« Voilà à quoi va ressembler le Magritte flamand… », a découvert l'écrivaine Nadine Monfils, évoquant la nouvelle série This Is Not a Murder Mystery, dans laquelle un certain René Magritte mène l'enquête. Problème : l'autrice a écrit une série de romans à partir de 2021, publiée chez Robert Laffont, Les Folles Enquêtes de Magritte et Georgette... Celle qui explique avoir déjà subi une reprise flagrante d'un de ses romans, se dit « vraiment en colère », et cette fois, « a décidé de se battre ».
Le 28/11/2024 à 14:38 par Hocine Bouhadjera
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28/11/2024 à 14:38
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« Je n’ai rien contre les Flamands, au contraire ! Ma grand-mère était flamande et mon autre grand-mère wallonne. Mais je déteste les gens malhonnêtes », partage Nadine Monfils sur son compte Facebook.
Avant de s'expliquer : « J’ai travaillé pendant des années sur ma série des folles enquêtes de Magritte et Georgette, fait un énorme boulot de recherches, adapté mon premier tome en scénario, constitué des dossiers pour le cinéma et la télé, fait des démarches auprès de producteurs et acteurs connus qui ont accepté. Magritte ne m’appartient pas bien évidemment. Mais en faire un détective est mon idée et personne ne l’a eue avant moi. »
Auprès d'ActuaLitté, Nadine Monfils complète : « Avant de publier le premier tome de ma série, j'ai pris soin de demander, par courtoisie, à l'ayant droit de Magritte, Charly Herscovici, s'il ne voyait pas d'inconvénient à ce que j'utilise des éléments liés à l'artiste, pour m'assurer de ne froisser personne. »
Nadine Monfils partage par ailleurs une anecdote qui lui pose question : « Il y a 3 ans, lors d’une dédicace chez Corman à Knokke, un lecteur me dit qu'une connaissance - un scénariste flamand -, est fan de la série et va réaliser un film sur Magritte… je lui ai dit qu’il me contacte. Ce qu’il n’a pas fait évidemment… »
Enfin, la romancière constate que la société Panenka, qui produit la série pour RTL Belgium, a évoqué le projet pour la première fois seulement en 2022, soit un an après la publication du premier volume.
Après la rencontre avec ce lecteur de Knokke, elle s'est renseignée auprès de son avocat, spécialisé dans le droit d'auteur, sur le pillage d’idées et a découvert « que nous ne sommes pas protégés [les écrivains, NdR] », ce qu’elle considère « inadmissible ».
En effet, s'inspirer de personnages ou de thèmes généraux n'est pas en soi une violation des droits d'auteur en Belgique, comme en France. La distinction entre inspiration et plagiat entre ici en jeu. Le plagiat est caractérisé par la copie directe et substantielle d'une œuvre protégée sans autorisation. Cela inclut la reproduction de textes, de dialogues spécifiques, de structures narratives détaillées ou d'éléments artistiques distinctifs qui sont l'expression originale de l'auteur. Pour exemple, copier les dialogues distinctifs ou la structure narrative d'un roman peut constituer un plagiat, tandis que créer une histoire autour d'un détective privé en général ne l'est pas.
« Les idées même nouvelles et originales ne sont pas protégées par le droit d'auteur. On peut s'inspirer d'une œuvre sans payer des droits... quand on est l'auteur ainsi pillé, c'est psychologiquement pénible… », résume l'avocat de Nadine Monfils.
Face à cette situation, elle se retrouve « complètement désemparée, sans que son éditeur ni la Sabam (Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs) ne puissent m'aider ».
Il existerait une possibilité d'attaque en justice, non en Belgique, mais en France, pour parasitisme, mais la procédure devrait être initiée par Robert Laffont.
Le parasitisme en droit français, une forme de concurrence déloyale non codifiée, est traité sous l'article 1240 du Code civil. Il implique de prouver qu'une partie a profité de la notoriété ou des investissements d'autrui sans autorisation et sans contrepartie, causant un préjudice. La procédure inclut la démonstration du préjudice et la présentation devant un tribunal qui peut ordonner des dommages-intérêts et des mesures correctives.
Un état de fait que Nadine Monfils souhaite à présent changer, « pas seulement pour moi mais pour tous les auteurs pillés allègrement ». Pour se faire, s'appuyer sur les médias belges et français : « Des amis comme, côté français, Josiane Balasko ou Jean-Pierre Jeunet, m'encouragent dans ma volonté d'agir pour que ce genre de situations ne se reproduise plus », nous confie l'autrice de près de 80 romans. Elle assure : « Je souhaite m'engager pour que notre travail soit respecté. »
Déjà, en 2020, un autre de ses ouvrages, Le souffleur de nuage, aurait « fortement inspiré », d'après l'écrivaine, un autre projet cinématographique : « D'autres écrivains m'ont confié avoir vécu des situations similaires, avec parfois des cas graves avec quasiment une retranscription, et cela renforce ma détermination à faire de ce problème un combat pour changer la loi. Je refuse de me laisser faire et je suis prêt à semer le désordre s'il le faut, car je suis profondément dégoûtée par ces pratiques. »
Contactée par ActuaLitté, la société Panenka n'a pas encore répondu à nos sollicitations.
Le tournage de la série This Is Not a Murder Mystery, créée par le réalisateur Hans Herbots, avec le concours des scénaristes Christophe Dirickx et Paul Baeten, est à présent achevé.
Présentée comme une fusion d'enquête policière et d'éléments surréalistes, l'action se situe en 1936. René Magritte, jeune artiste en devenir, interprété par Pierre Gervais, se rend dans le manoir de l'excentrique Lord James pour organiser une exposition. Il est accompagné de figures telles que Salvador Dalí, Man Ray et Lee Miller.
Le séjour prend un tournant dramatique lorsqu'un artiste est découvert mort. Scotland Yard intervient, isolant tous les invités sur les lieux. Suspect dans cette affaire, Magritte prend l'initiative de mener sa propre enquête afin de prouver son innocence... Dix diffuseurs européens ont déjà acquis les droits pour la retransmettre. C'est Studiocanal qui aura la charge de distribuer la série à l'internationale.
Du côté de Nadine Monfils, le huitième tome des Folles Enquêtes de Magritte et Georgette doit paraître prochainement.
En réponse aux accusations de Nadine Monfils, Kato Maes, producteur exécutif et directeur associé à la société Panenka, indique à ActuaLitté : « L'idée initiale de la série a été développée par Matthias Lebeer et Christophe Dirickx en 2019. Ils nous ont présenté l'idée de la série début 2020, soit plus d'un an avant la publication des histoires de Mme Nadine Monfils. En fait, c'est donc l'inverse : nous avons été les premiers à développer notre série. »
Et de développer : « Disons que c'est une pure coïncidence. En 2020, notre développement a été soumis au Flanders Audiovisual Fund et à VRT, notre diffuseur commanditaire, bien avant la première publication des histoires de Mme Monfils. Depuis le début, nous avons été en contact avec Sabam et la Fondation Magritte avant notre soumission et nous pouvons prouver toutes ces dates. De plus, notre intrigue est totalement différente de celle des histoires de Mme Monfils. Notre projet s'inspire d'un événement historique et de la première exposition surréaliste de 1936 à Trafalgar Square près de Londres, avec la présence de jeunes artistes surréalistes comme Salvador Dalí, Man Ray et Lee Miller, qui sont tous devenus très célèbres par la suite. Comme René Magritte est le principal suspect dans un crime, Scotland Yard intervient et Magritte veut prouver son innocence. »
Panenka a été contacté par Robert Laffont pour obtenir des éclaircissements sur ce projet de série autour d'un Magritte enquêteur, l'année dernière, et a répondu par « un gentil mail avec ces informations ». Depuis, son équipe explique n'avoir plus eu de nouvelles de l'éditeur.
Kato Maes a eu une conversation téléphonique avec la romancière ce 29 novembre au matin, « et la situation a été clarifiée », selon ce dernier.
Crédits photo : Nadine Monfils © Avanzato Melania
Par Hocine Bouhadjera
Contact : hb@actualitte.com
6 Commentaires
johan Heymans
28/11/2024 à 18:37
honteux ,c'est tout
Victoria
28/11/2024 à 20:08
"Des amis comme, côté français, Josiane Balasko ou Jean-Pierre Jeunet, m'encouragent dans ma volonté d'agir pour que ce genre de situations ne se reproduise plus" : Madame Balasko sait de quoi elle parle, elle qui s'est appropriée honteusement et totalement la pièce d'une autrice belge. Pas de recours auprès de la société des auteurs : on ne s'attaque pas à Madâme Balasko ! (sic)
Durieux Micheline
28/11/2024 à 20:18
Je trouve ça honteux Nadine Monfils a eu une idée de génie de faire du grand peintre... Magritte René un enquêteur et de la une autre personne s'approprie c'est idée scandaleux si la justice ne fait rien elle ne vaut pas mieux que tout ces voleurs d'idée ou va le monde
Arthur Magnus
29/11/2024 à 11:32
Je conseillerai volontiers à Mme Monfils de demander conseil aux avocats des ayant-droits de Hergé...
Conseil qui peut ressembler à une boutade, mais j'ai tout de suite pensé à Tintin et aux nombreuses procédures concernant ce personnage en lisant "s'inspirer de personnages ou de thèmes généraux n'est pas en soi une violation des droits d'auteur en Belgique, comme en France." J'imagine bien qu'il y a des subtilités juridiques qui feraient la différence dans le cas de Mme Monfils, mais je suis curieux de savoir lesquelles (même si je doute de les comprendre vraiment).
Alain Reynders
01/12/2024 à 01:53
Le souci rencontré par Nadine Monfils, n'est malheureusement pas un cas isolé, dans le monde de la littérature. Mon épouse, Lætitia Reynders, autrice, a aussi souffert de ce type de plagiat par une grande chaine de télévision française, spécialisée en multiplication de séries. Des plans entiers de ses romans ont été reproduits à l'écran, des phrases ou expressions inventées par elle, ont été prononcées par les acteurs, des personnages ont été habillés à l'identique de la description présente dans ses romans, des idées ont été utilisées pour certaines intrigues... Nous savons, par la KBR, que des scénaristes sont venus consulter ses ouvrages. Scénaristes œuvrant, par ailleurs, pour les sociétés de productions de ces séries. Hasard, à nouveau? Le scénariste de la série Caïn, nous a d'ailleurs, expliqué, il y a quelques années, que nombre de ses confrères s'inspiraient, se nourrissaient (sic) des livres écrits par les auteurs en littérature. "C'est un gain de temps pour certains" nous a-t-il dit. Il serait pourtant si simple de demander l'accord de l'auteur et de le citer dans un générique (à tout le moins)....
Pierre-Henry Huysmans
02/12/2024 à 23:56
Pour les "Meurtre à..." sur France3, ils adaptent souvent des romans, de façon officiel là.