#BDBOUM2024 – Depuis la fondation du studio Ghibli en 1983, le maître japonais a enchainé les chefs d'œuvre, Le Château dans le ciel, Mon voisin Totoro, Porco Rosso, Le voyage de Chihiro, Princesse Mononoke… Steve Neumann, auteur de Hayao Miyazaki : Le magicien de l'animation japonaise, proposait une rétrospective autour de l'auteur.
Le 24/11/2024 à 11:26 par Nicolas Gary
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Publié le :
24/11/2024 à 11:26
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Si les créations de Miyazaki ne touchent jamais à la veine autobiographique, ses films d’animation s’appuient sur des convictions personnelles autant que des sentiments avec lesquels il a grandi. Ainsi, dans Le Garçon et le héron, sa dernière production, « il revient sur un souvenir fantasmé de ce qu’aurait été la guerre s’il avait l’âge de son protagoniste », explique Steve Neumann.
Né en 41, l’année de Pearl Harbor et de l’entrée du Japon dans la Seconde Guerre mondiale, le créateur aura vécu les quatre années de bombardements. De même, sa mère atteinte de la tuberculose fut soignée durant 10 années avant de guérir. Deux traumatismes qui nourrissent l’introduction du film et auront marqué son projet créatif : lui, enfant privilégié durant la guerre, aura vécu avec ce sentiment de culpabilité.
« D’autant que son père était impliqué dans la fabrication des avions Mitsubishi 0, qu’utilisaient les kamikazes », ajoute le conférencier. « Toute son œuvre exprime un désir d’offrir au monde un enchantement, la chance que d’autres n’auront pas eue. » Et au fil des créations, se dessine alors cette dimension contestataire, partisane même : « Il avait une pensée communiste et ne s’en est jamais trop caché », assure le journaliste.
Au commencement de son parcours d’animateur, on retrouve Le Serpent blanc, un film qui le marquera profondément — et qui se révèle le premier de l’animation moderne au Japon. Produit par Toei, il portait une perspective simple : faire du Disney, une œuvre familiale pour les Japonais et l’expert. Le tout en reprenant une légende chinoise, où un serpent tombe amoureux d’un prince et se change en femme pour le séduire.
Très jeune, Miyazaki dessine, avec le projet de devenir mangaka — quoiqu’il n’ait pas du métier, tel que pratiqué aujourd’hui, une très haute opinion.
Arrivant en 1963 chez Toei, marque déjà une rupture : « D’ordinaire, les plus jeunes témoignaient une forme de respect pour les aînés, c’est ainsi au Japon et dans les studios d’animation », reprend Steve Neumann. « Mais dès ses premiers temps, la déférence obligatoire n’est pas son fort : la légende Miyazaki commence, avec une attitude contestataire et en parallèle, une implication sans limites dans son travail. »
Tout un militantisme qui marquera son action sociale, au sein du studio, aussi bien que ses films. Lorsqu’en 1964 éclatent des revendications syndicales, le jeune Miyazaki (23 ans) est du côté des salariés. Il deviendra leur leader et portera les revendications qui lui semblent essentielles : une juste rémunération, un respect du statut… des combats qu’on retrouve aujourd’hui encore.
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« Ce militantisme, qui s’articule sur une volonté farouche de défense des employés et déborde sur une dimension de lutte des classes, c’est son idéal. Or, les idéaux sont avant tout des visées : l’utopie n’a pas forcément vocation à se concrétiser », reprend le conférencier. Mais une fois rivée au cœur, difficile de se dégager d’un sentiment pareil.
Quelques exemples en attestent, avec notamment Conan, le fils du futur, inspiré du roman Après la vague d’Alexander Key (trad. Arnaud Guillemette, paru en 2012 aux Forges de Vulcain). Cette réalisation en 26 épisodes pour le compte de Nippon Animation ne prend pas position, mais présente un monde post-apocalyptique, où Conan (17 ans dans le roman, mais 10 ans dans la série de Miyazaki) vit sur une île perdue.
« Ce que Miyazaki propose, c’est d’appréhender le monde en acceptant les erreurs commises : peut-être que le monde d’avant était mieux, mais il n’existe plus. Alors il dessine une utopie qui invite à trouver une nouvelle voie. » Commandée par une chaîne nationale, cette production ne connaîtra qu’un succès relatif, et l’on ne prête plus à Miyazaki une grande carrière.
Interviendra alors Nausicaä de la Vallée du Vent, publié sous forme de manga entre février 82 et mars 94. Une aventure qui débutera avec la rencontre avec Toshio Suzuki rédacteur magazine spécialisé. Et introduira une rupture définitive dans l’animation japonaise.
D’abord, petit moment délicieux, rappelons que ce château dans le ciel est inspiré d’un village du Tarn, Cordes-sur-Ciel. « Miyazaki a toujours témoigné d’une grande affection pour la France, qui se retrouve dans plusieurs films », explique Steve Neumann. En voyant ce village, il raconte avoir éprouvé le sentiment d’un « château qui flotte dans le ciel ». Le titre était presque trouvé.
« Mais ce film, en effet, découle d’événements politiques qui fit écho à ses propres convictions. » De fait, lors d’une visite au Pays de Galles, le fondateur de Ghibli (qui ne sera co-créé avec Isao Takahata qu’en 1985, quand Nausicaa sort en mars 84) est marqué par l’implication des mineurs vis-à-vis de leur communauté. Il assiste en effet à une grève, mouvement social majeur en Grande-Bretagne entre mars 84 et mars 85, en réaction aux actions du gouvernement Tatcher.
C’est toute une histoire d’industrie abandonnée, défendue pourtant par les mineurs, qui porte le contexte. « Les petites mains qui se rebellent contre l’oppression, c’est aussi cela qu’on voit. Avec ce message d’un monde qui sans elles serait totalement différent », reconnaît Steve Neumann. Dans Nausicaa, les mineurs sont à la recherche d’un monde meilleur, toujours marquant cette utopie d’une réalité extra-ordinaire qui serait à portée de main.
Bien entendu, on n’omettra pas Porco Rosso, cet aviateur maudit, qui a une tête de cochon — surprise : quand Miyazaki se dessine, c’est aussi avec cette tête de cochon — et qui mène sa propre lutte dans une guerre qui s’abat. « Ce côté survivant chanceux et pourtant maudit par cette chance qui lui a été offerte, c’est tout lui qui s’exprime. » Et n’oublions pas les usines de Mitsubishi 0 où travaillait son père, passablement absent d’une maison où la mère était malade…
« Il la représente souvent, cette irresponsabilité des parents — même si dans Mon voisin Totoro, le père a une approche naturaliste qui le conduit à laisser ses filles jouer au milieu des arbres », reprend le journaliste. « Miyazaki nous donne, à travers ces films, cette construction d’un enfant convaincu d’avoir grandi seul. Et qui tente de partager, dans ses films, un peu de ce qu’il aurait voulu. »
Crédits photo : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
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Edco
24/11/2024 à 18:17
Magnifique auteur ! Le 1 a sorti un hors série , extra !
Debassan
25/11/2024 à 10:04
Extra ! Quel sont les principaux ouvrages de référence ( et films, docs ) sur Miyasaki ? Merciiii !
Edco
25/11/2024 à 15:07
https://www.studioghibli.fr/les-films/?amp=1
https://www.senscritique.com/liste/films_d_animation_de_hayao_miyazaki/1119238
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Hayao_Miyazaki
Suffit de chercher sur le net.....🤔🤔