Chez Editis, les salariés jouent au chat et la souris avec la direction : au cours des derniers jours, des affiches parodiques ont fleuri dans les locaux du groupe. Une campagne de détournement de couvertures tirées d’ouvrages publiés chez des éditeurs concurrents. Et qui provoque un certain agacement dans les hautes sphères.
Le 17/11/2024 à 17:24 par Nicolas Gary
24 Réactions | 1312 Partages
Publié le :
17/11/2024 à 17:24
24
Commentaires
1312
Partages
L’annonce d’un déménagement du groupe CMI au siège social d’Editis était manifestement le dossier de trop, mais que le président non exécutif, Denis Olivennes, assume totalement. Certes, il avait annoncé que cela n’aurait pas lieu, parce qu’il faudrait pousser les murs du 92 avenue de France. Mais après un tour du propriétaire, aura tous comptes faits changé d’avis.
Surtout que le bail des bureaux de CMI France (Elle, Marianne, Télé 7 jours, Version Femina, etc.) arrivera à son terme l’an prochain — et qu’il s’agirait de bureaux appartenant au groupe Bolloré. Dans la logique du projet Editis Media Groupe dévoilé en avril dernier, quelque 350 salariés, sur les 700 de CMI France, partageraient les bureaux du groupe éditorial.
Regrouper les entreprises plutôt que de procéder à des coupes dans les équipes, la méthode Olivennes fait preuve d’une logique humaine à toute épreuve. Mieux : il préfère bousculer un peu plus les salariés d’Editis désormais, que de les chahuter carrément dans trois ans. Si la proximité des équipes doit créer du lien, améliorer les coûts, Denis Olivennes et Catherine Lucet présentaient bien cette solution comme une réduction de bureaux, pour éviter de cibler les employés.
Et quand les salariés parlent de désagrément, on répond qu’il faut en passer par là pour gambader demain vers des horizons qui chantent. D'ailleurs, dans la presse, on est en open space depuis un moment, les arguments furent les mêmes et finalement, tout le monde s'y est accoutumé, non ?
À LIRE - Un marché du livre “difficile” : Editis vise le “redressement”
Surtout que Daniel Kretinsky est un actionnaire investi dans le long terme pour Editis, mais qu’il importe de redresser le chiffre d’affaires des deux entreprises : cette perspective de regroupement familial repose donc sur une dynamique active. « Ou la moins mauvaise des solutions », nous glisse-t-on.
Or, les désagréments à venir, que la CGT avait dénoncés mi-octobre se rapprochent. Des mois de télétravail en perspective pour aménager les bureaux et ouvrir les espaces largement. « On nous demande de rendre un avis dans deux mois, quand la procédure d’information et de consultation, pour le précédent déménagement, avait pris plus d’un an », nous assurait un représentant syndical.
Concrètement, « plus de bureaux attitrés, plus de cloisons, des casiers pour les salariés, le premier arrivé prend le premier bureau libre, une logique de flex office et d’open space ». Certes une rationalisation des espaces, mais qui ne rassure personne.
Et la révolte discrète, mais régulière se fait entendre. Ou plutôt voir : « Il y a plein d’affiches que les salariés mettent partout pour protester contre ce déménagement et ses dommages. La direction passe partout pour les arracher et les salariés les remettent », nous explique un salarié, photos transférées à l’appui.
« Au début, les détournements ne se manifestaient que par quelques retouches sur les couvertures. Mais les gens ont été piqués au vif en voyant que la direction s’appliquait à systématiquement les décrocher. »
Conclusion, les règles du jeu de la protestation ont changé et la créativité a grimpé d’un cran. Et si l'on avait encore quelques réserves sur la manière ou quelques doutes quant au message, cette fois, on y est allé allégrement.
Ainsi T’Choupi aussi bien que Les P’tites poules ou Denis la malice voire les Pokemon ont fleuri dans les couloirs, mi-sarcastiques mi-dépités, remplacés aussi rapidement qu’ils disparaissaient. À ce jour, nul ne sait ce que l’on trouvera dans les bureaux au retour de week-end : de guerre lasse, la direction aurait cessé la chasse aux affiches en fin de semaine.
Ce n’est d’ailleurs pas tant que les salariés refusent toute forme de flexibilité — l’arrivée du télétravail a conduit à ce que les bureaux soient certains jours assez peu peuplés. « Le problème tient dans la négation du métier — si l’on prend le cas du secteur Scolaire par exemple, où l’on a besoin de documents, de stockage, d’archivage. »
La grogne a dépassé les murs du 92 pour arriver dans la presse : « Certains se demandent même si ce n’est pas exprès pour faire partir “naturellement” des gens. » Nous espérons des précisions de la part d’Editis prochainement.
Le groupe a répondu à ActuaLitté : « Contrairement à ce que vous écrivez ces affiches n’agacent en aucun cas la direction. » Et souligne : « Chez nous la liberté d’expression est sacrée, dès lors qu’elle respecte les personnes et les biens et c’est encore mieux quand elle fait preuve d’humour et de créativité comme dans ce cas. »
Bon sang, mais c'est bien sûr ! Les salariés n’avaient rien compris : les passages réguliers pour retirer ces affiches n’exprimaient pas un agacement. Il s’agissait d’un appel à une plus grande créativité et d’un encouragement à libérer plus encore leur libre expression et leur humour. Un moyen subtil de motiver les salariés, donc.
La preuve ? Ce matin même, les affiches ont de nouveau disparu.
Reste qu'un best-of doit être distribué aux équipes, comme un samizdat – et peut-être autant par email que sous le manteau. Et le tout porté par le slogan de l'entreprise. ActuaLitté les a dénichés en piratant l'imprimante :
Crédits photo : divers
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
24 Commentaires
adnstep
18/11/2024 à 00:08
Ça en fait du gaspillage de papier !
Arnaud Delplanque
18/11/2024 à 03:48
Courage aux équipes et que la lutte continue !!!
Falco
18/11/2024 à 06:27
Ce commentaire a été refusé parce qu’il contrevient aux règles établies par la rédaction concernant les messages autorisés. Les commentaires sont modérés a priori : lus par l’équipe, ils ne sont acceptés qu'à condition de répondre à la Charte. Pour plus d’informations, consultez la rubrique dédiée.
Caro Noviruss
18/11/2024 à 07:08
L'open-space, et les postes de travail non attribués, c'est la contrepartie du télétravail. Et aussi, la garantie d'un retour en arrière impossible. Un virus a réussi ce qu'aucune politique même volontariste n'avait pu faire.
Même les administrations s'y mettent.
Un jour de télétravail = 20 % de bureau en trop. Deux jours = 40 %.
Evidemment qu'aucune entreprise, aucun service public ne peut continuer comme avant.
Marie
18/11/2024 à 09:29
..."parodies de livres"..."livres difficiles"...cela évoque Shakespeare et son "Etre ou ne pas..."...Et cela reste à définir. La notion de "besoin" et celle de "rareté" deviennent des artéfacts...Cependant elles sont à la base de la Science économique, science humaine assez récente...
Salarié
18/11/2024 à 10:28
Si la direction se moque des affiches et qu’elle en rigole alors pourquoi elle enlève tout ? Elle rigole jaune plutôt non ? Quant aux menaces de la direction pour dire soit vous acceptez soit on taille dans les effectifs moi j’ai une idée : commencez par tailler vers le haut car il y a des membres de la direction qui bosse pas beaucoup payés chers et qui prennent de la place avec leur grand bureau vide. Vide de stratégie surtout.
Instructif!!!!!
18/11/2024 à 13:26
Amusant!!! Enfin pas pour les concernes, hormis Falco qui ferait mieux de jetter le masque.
Il y a fort a parier que d ici 3 ans 50% des effectifs auront ete remercies, remplaces par de l IA generative!!!!!
Le Juge
18/11/2024 à 15:53
Beaucoup d'humour, mention spéciale à T'choupi <3
Bon en revanche dire « Il y a plein d’affiches que les salariés mettent partout... », en dehors des ascenseurs on n'a rien vu (et ça a duré 2j).
Le flex office 😂😂
18/11/2024 à 18:48
https://youtu.be/y0-C5f0LVhw?si=OoIqUdxNjzo9dWJ-
Meaudre
18/11/2024 à 19:15
On a bien besoin de créativité et d humour pour lutter contre cette désorganisation général du travail et ce mépris,des initiatives collectives Merci à tous ces créateurs intelligents
Un élu
19/11/2024 à 08:48
Monsieur Olivennes a menti aux salariés en disant qu'il ne ferai pas venir les salariés de cmi chez nous et après les vacances d'été il fait le contraire c'est une personne où on peut pas lui faire confiance quand il dit blanc faut qu'on croit noir dans notre tête et la on aura la vérité. Je ne crois plus jamais à ce qu'il dira. Tous les blablas de la direction avec leur soit disant dialogue social tout ça c' est poubelle
Bonjour
19/11/2024 à 09:24
Il ne faut pas tout mal interpréter et tout confondre. Que vous ne croyez pas monsieur Olivennes avec des faits bien précis je peux l'entendre, mais qu'en revanche vous critiquez un accord qui a pour seul bénéfice d'améliorer le dialogue social, ça je ne peux pas l'entendre. Vous expliquerez aux salariés mon cher élu, que vous ne souhaitez pas abonder à un accord en relation avec un bon dialogue social dans leurs intérêts. Car avant tout cet accord est pour l'intérêt de tous les salariés du groupe Editis.
Shérif
19/11/2024 à 16:21
On reconnaît bien là votre signature madame
La blague de l’année
19/11/2024 à 11:29
Non mais vous rigolez là ? Là où le dialogue est le plus pourri qu’on a jamais connu depuis toute l’histoire d’Editis vous voulez nous faire croire qu’un accord sur le dialogue social est le bienvenu et que c’est pour le bien des salariés. Vous détériorez le bien être des salariés d’editis et vous voulez que les organisations syndicales soient complice ? Dans nos instances le dialogue est pourrit avec des elus qui tombe malade, qui sont en pleur, qui sont mals traités et même en dehors des réunions et vous osez parler de dialogue social ? Faites des formations à vos DRH qui sont du comex pour leur apprendre ce que c’est un bon dialogue social. Mme Vincent, mme Gallet, qui nous en mettent plein la figure en réunion qui trzitent les élus comme des moins que rien et ensuite on verra. Même monsieur Olivennes qui est le patron a plus de respect pour les elus que ces 2 là. Lui au moins il parle bien aux elus et il les respecte mais quand il est plus là ça devient le bordel. Les petites gentilles devant lui se transforme en vraie tigresse et ça personne ne le voit à la direction où ils ne veulent pas le voir.
Salarié Editis
19/11/2024 à 13:23
Je comprends qu'avec le passé de Gallet vous ne voulez pas signer d'accord parce que au vu des accords signés avec elle elle n'a pas su les respecter mais pourquoi ne pas donner une chance à Vincent qui vient juste d'arriver peut être que elle elle les respectera les accords. Il faut laisser la chance aux gens qui n'ont jamais pu prouver qu'ils pouvaient faire bien ou le contraire de ce qui est mal fait. Je n'ai pas l'impression que Mme Vincent est la même personne que Mme gallet que nous connaissons tous très bien tous salariés dans tout le groupe toutes sociétés confondues. Elle est connue comme le loup et c'est peut être pour ça aussi que les différents dirigeants la garde parce qu'elle sait faire le sale boulot à leur place
Un cadre
19/11/2024 à 13:58
Je ne pense pas que la direction se serve d'elle, elle n'a pas besoin de la direction pour mentir ou jouer des rôles. C'est elle qui appelle des cadres pour se mettre d'accord avec elle sur des Affaires dont ils ne sont pas d'accord et si les cadres n'acceptent pas c'est les menaces. Donc elle arrive toujours à ses fins. Et quand il y a des réunions cadres avec la Direction elle est toute sage, méconnaissable. Elle devrait jouer du théâtre. Si seulement nous avions tous des corones pour l'envoyer chier quand elle nous dit des absurdités. Je ne sais dire si c'est la crainte de perdre notre boulot qui nous rend bête et méchant.
Exact
19/11/2024 à 15:05
C'est exact sans oublier qu'Albane ne cesse de nous dire qu'heureusement qu'elle est là pour sauver Editis car la nouvelle directrice adjointe du groupe n'est pas apte à ce poste et en ce qui concerne madame Vincent, elle ne cesse de nous dire qu'elle aussi est incompétente mais que madame Rus la couvre parce qu'elle est son amie. Que et qui croire ?
Salariée
19/11/2024 à 14:29
Ce commentaire a été refusé parce qu’il contrevient aux règles établies par la rédaction concernant les messages autorisés. Les commentaires sont modérés a priori : lus par l’équipe, ils ne sont acceptés qu'à condition de répondre à la Charte. Pour plus d’informations, consultez la rubrique dédiée.
Plume révoltée
20/11/2024 à 14:28
Encore une épreuve pour les salarié.e.s : le déménagement et le Flex Office
Monsieur Olivennes, Monsieur Kretinsky, combien de temps encore allez-vous tester les limites de la résilience des salarié.e.s d'Editis ?
Après des années de turbulences et d’incertitudes, voici venu le dernier coup porté à notre quotidien : le déménagement et l’imposition du Flex "pour tous"...
Le Flex, cet outil présenté comme une révolution moderne, mais qui, dans les faits, signifie la perte de repères, l’effacement de nos espaces de travail personnels et la destruction de ce qui faisait notre stabilité dans un environnement déjà chaotique.
Nous sommes censé.e.s être mobiles, adaptables, corvéables !!
Où est l’écoute ?
Où est la prise en compte de notre réalité ?
Nous travaillons dans des conditions déjà compliquées.
Les réorganisations successives, les décisions tardives ou opaques, les attentes et l’absence de reconnaissance concrète (ni augmentations, ni primes dignes de ce nom parfois rien) nous ont usé moralement.
Et maintenant, nous devons aussi sacrifier notre espace, nos habitudes, notre sérénité ?
Les entreprises modernes qui réussissent placent leurs équipes au centre de leurs préoccupations. Chez nous, on opte pour des décisions « économiques » prises sans dialogue, sans concertation, sans considération pour les humains qui font tourner cette entreprise.
Nous sommes des professionnel.le.s engagé.e.s, des expert.e.s passionné.e.s. Nous avons tenu bon dans des conditions extrêmes. Nous avons continué à fournir du travail de qualité, malgré le mépris.
Combien de temps cela pourra-t-il durer ?
Le groupe n’est pas une machine. C’est un collectif. Un collectif qui souffre, mais qui reste debout grâce à ses salariés solidaires et à leur professionnalisme. Monsieur Olivennes, Monsieur Kretinsky, ce collectif mérite autre chose que des injonctions de productivité et des réorganisations incessantes. Ce collectif mérite du respect, de la reconnaissance et un espace de travail adapté à ses besoins, pas un cauchemar nommé Flex Office.
Il est encore temps de changer de cap, de rétablir un dialogue, de construire une stratégie humaine et durable. Sinon, ce groupe se cassera.
Castor et Pollux
27/11/2024 à 09:15
Bravo Plume révoltée ! Bien dit !
De la croissance et de la productivité sans inclure les salarié.e.s, j'attends de voir la motivation des équipes à vous aider après tout cela !
Bonne chance.
Quel management archaïque !
Kujawski
05/12/2024 à 18:07
Si ce n'est déjà fait, l'excellente "Plume révoltée" gagnerait à s'engager.
Plume révoltée
07/12/2024 à 16:22
Merci pour votre message et votre encouragement.
Aujourd'hui l'engagement est collectif, face à ce qui blesse, use, deshumanise, c'est celui des salariés qui, malgré les épreuves, restent solidaires, créatifs et déterminés à défendre ce qui leur semble juste.
Chaque concession arrachée (comme des mètres carrés récemment gagnés), le sont souvent au prix de nouveaux déséquilibres, d’autres sacrifices.
Cet engagement collectif ne devrait pas se résumer à des compromis : il s’agit avant tout de rappeler que les décisions doivent avoir du sens et respecter celles et ceux qui les vivent au quotidien.
Encore merci pour votre soutien,
PR
kujawski
07/12/2024 à 17:15
C'est un enseignement de l'histoire : tout, en matière sociale, à Editis comme partout, est affaire de pertinence, de ténacité, de court autant que de long terme.
J'ignore si vous vous inscrivez dans le troisième, mais vous avez la première et, semble-t-il, la seconde.
Si vous savez transmettre tout ça, votre utilité pour les salarié(e)s fait peu de doutes.
Dans tous les cas, bon courage et tenez bon.
Aurelien Terrassier
28/11/2024 à 11:03
Plutôt original ce montage de couvertures de la part de salariés attachés à liberté d'expression.