Seconde enquête de la détective Gabrielle Kaplan, un Nestor Burma au féminin dans le Maroc des années 50. Dépaysant et instructif, Sang d'encre à Marrakech de Melvina Mestre, aux éditions Seuil/Points.
Le 27/11/2024 à 14:00 par Bruno Ménétrier
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27/11/2024 à 14:00
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On a pu découvrir ici-même les enquêtes de Gabrielle Kaplan avec Crépuscule à Casablanca, enchanté par le parfum old school de ces aventures d'une détective privée des années 50 au Maroc.
L'auteure Melvina Mestre est née en 1966 à Casa, et visiblement cette ville et cette époque lui tiennent à cœur. On y va de découverte en surprise sur ce pays, cette région et cette période méconnue. C'est donc avec grand plaisir que l'on retrouve la détective Gabrielle Kaplan pour un second épisode : Sang d'encre à Marrakech.
C'est un roman policier fait pour dépayser, divertir, mais aussi instruire. Melvina Mestre ne cherche pas à nous faire peur ni à nous prendre la tête. Ses intrigues policières servent plutôt de prétexte à une description minutieuse de la ville, de ses habitants, et surtout du contexte politique et social des années 50 en Afrique du Nord.
Le protectorat français vacille sous la pression des indépendantistes marocains de l'Istiqlal, mais aussi celle des Américains qui ont débarqué là-bas en 1942 en apportant leur coca-cola et leurs belles voitures, mais également leur vision de la géopolitique mondiale où la colonisation française n'a plus sa place. Cette série apporte un éclairage fort intéressant sur cette époque et cette région.
Laissons parler Melvina Mestre dans sa postface :
[...] Je veille à ce que mes romans d’atmosphère s’inspirent de la grande Histoire, et qu’en me lisant mes lecteurs soient immergés dans le contexte historique, urbanistique et socio-culturel des années 1950. Je m’efforce de représenter le plus possible toutes les sensibilités de ce Maroc sous protectorat pré-indépendance, dans un contexte politique complexe.
Et puis bien sûr, on finit par se prendre d’amitié pour Miss Kaplan et son équipe : « il s’était attaché à cette jeune femme singulière, ouverte et tolérante. Un mélange de perspicacité, d’impertinence et de drôlerie. »
La détective Gabrielle Kaplan est une femme débrouillarde qui a du flair : son « nez » est même capable de déchiffrer les parfums portés par les uns ou les autres. Elle est entourée de Vincente, son assistante dévouée, de Brahim, son fidèle acolyte marocain toujours prêt à donner un coup de main, et d’Yvonne, une chroniqueuse mondaine très informée des dessous de la haute société casablancaise.
Cette fois, le commissaire Renaud (le seul flic sympa du commissariat, ni corrompu ni raciste !) fait appel à Miss Kaplan pour élucider une série de meurtres : des cadavres de prostituées sont retrouvés au pied des monuments les plus emblématiques de la ville.
[...] C’était un corps de femme, entièrement nu. Il a été très probablement déposé là après le meurtre car elle a été poignardée et il n’y avait pas de sang autour. Sans doute très tôt ce matin ou au milieu de la nuit, puisqu’il y a toujours du monde et du passage par là-bas. Une chose est sûre, le lieu n’a pas été choisi au hasard. Un monument aux morts en plein milieu du centre administratif de la ville, cela signifie quelque chose, vous ne croyez pas ?
Voilà qui fait désordre et menace de mettre le feu aux poudres qui couvent : le protectorat français a bien du mal à garder la situation en main.
L’enquête sera pour nous l’occasion de découvrir la ville close, Bousbir, le quartier réservé à la prostitution par les colons français avec son « administration concentrationnaire et médicale », que l’on disait « la plus grande “maison close à ciel ouvert” du monde ».
Mais le titre nous suggère que bientôt les cadavres en série vont nous emmener jusqu’à la Perle du Sud, la ville ocre, Marrakech, qui à cette époque ne connaissait pas encore le tourisme de masse mais qui s’y préparait déjà activement ! Quant à l’encre de ce même titre, ce pourrait être celle des journaux que l’administration peine à museler pour éviter que l’affaire ne vienne envenimer une situation déjà tendue, ou bien peut-être celle que les indigènes utilisent pour leurs tatouages...
Par Bruno Ménétrier
Contact : bmr.menetrier@gmail.com
Paru le 15/03/2024
215 pages
Points
12,90 €
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