« Face à la montée des cas d'atteintes à la liberté de création artistique, Mme Rachida Dati, ministre de la Culture, s'est engagée à lutter contre toute forme de censure et réaffirme son soutien aux artistes par un plan pour la liberté de création artistique », peut-on lire dans un communiqué du ministère. À cette fin, la maire du 7e arrondissement de Paris annonce un plan en faveur de la liberté de création artistique.
Le 04/12/2024 à 18:07 par Hocine Bouhadjera
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04/12/2024 à 18:07
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En 2025, plusieurs mesures seront, en effet, mises en place pour renforcer la protection de la liberté de création et de diffusion dans le domaine culturel, annonce rue de Valois.
Ce plan s’articule autour de trois axes principaux : organiser de manière plus efficace la remontée des atteintes à la liberté de création, de diffusion et de programmation artistique, améliorer l’information destinée aux artistes et aux professionnels de la culture, et mobiliser l’ensemble des acteurs concernés, afin de faire du respect de la liberté de création « soit un enjeu compris et partagé dans l'ensemble de notre société ».
Tout d'abord, le ministère de la Culture procédera à la nomination d'un haut fonctionnaire spécifiquement chargé de la liberté de création.
Cette nouvelle fonction aura pour mission d'accompagner les acteurs culturels « confrontés à des difficultés et de coordonner les actions politiques en faveur de la liberté de création et de diffusion ». Ce responsable sera un interlocuteur pour soutenir les initiatives culturelles tout en garantissant le respect des principes fondamentaux de liberté artistique, garantie par l'article 1º de la loi de 2016 relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine.
L'article établit que la liberté de création artistique est un principe fondamental, garantissant à chaque individu la possibilité de s’exprimer librement par l’art, sans entrave ni censure. Il reconnaît également que la création artistique participe à la diversité culturelle et à la préservation du patrimoine. L'État est ainsi chargé de protéger et de promouvoir cette liberté, en assurant un cadre favorable à l'exercice de la création artistique, tout en respectant les principes de pluralisme et d'égalité.
Des limites législatives existent néanmoins, notamment pour préserver l’ordre public et protéger la dignité humaine. Les œuvres artistiques incitant à la haine, à la violence ou à la discrimination, telles que le racisme ou l'antisémitisme, sont interdites par la législation. De même, la protection de la vie privée et des mineurs impose des restrictions, interdisant notamment la diffusion de contenus inappropriés ou violents. La négation des crimes contre l'humanité et la diffusion de discours révisionnistes sont également sanctionnées.
Afin de rendre la lutte contre les atteintes à la liberté de création encore plus efficace, des référents pour la liberté de création seront par ailleurs désignés au sein de chaque Direction régionale des affaires culturelles (DRAC). Ils auront pour mission d’accompagner les acteurs territoriaux, de renforcer la sensibilisation aux enjeux liés à la liberté de création, et de favoriser une réactivité rapide face aux situations concrètes. Cette mesure vise à constituer un réseau national d’experts, capable d’apporter des solutions concrètes et adaptées aux défis rencontrés par les artistes et les professionnels de la culture.
Pour répondre de manière plus harmonisée aux besoins des créateurs étrangers en danger, un comité de coordination des structures culturelles françaises de soutien aux artistes en exil sera mis en place. Il aura pour but d’améliorer l’accueil et l’accompagnement des artistes exilés, en leur offrant un soutien approprié et en facilitant leur intégration dans le paysage culturel français.
Afin d'améliorer l'information et l'accompagnement des artistes et des professionnels de la culture, mais aussi impliquer toutes les parties prenantes dans la défense de la liberté de création et de diffusion artistiques, le ministère de la Culture prévoit la publication au printemps d’un « guide juridique et pratique », destiné à aider l’ensemble des acteurs face aux atteintes à la liberté de création et de diffusion. Il « visera à apporter des réponses concrètes aux enjeux rencontrés par les professionnels ».
Dans le cadre du soutien à l’Observatoire de la liberté de création, une « convention pluriannuelle » sera mise en place pour « renforcer ses missions de veille, d’observation et d’accompagnement des professionnels ». Par ailleurs, des formations spécifiques, en partenariat avec l’Afdas, seront organisées pour les dirigeants de lieux de création et de diffusion, afin de « les sensibiliser aux enjeux juridiques et éthiques liés à la liberté de création ».
Enfin, dans l'optique de renforcer le dialogue interministériel et territorial, seront mises en oeuvre en 2025, « une sensibilisation des différentes administrations à la liberté de création et de diffusion ». Mais aussi une « veille active sur les cas d’atteinte à la liberté de création » sera instaurée en collaboration avec les associations représentatives d’élus et les collectivités territoriales. Elle aura pour but de repérer rapidement toute situation compromettant la liberté artistique et d’y répondre de manière appropriée.
« Une clause sur la liberté de création et de diffusion artistiques » sera intégrée dans les dispositifs contractuels du ministère, notamment dans les contrats de territoire pour la création artistique, où cette liberté aura « une place centrale ».
« Ces dernières années et ces derniers mois en particulier, les atteintes aux libertés de création, de diffusion et de programmation artistiques se sont multipliées : empêchement d'accès des publics aux œuvres, déprogrammations, actes de vandalisme, menaces et cyberharcèlement contre des artistes, etc. », partage le ministère.
Et de développer : « Elles conduisent progressivement à de nouvelles formes d’autocensure des acteurs culturels et constituent des menaces inacceptables pour la diversité et la richesse artistiques de notre pays. »
« L'art, c'est la liberté. S'il est attaqué, ce n'est pas uniquement la liberté de l'artiste qui est en jeu mais bien la nôtre, celle de toutes les Françaises et de tous les Français. L'art est un outil democratique. oui permet de penser et de s'émanciper. Empêcher l'accès à un spectacle, à une exposition, a une œuvre, c'est mettre en péril notre modèle de société et notre démocratie », conclut Rachida Dati.
Côté littérature, le Prix Goncourt des Lycéens 2024 a récemment suscité une vive polémique après que l’association SOS Éducation, associée à l’extrême droite, ait accusé Le Club des enfants perdus de Rebecca Lighieri (P.O.L) d’être « pornographique et psychiquement dangereux ». Cette organisation a critiqué certaines scènes jugées inappropriées pour un public lycéen, évoquant notamment un « environnement incestuel » et des pratiques sexuelles explicites, et a réclamé la mise en place d’une commission de contrôle pour les livres sélectionnés.
Ce roman, qui aborde des relations familiales dysfonctionnelles et traite de thèmes sensibles, a pourtant fait partie de la sélection de l’Académie Goncourt, laquelle reflète, selon le ministère de l’Éducation nationale, la diversité et la complexité de la société contemporaine. Le ministère a insisté sur le rôle de médiation des enseignants pour accompagner les élèves dans la lecture, tout en réaffirmant le droit des lycéens de ne pas lire certaines œuvres. Malgré ces critiques, le roman de Rebecca Lighieri a été retenu parmi les finalistes du prix.
En outre, la ministre de la Culture envisage toujours une réforme du Pass Culture, avec deux missions spécifiques : l'une visant à ouvrir les crédits à d’autres secteurs, notamment le spectacle vivant, et l’autre à évaluer l’impact du Pass sur le secteur du livre.
Cependant, plusieurs organisations professionnelles, dont le Syndicat national de l'édition, le Syndicat de la librairie française et le Conseil permanent des écrivains, ont exprimé leurs préoccupations. Selon eux, cette réforme pourrait constituer une rupture avec l’esprit initial du Pass Culture, soulignant que l’engouement des jeunes pour les livres, qui s’est diversifié au fil du temps, pourrait être affecté négativement par une réduction du crédit.
Les conséquences de ces réformes potentielles sont jugées préoccupantes par l’industrie du livre. D’autant que les crédits alloués au Pass Culture sont en baisse : 74,55 millions d’euros pour 2025, contre 100 millions en 2023. Certains se demandent pourquoi le Pass, qui a porté des résultats positifs, est aujourd’hui sous revue, avec des pistes comme la condition de ressources ou une réallocation du crédit vers le spectacle vivant. Une évolution qui pourrait avoir des répercussions dramatiques sur l’édition, notamment sur les librairies et l’édition indépendante.
Rachida Dati est mise en examen depuis 2021 pour « corruption passive » et « trafic d’influence passif » pendant son mandat de députée européenne (2009-2019). Elle est accusée d’avoir fait du lobbying pour Renault-Nissan tout en étant officiellement avocate, en recevant 900.000 € pour des missions liées à l’expansion internationale du groupe. Les enquêteurs ont révélé des irrégularités dans les documents de ses prestations, et certains témoins ont nié être au courant de son intervention. Malgré ses tentatives pour clore l’enquête sur la base de la prescription, la Cour d'appel a rejeté ses recours.
En novembre 2024, le Parquet national financier a estimé que les éléments justifiaient un procès, et les juges d’instruction devront décider du renvoi en correctionnelle. Rachida Dati a qualifié ce réquisitoire d'« infamant » et de « choquant », affirmant que son contrat était connu de Renault-Nissan, bien que plusieurs témoins l’aient contesté. Elle évoque une instrumentalisation politique de l’affaire.
Photographie : Rachida Dati (Laurent Vu, CC BY SA 3.0) et l'entrée du ministère de la Culture (ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
Par Hocine Bouhadjera
Contact : hb@actualitte.com
2 Commentaires
Jean Drogo
05/12/2024 à 08:32
In cauda venenum !
New Paradigm
05/12/2024 à 16:17
Le seul exemple de « velléité de censure » évoquée concerne donc un public faisant l’objet d’une réglementation spéciale (pour ne pas dire censure administrative), à savoir la jeunesse.
Par ailleurs, la non-diffusion ou non-présentation d’ouvrage par un distributeur pourra-t-elle être signalée aux DRAC ?