammadi a vu sa peine de prison prolongée de six mois de prison, par une cour criminelle de Qods. Une décision qui survenait alors que l'administration pénitentiaire continuait de lui refuser l'accès aux soins médicaux.
En mars 2024, un examen médical, une angiographie, avait été prescrit pour surveiller l’évolution de son état de santé. En 2021, Narges Mohammadi avait subi une intervention chirurgicale lourde pour la pose d'un stent après qu'une artère principale de son cœur ait été obstruée à 75 %.
L'autrice et militante iranienne, incarcérée depuis plusieurs années, demeure une cible privilégiée des autorités de la République islamique. Depuis son incarcération à la prison d'Evin, elle a fait face à une série de procès. Malgré cette épreuve, l'Iranienne continue de défendre ses convictions depuis sa cellule.
En août dernier, avec d'autres prisonnières, elle a participé à une manifestation pacifique dénonçant l'exécution d'un opposant politique, ce qui a entraîné un passage à tabac par les gardiens de la prison d'Evin et, désormais, une nouvelle condamnation pour « désobéissance et résistance aux ordres ».
Cet examen a été refusé à trois reprises par l'administration pénitentiaire, les 10 et 17 septembre, ainsi que le 1er octobre. Un rapport médical daté du 16 septembre avait également exprimé de vives inquiétudes quant aux possibles complications de santé de Mohammadi.
Elle a été reconnue à l'échelle internationale pour son engagement inébranlable en faveur des droits humains, recevant de nombreux prix, dont le Prix Nobel de la Paix 2023, le Prix mondial de la liberté de la presse UNESCO/Guillermo Cano 2023, le Prix PEN/Barbey de la liberté d'écrire 2023 et le Prix Reporters sans frontières de la courage 2022.
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L'Iran, selon le Freedom to Write Index de l'ONG PEN America, se classe au deuxième rang mondial pour les emprisonnements d'auteurs. Au moins 49 auteurs sont actuellement incarcérés dans les prisons iraniennes. Fait particulièrement notable, l'Iran est le pays qui emprisonne le plus grand nombre d'autrices, avec 15 femmes privées de liberté pour leurs activités littéraires ou militantes.
Narges Mohammadi, lauréate du Prix Nobel de la Paix, reste un symbole de la résistance face à l'oppression. Ses conditions de détention, son combat pour la justice et son engagement inébranlable pour les droits humains continuent de susciter l'indignation et l'appel à la mobilisation internationale.
Photographie : Narges Mohammadi (Voice of America, domaine public)
Par Hocine Bouhadjera
Contact : hb@actualitte.com
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