Évoquant à juste raison l’histoire de la guerre civile algérienne (1990-2002), ses crimes toujours impunis contre des civils abandonnés à leur sort et le révisionnisme historique érigé en « vérité alternative » et « réconciliatrice » d’État, Houris, le nouveau roman de Kamel Daoud, n’a malheureusement pas su éviter l’écueil de l’essentialisme et du culturalisme.
Le 23/11/2024 à 09:24 par Faris Lounis
6 Réactions | 162 Partages
Publié le :
23/11/2024 à 09:24
6
Commentaires
162
Partages
Plutôt que de traiter cette fiction avec la complexité requise, l’œuvre transpose en littérature la logique simpliste des « guerres culturelles » que l’écrivain cultive à outrance dans ses éditoriaux du Point : pour lui, la genèse du phénomène intégriste et terroriste réside exclusivement dans le Coran et la tradition islamique, en négligeant les décennies de despotisme militaire, de politiques antisociales et d’instrumentalisation intentionnelle du religieux dans le dessein d’anéantir les gauches et les idées d’émancipation sociale et citoyenne en Algérie et dans l’entièreté de l’espace arabe.
Plutôt que de traiter cette fiction avec la complexité requise, l’œuvre transpose en littérature la logique simpliste des « guerres culturelles » que l’écrivain cultive à outrance dans ses éditoriaux du Point : pour lui, la genèse du phénomène intégriste et terroriste réside exclusivement dans le Coran et la tradition islamique, en négligeant les décennies de despotisme militaire, de politiques antisociales et d’instrumentalisation intentionnelle du religieux dans le dessein d’anéantir les gauches et les idées d’émancipation sociale et citoyenne en Algérie et dans l’entièreté de l’espace arabe.
Comment peut-on parler de la guerre civile algérienne (1990-2002) en littérature sans tomber dans l’écueil de l’essentialisme et du culturalisme, sans la retranscrire avec l’encre vénéneuse des « guerres culturelles » si chères aux réactionnaires de France, d’Algérie et d’ailleurs ?
À LIRE – Deux plaintes déposées contre Kamel Daoud et sa femme
C’est la question que l’auteur de ces lignes s’est posée en tournant les dernières pages de Houris, le nouveau roman de Kamel Daoud, malheureusement rédigé dans la même veine réactionnaire que ses éditos du Point — dont l’alignement aveugle sur les thèses conservatrices et néolibérales de l’actuel régime « jupitérien » participe de cette non-pensée réactionnaire que la presse et les médias Bolloré propagent depuis plusieurs années.
Prétendant écrire l’histoire d’une guerre prétendument oubliée de tous, une guerre dont aucun Algérien et Algérienne ne pourrait soi-disant parler, ce roman de plus de quatre cents pages ignore toute la bibliothèque romanesque de langue arabe, mais aussi de langue française et amazighe, consacrée à ce sujet en Algérie. Il passe sous silence le rôle central du despotisme militaro-pétrolier et du désengagement social et culturel de l’État algérien dans l’émergence de l’intégrisme religieux, des groupes islamistes et de leurs pratiques terroristes.
Idéalement, la littérature est le terrain de la complexité, de la multiplicité des voix et des visions. Et ce d’autant plus que l’histoire de la guerre civile algérienne est gravement méconnue en raison de l’impossibilité d’accéder aux archives de l’État et de l’armée, de la difficile libération de la parole des témoins et des obstacles placés contre tout retour public sur cette période par « La charte pour la paix et la réconciliation nationale » de 2005.
Il eut donc été salutaire que le romancier dépeigne au lecteur la naissance de l’intégrisme religieux et de la mécanique terroriste par-delà les platitudes d’un culturalisme se contentant d’invoquer sans fin les « essences » anhistoriques du « Bien » et du « Mal », de la « civilisation » et de la « barbarie ». La présence de personnages représentant les membres du FLN ayant rejoint les maquis du Front islamique du Salut (FIS) aurait donné de l’épaisseur et de la crédibilité historique à un roman dont l’objectif serait de « briser le tabou de la guerre civile algérienne ».
Le continuum de la violence politique héritée des guerres fratricides de la lutte de Libération nationale aurait été efficacement incarné aux yeux du lecteur.
Dans Houris, regrettablement, le récit et ses prétendues démonstrations s’enlisent dans un conformisme douceâtre rappelant la piètre adaptation théâtrale des éditos de Kamel Daoud, Un homme qui boit rêve toujours d’un autre qui écoute, par Denise Chalem en mars 2024. N’en sort qu’un roman au style aussi grandiloquent, scolaire, ampoulé que celui de Yasmina Khadra, qui tente de démontrer, de manière lourdement répétitive que les musulmans égorgent d’autres musulmans en raison du fait qu’ils abattent des moutons chaque année durant les festivités de l’Aïd-el-Kébir.
Fajr, qui s’appelle aussi Auber dans sa « langue intérieure » — le français parle inlassablement. Un monologue ininterrompu. Une voix muette, un corps sculpté par la guerre. Un « véritable livre » d’histoire, lui répétait sa mère Khadija sur les lits d’hôpitaux, ouvert sur un monde indifférent. Une canule et une cicatrice, comme un horrible « sourire ». D’une voix étouffée, raconte à Houri, le fœtus qu’elle veut avorter, son histoire, celle de son pays, la violence ravageuse d’une guerre fratricide et la quête qui l’inspire : la justice.
Après l’égorgement raté de la nuit du 31 décembre 1999, au village de Had Chekala situé au Nord-ouest algérien, Fajr, âgée seulement de cinq ans au moment des faits, renaît une seconde fois dans l’ambulance qui la menait vers l’hôpital d’Oran, le 1er janvier 2000. Depuis cette nuit-là, elle nourrit l’idée du retour. La nuit d’un grand massacre : 1 001 personnes trucidées dans le village de Had Chekala et ses alentours. La fin d’un monde.
Dans son salon de coiffure situé en banlieue oranaise, Aube refait le monde de ses révoltes quotidiennes, tente de réparer une injustice innommable, exacerbée par la promulgation de la charte du 29 septembre 2005, « le jour de la réconciliation des meurtriers avec les meurtriers ». Privée de ses cordes vocales, armée de sa canule, elle explique son livre d’histoire à sa petite Houri en deux langues. Une langue « comme la nuit », l’arabe ; une autre, « comme un croissant », le français.
L’arabe est donc sa langue extérieure, le français sa langue intérieure, cette « belle langue retentissante et muette », « celle avec laquelle » elle se « raconte des histoires depuis des années », celle dont elle use quand elle s’adresse dans sa tête à ses « ennemis, voisins, imams, à Dieu qui » lui a « volé des choses précieuses ». Pour elle comme pour Kamel Daoud, le français est la « langue du rêve, des secrets, la langue de ce qui ne possède pas de langue ».
Pour Fajr, l’arabe ne semble pouvoir exprimer que le fanatisme et le terrorisme des « égorgeurs »… Une curieuse et drôle conception des langues qui n’est pas sans lien avec le discours de l’auteur opposant implicitement, à la manière des nationaux conservateurs et des intégristes religieux algériens, la langue française (celle de la « civilisation » à la langue arabe – celle de la « barbarie ».
Portant sur son corps le « récit de ce qu’on ne doit pas oublier, un alphabet que seuls les ignorants ignorent », Aube retourne sur les lieux de l’atroce pour rappeler aux gens du village une histoire qui serait oubliée de tous.
Aïssa Guerdi. Un drôle d’historien public ! C’est avec cet homme que Fajr partagera son voyage vers la terre d’enfance, au village du crime inachevé.
Dans les cafés, il se plaint de prêcher ses histoires à des sourds. Fils d’un libraire et éditeur révolutionnaire, sa foi en la mission du livre et de l’écrit est inébranlable. Il semble défier à la fois l’oubli d’une guerre qui serait massif, mais aussi les autorités qui entretiennent le voile de l’amnésie. Devant le colonel qui lui dit : « Vois-tu, mon petit libraire, nous servons la paix et ce que tu racontes dans le café de ton quartier n’aide pas la paix que veut notre président de la République. Ce que tu dis, ça enflamme les esprits, ça leur donne des envies de vengeance, et puis ce n’est pas toujours vrai. Quelles preuves as-tu de ce que tu avances ? Hein ? Rien ».
Aïssa ne recule pas. Il continue de raconter la guerre, son histoire et sa mémoire. Il semble croire aux faits.
Arrivé au village, personne ne se souvient de Fajr et de sa famille, les Adjama. Rien de ce qu’elle voit ne semble évoquer ou rappeler l’histoire. En route vers le lieu de l’égorgement raté, elle rencontre Hamra, près du café Merhaba, une ancienne « terroriste », une « irhabiyya » qui lui raconte l’histoire de son enlèvement, le soir de son mariage, et de sa réduction en esclavage domestique et sexuel dans les casemates des « Émirs » des maquis. Elles étaient nombreuses, les femmes au destin semblable à celui de Hamra, marquées de l’indélébile stigmate de « terrorisme ».
Fajr avançait sur une terre qui semblait être sourde, amnésique. En s’aventurant vers un hangar situé non loin de sa maison natale, un berger, le frère de l’imam intégriste du village, versé dans le trafic de viande la kidnappe, l’enferme et la ligote dans le hangar désert, sans toiture ni couverture. Il voulait en finir avec elle, l’égorger une nouvelle fois. Sa vie défile devant elle, dans une peur glaçante. Soudain, Aube entend une voix lui dire : « Je t’ai retrouvée, ma sœur. »
C’était Aïssa. Il est arrivé avec du renfort, des villageois, pour la libérer de ce hangar, cet abattoir clandestin. Il l’étreint et la rassure : « Les gendarmes vont arriver, ils les ont arrêtés, lui et son frère, l’imam. Ils vendaient de la viande d’âne », explique un villageois à un voisin. Et Aïssa de la soulever et de lui chuchoter : « Tu es un signe ! »
Un an plus tard, Fajr est mère d’un bébé, la petite Kalthoum. C’est l’été, elle « porte une robe d’été blanche avec des tulipes » et savoure le temps en compagnie de Khadija, « heureuse d’être grand-mère », et Aïssa Guerdi. « La mer est partout, surtout si l’on ferme les yeux ». Elle a retrouvé sa voix, après le voyage périlleux à Had Chekalla. Sa « voix est là, affamée, heureuse, mouillée de salive ».
Pourquoi le retour, qu’est-ce qu’elle a trouvé au village ? Pourquoi un barbu hirsute voulait l’égorger une seconde fois ? Pourquoi une telle fin semblant heureuse ? Le roman n’éclaire rien de cette quête de justice, et noie le récit dans l’obscurité d’un propos qui se voulait clair, celui de « briser le tabou de la guerre civile algérienne ».
« La guerre ! Oui, la guerre ! Ce n’était pas celle contre les Français, mais celle de tous contre tous. » Cette formule est un leitmotiv aussi lassant dans Houris que dans les éditos de Kamel Daoud, est éminemment confusionniste, voire paradoxale.
Ce mantra occulte plus d’un siècle de colonisation inhumaine en Algérie et inverse, par conséquent, les thèses révisionnistes du régime algérien : si, en France, l’hypermnésie cultivée au sujet de la guerre civile algérienne sert un certain agenda politique obsédé par la traque des « ennemis de l’intérieur » — les Français musulmans pour ne pas les nommer —, alors, l’amnésie totale sur l’atrocité de la colonisation devient utile, vitale même et indiscutablement justifiée. Comme si établir une distinction claire entre les faits et leur instrumentalisation à des fins répressives et antidémocratiques était impossible.
Au lieu de repolitiser une histoire algérienne confisquée, Kamel Daoud signe avec Houris une nouvelle Contre-enquête, un récit aux antipodes des idées défendues dans un livre qu’il ne cite plus dans sa bibliographie : Ô Pharaon [Dar El Gharb, 2005]. En deux décennies, on est passé de « Seuls le régime et les militaires tuent » à « Seuls les islamistes tuent », sous prétexte que la violence qui serait inhérente à leur ADN islamique et arabe. La “vérité romanesque” que Kamel Daoud essaye de défendre dans Houris s’avère donc un cuisant échec de l’explication.
Si l’on sait depuis Claude Lefort qu’une société devient autoritaire et totalitaire lorsqu’elle refuse d’assumer, de tolérer le conflit en politique et le criminalise, Houris est un roman qui n’apporte aucune réflexion littéraire de l’autoritarisme d’un parti unique, qui a fait de la conflictualité politique un sacrilège. Le terrorisme des intégristes religieux découle de cette mise hors-la-loi du pluralisme, et certainement pas de ce qu’on appelle Dieu et les Livres sacrés que les êtres humains lui attribuent.
Tandis que nombre d’écrivains arabes continuent de louer des régimes despotiques comme ceux de l’Algérie, du Maroc et de l’Égypte, Kamel Daoud, en cultivant avec zèle un essentialisme qui rappelle un certain orientalisme à rebours — un phénomène que le philosophe syrien Sadik Jalal al — « Azm avait critiqué dans son célèbre article de 1981, “Orientalism and Orientalism in Reverse” — endosse le rôle des “scélérats subalternes” [dixit Diderot dans Le Paradoxe sur le comédien], en écrivant un roman conforme aux présupposés du “choc des civilisations” chers aux droites dures et extrêmes françaises et occidentales.
Pour mieux comprendre la genèse et la cristallisation de l’intégrisme religieux en Algérie et ailleurs, il serait bien plus profitable, tant littérairement que politiquement, de se décentrer du terrain franco-algérien et de lire des œuvres arabes antitotalitaires, comme La Coquille [Actes Sud, 2007] de Moustafa Khalifé — ce classique syrien de la littérature carcérale, ou Walîma Li A‘châb al-Bahr [Damas, 1983] de l’intellectuel communiste Haidar Haidar,
Par Faris Lounis
Contact : farislounis27@outlook.fr
Paru le 15/08/2024
411 pages
Editions Gallimard
23,00 €
6 Commentaires
Gaucho Marx
23/11/2024 à 10:37
"négligeant les décennies de despotisme militaire, de politiques antisociales et d’instrumentalisation intentionnelle du religieux dans le dessein d’anéantir les gauches et les idées d’émancipation sociale et citoyenne en Algérie et dans l’entièreté de l’espace arabe"
Il y a là un total contresens, en tout cas pour l'Algérie. La politique algérienne de 1962 à 1990 a été fondamentalement socialiste, donc de gauche. Réformes agraires, nationalisations, critiques de l'impérialisme americano-sioniste (*), pour reprendre une expression qui passe en boucle à la télévision (d'Etat bien sûr). Tout y était !
Pour l'Algérie, l'avenir du pays et l'émancipation sociale des citoyens passaient par ce bon vieux socialisme mis en oeuvre à peu près au même moment sous d'autres contrées, tout aussi peu souriantes.
L'islamisme (sans doute enhardi par ses succès en Iran) a surgi en Algérie, à la faveur d'une tentative de démocratisation du régime au début des années 90. Il a commencé à gagner des élections, menaçant le pouvoir militaire.
D'où la guerre civile, dans laquelle et les militaires et les islamistes ont tué.
L'islamisme continue de tuer, comme par exemple cette touriste suisse égorgée à Djanet, dans le sud algérien.
D'où vient l'islamisme ? D'une vision rigoriste de l'islam. Il y a un continuum entre les deux, entre une religion politique, qui régente la vie quotidienne, sans alternative possible (essayez de manger dans la rue pendant le Ramadan, pour voir) et ce totalitarisme mortifère.
On peut avoir envie d'imaginer le contraire, qu'il y a dévoiement de l'islam, que celui-ci ne porte en lui pas autre chose que les caractéristiques une religion tranquille. Mais pour ça, il faudrait être capable d'identifier un pays, à l'islam comme religion d'Etat, qui soit démocratique !
(*) jusque dans le dernier communiqué de l'agence de presse algérienne évoquant le cas Sansal et parlant d'une France "macronito-sioniste" !
Elsa
26/11/2024 à 17:19
Cher Gaucho Marx,
Ma réponse précédente s'adressait à vous, j'ignore si j'ai commis une maladresse car cela ne m'apparaît pas clairement. D'où cette précision.
Bien cordialement
Edco
23/11/2024 à 17:02
Bon , c est clair .....Daoud est ...out !
Suis justement en train de lire Khadra....pas de bol .....aussi !
Cela dit , tjours enrichissant de connaître différents points de vue sur les pays , sur les récits mémoriaux, sur les religions, sur les guerres, sur les idéologies, etc....
Ptet que vous allez écrire un article sur Sansal , il doit sans doute pour vous , être fait du même bois que Daoud ......( Voir pire)....
Aurelien Terrassier
24/11/2024 à 19:26
Ce commentaire a été refusé parce qu’il contrevient aux règles établies par la rédaction concernant les messages autorisés. Les commentaires sont modérés a priori : lus par l’équipe, ils ne sont acceptés qu'à condition de répondre à la Charte. Pour plus d’informations, consultez la rubrique dédiée.
Edco
24/11/2024 à 21:20
"Les seniors, plus que jamais accros aux écrans ? " sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/un-monde-nouveau/un-monde-nouveau-du-samedi-23-novembre-2024-2693240 via @franceinter
On peut tout écouter , mais la pertinence c est à partir de 34 min , concernant le sujet en question ....
Elsa
26/11/2024 à 14:55
Cher Monsieur,
Je partage tout à fait votre point de vue. Toute religion est d'abord une réalité sociale et historique (un ensemble de pratiques) et un système de représentations, et penser que des textes (une réalité symbolique), quels qu'ils soient, puissent être au seul fondement de l'ensemble des mécanismes sociaux est déjà un contresens.
L'islam est par ailleurs né dans la violence, le grand écrivain turc Nedim Gürsel en parle très bien dans un très beau livre, Les Filles d'Allah. Et vous le dites très justement : le jour où une société gouvernée au nom de l'islam sera démocratique, nous aurons la preuve que l'islam est compatible avec la démocratie, et ce jour-là seulement.
En résumé, l'hétéronomie est jusqu'à présent impossible - voire impensé - dans l'islam, et c'est cela qui est totalitaire. Au contraire, elle est incompatible avec le judaÏsme - autrement dit, Dieu, même pour un croyant, ne gouverne pas les hommes - et le christianisme s'est "déconstruit de l'intérieur" (voir les travaux remarquables de Jean-Luc Nancy sur la déconstruction du christianisme). L'islam n'a pas encore procédé à cette 'déconstruction', en tout cas pas sur une échelle suffisante, et c'est même tout le contraire qui se passe. Est-ce même possible ? L'auteur ici s'en prend à Kamel Daoud mais je connais bien des intellectuels de culture musulmane qui sont tout à fait d'accord avec lui, par exemple sur la question de la femme : pour eux, c'est tout à fait culturel... Cela ne veut certes pas dire que ces sociétés n'évolueront pas. (Il y a là un débat classique et éternel, qui traverse toute l'histoire des sciences humaines et de la philosophie, mais ce n'est pas le lieu d'y revenir.
L'auteur de l'article, en découplant textes sacrés et réalité sociale et historique, essentialise in fine les textes, même si c'est en partie à son insu. C'est une posture périlleuse. Et de toute façon, quand on lit certains passages du Coran, même en dehors des faits historiques, ils prônent clairement la violence, le bannissement des poètes (sourate édifiante), etc., et ne disons rien des représentations de la femme. Et toutes les exégèses n'y feront rien. Enfin, reprocher à Kamel Daoud de ne pas faire le livre parfait retraçant fidèlement l'histoire de l'Algérie et de la montée de l'intégrisme, c'est un faux procès : un roman est un roman, il n'a pas cette vocation. Il faut laisser aux historiens certaines tâches et certains privilèges ! Certains écrivains ont produit des chefs-d'oeuvre en tordant complètement l'histoire et Dostoïevski a professé une idéologie panslaviste qui nous est étrangère, allons-nous pour autant renier voire condamner son génie littéraire ?