Sous la Coupole du Palais de l’Institut de France, les membres de l'Académie française étaient réunis, ce jeudi 14 novembre, pour présenter la neuvième édition finalisée de leur dictionnaire au président de la République. Cette somme, issue des travaux des « Immortels », réunit 53.000 termes et leurs définitions, dont 21.000 mots nouveaux, et fait suite à la précédente publication, qui remonte à 1935.
Le 15/11/2024 à 11:13 par Antoine Oury
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15/11/2024 à 11:13
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La présentation du quatrième et dernier tome de la 9e édition du Dictionnaire de l'Académie française vient clore un cycle de travail commencé dans les années 1980. En effet, la mission de « composer un dictionnaire » fait partie des attributions fondamentales de l'Académie française depuis sa création, inscrite dans ses statuts depuis 1635.
Cette publication entend être un outil utile « tant à l’esgard des Estrangers qui aiment nostre langue, qu’à l’esgard des François mesmes qui sont quelquefois en peine de la véritable signification des mots », comme le soulignait la préface de la première édition, parue en 1694. Cette neuvième édition sera ainsi nécessairement suivie d'une dixième, puisque le travail à l'égard de la langue et de ses usages ne s'arrête pour ainsi dire jamais...
En guise d'introduction, Pascal Ory, directeur du bureau de l'Académie française, a accueilli le président de la République Emmanuel Macron, protecteur de l'institution, sous la Coupole de l'Institut de France. Peut-être pour le mettre à l'aise face aux 40 « Immortels » réunis, il a rappelé que cette immortalité n'était pas attachée à leur personne, mais qu'elle était « celle de la langue française, à laquelle nous vouons nos travaux tout au long de l’année ».
Avec ou sans épée — signe de l'appartenance des académiciens à la Maison du Roi, à l'origine —, les membres de l'institution s'engagent dans un « combat pour la sauvegarde, l’enrichissement et la présence internationale de la langue française », assure encore Pascal Ory.
Amin Maalouf, secrétaire perpétuel de l'Académie française depuis septembre 2023, souligne pour sa part que « la langue assure la permanence de la nation par delà toutes les turbulences de l’histoire », mais aussi qu'elle « délimite l’espace démocratique et assure l’égalité devant la loi ». Selon lui, le Dictionnaire de l'Académie française et ses différentes éditions reflètent une certaine réalité : « Aucun mot ne garde indéfiniment le même sens, tout doit être constamment repensé, reformulé [...]. »
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S'il se félicite de la publication sous forme imprimée du Dictionnaire (par la maison d'édition Fayard, du groupe Vivendi), Amin Maalouf célèbre également son édition numérique, où 250.000 entrées sont accessibles gratuitement, y compris par l'intermédiaire d'une application.
Aux yeux du président de la République, indiquer « le bel usage » et « la mission d’éclaircissement » de l'Académie française sont des missions de service public, concrétisées par la publication du Dictionnaire et la mise à disposition numérique de ses différentes éditions. Quant au temps long nécessaire à sa rédaction et à sa correction, il « évite de céder aux tentations des tics et des modes ».
Bien que critiqué pour son décalage avec les usages réels de la langue française, le Dictionnaire accueille dans cette 9e édition « le mot “zadiste” que les contemporains de Paul Valéry ne connaissaient vraisemblablement pas », note-t-il. Les évolutions sont donc réelles, entre « le continent des mots que vous avez délaissé et ces apparitions en forme de comète qui ne dureront pas », relève le président de la République.
Selon lui, « dictionnaire, dans votre langue, ne rime pas avec réactionnaire », et les Académiciens réalisent un tour de force : « Être de son temps sans céder à son époque. » Répondant à une critique récurrente adressée à l'institution, Emmanuel Macron assure qu'« il est important que des écrivains s’occupent de la langue », et pas seulement des linguistes : « Ils en ont le goût l’usage, ils en connaissent le risque, la nécessité, mais ont surtout méthode poétique pour échapper au temps et se faire comprendre du cœur de tous. »
« Fixer et faire partager le bon usage, voilà une dimension démocratique de votre rôle », déroule ensuite le président en glissant sur un terrain plus politique. « La langue a été le creuset de l’unité du pays, d’abord de ses textes administratifs, des lois et des jugements prononcés. Elle a été la fabrique d’une nation qui, sinon, s’échappait entre ses langues vernaculaires, ses patois, ses différentes langues régionales, qui pour nombre d’entre elles existent encore, mais étaient au fond, un instrument de division de la nation », estime-t-il. Pour autant, depuis une loi de 2021, cette diversité de la langue française est entrée dans le code du Patrimoine.
Pour Emmanuel Macron, « votre dictionnaire est une sorte de métaphore de la nation » : « Cette identité [française] n’est jamais une fixité. Elle est ce récit qui va, avec des mots qui demeurent, certains qui changent et de nouveaux qu’on adopte. » À ce titre, les Académiciens seraient « conservateurs et révolutionnaires », échappant aux classifications. « Permettez-moi de le dire devant vous : vous êtes en même temps l’un et l’autre », s'amuse Emmanuel Macron.
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Quelques semaines après un Sommet de la francophonie assez discret, le président de la République a conclu son intervention en rappelant que le français était cette « langue en archipel », parlée sous de nombreux horizons et dans de multiples variations. « Notre langue, tissée d’universel, n’appartient pas à la France », assure-t-il.
On estime aujourd'hui à 321 millions le nombre de locuteurs du français dans le monde, tandis que la langue est étudiée par 132 millions d’apprenants.
Pour accompagner la publication de la neuvième édition de son Dictionnaire, l'Académie française met en avant sa prise en compte des « transformations sociales et culturelles » par l'inclusion de termes contemporains, comme redistribution, surconsommation, télétravail, transhumanisme ou urgentiste, et la présence de termes des domaines du sport, de la cuisine ou encore des arts, parfois tirés d'aires géographiques variées (yuzu, sashimi, sfumato ou realpolitik, par exemple).
Sans oublier, évidemment, des mots de la francophonie. « Le Dictionnaire de l’Académie n’a certes pas vocation à recueillir les variations infinies de la langue française dans le monde, ce que se propose de faire désormais le Dictionnaire des Francophones », souligne cependant l'Académie française, « mais on peut penser que la 10e édition saura donner encore plus de place à ces façons de dire, penser et voir différemment... »
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Enfin, l'institution se félicite d'évolutions concernant l’orthographe et la féminisation des noms de métiers, fonctions, grades et titres, puisque le dernier tome de la 9e édition intègre « les rectifications orthographiques proposées en 1990 par le Conseil supérieur de la langue française et approuvées par l’Académie » et met en valeur « les formes féminisées des noms de métiers et de fonctions ».
La présentation de la 9e édition finalisée du Dictionnaire n'a pas manqué de faire réagir le collectif des linguistes attérré·es, qui réunit des professionnels et lutte contre la désinformation sur la langue française.
Dans un long communiqué, le collectif salue la création de l'édition numérique du Dictionnaire, « utile pour quiconque s’intéresse à l’histoire de la langue française, de son vocabulaire et de son orthographe ». Il déplore toutefois l'invisibilisation d'une partie des contributeurs à la lexicographie du français, ainsi que le recours à des bases existantes, comme France Terme, la Base de Données Lexicographiques Panfrancophone ou le Trésor de la langue française informatisé, qui viennent compléter un Dictionnaire plutôt imparfait à leurs yeux.
Il pointe également des différences notables entre les textes des premiers tomes imprimés de la neuvième édition, publiés il y a quelques années, et ceux de la version numérique : « Quel intérêt y aurait-il dès lors à rassembler chez soi ces quatre volumes hétéroclites qui ne correspondent pas à la version en ligne ? Comment prétendre que cette collection puisse servir de référence pour qui que ce soit [...] ? »
« Pour qu’il reste utile, le site actuel devrait être confié à un consortium francophone et y intégrer d’autres dictionnaires du domaine public », recommande le collectif, qui note que le Dictionnaire de l'Académie, en tant qu'instrument de travail, est imprécis, voire d'ores et déjà périmé et dépassé.
Selon le collectif, ouvrir le chantier de la dixième édition est vain : « Tenons-nous-en au site, qui, indiscutablement, a aujourd’hui sa valeur, et exigeons de l’Académie qu’elle tourne la page de la lexicographie, à moins d’une réinvention totale de son principe. » Par ailleurs, la rubrique « Dire et ne pas dire » du site de l'Académie parait problématique au collectif, qui pointe un jugement des usages du français par « le ressenti d’une poignée de gens ».
Il invite, pour terminer, l'Académie « à moderniser la graphie du français », ce qu'elle s'est attachée à faire à chacune des éditions de son Dictionnaire. « Ce dont le français, langue internationale enseignée à des centaines de millions d’enfants qui ne connaissent ni le latin ni le grec, a aujourd’hui le plus besoin, c’est une nouvelle vague de rationalisation de sa graphie. Pour l’Académie, s’atteler à cette tâche lui permettrait de maintenir un lien avec son passé. Nous proposons que cela soit fait au sein d’un “Collège des francophones” reconnu par toute la francophonie et réunissant différentes institutions », avance le collectif de linguistes.
Photographie : Les Académiciens Daniel Rondeau, Pascal Ory et Amin Maalouf, secrétaire perpétuel de l'Académie française, le 14 novembre 2024 à l'Institut de France
Par Antoine Oury
Contact : ao@actualitte.com
8 Commentaires
Claude Marx
15/11/2024 à 12:54
Les momies vous saluent bien.
Mick Cana
15/11/2024 à 13:41
La langue, c'est comme les lois... "N'y toucher que d'une main tremblante" (Montesquieu).
1935-2024 : cela signe l'immortalité et aussi justifie un peu le salaire.
NAUWELAERS
15/11/2024 à 20:14
Moi je salue le travail de cette grande institution, à laquelle j'accorde plus de crédit qu'à une poignée de linguistes atterrés qui ne représentent absolument pas tous et toutes les linguistes !
Et de grands écrivains et essayistes qui sont académiciens -et académiciennes-m'impressionnent beaucoup plus que certains linguistes bruyants.
Ce sont les tonneaux vides qui font le plus de bruit...
CHRISTIAN NAUWELAERS
Aurelien Terrassier
15/11/2024 à 16:54
Avec son opposition à la reconnaissance des langues régionales dans la constitution et la démocratisation de l'écriture inclusive en plus d'avoir une majorité de personnalités de droite ou de tendance conservatrice je ne vais pas parler de l'âge c'est trop facile et cela a été relevé plein de fois en particulier par Pierre Desproges, l'Académie Française est certainement plus conservatrice que réformiste.
Edco
18/11/2024 à 12:06
Allez , ces auteurs (trices, il y en a peu....), ils (elles) nous apportent bcoup.....
Dany Laferrière
Andreï Makine
Daniel Rondeau
Patrick Grainville
Chantal Thomas
Erik Orsenna
Mario Vargas Llosa
Sylviane Agacinski
Angelo Rinaldi
Alain Finkielkraut
François Sureau
Dominique Fernandez
Jean-Marie Rouart
Pierre Nora
Jean-Christophe Rufin
Amin Maalouf
Danièle Sallenave
Pascal Ory
Dominique Bona
François Cheng
Antoine Compagnon
Barbara Cassin
Michel Zink
Marc Lambron
Et aussi ce sketch !!!!! ( qui est vieux ......mais on le met pas à la benne.....hihi!!!!)
https://www.google.com/search?q=sketch+sur+les+acad%C3%A9miciens&sca_esv=f844996498a82a61&sxsrf=ADLYWIJ2sH3upqCFzQYlPaOv492HNpHSug%3A1731927346966&ei=Mh07Z6TUOuikkdUP6dqjqQ0&ved=0ahUKEwiktauS3OWJAxVoUqQEHWntKNUQ4dUDCA8&uact=5&oq=sketch+sur+les+acad%C3%A9miciens&gs_lp=Egxnd3Mtd2l6LXNlcnAiHHNrZXRjaCBzdXIgbGVzIGFjYWTDqW1pY2llbnMyBRAhGKABSM1lUOoIWNlhcAJ4AJABA5gBtAGgAZ0dqgEFMTkuMTi4AQPIAQD4AQGYAh6gArIZqAIQwgINEAAYgAQYsAMYQxiKBcICDRAuGIAEGLADGEMYigXCAggQABiABBiwA8ICCRAAGLADGAcYHsICBxAAGLADGB7CAhYQLhiABBiwAxhDGNQCGMgDGIoF2AEBwgITEC4YgAQYsAMYQxjIAxiKBdgBAcICGRAuGIAEGLADGEMYxwEYyAMYigUYrwHYAQHCAg4QLhiABBiwAxjIA9gBAcICChAjGIAEGCcYigXCAgoQLhiABBgUGIcCwgIKEAAYgAQYFBiHAsICBRAuGIAEwgIFEAAYgATCAgcQABiABBgKwgIZEC4YgAQYFBiHAhiXBRjcBBjeBBjgBNgBAcICBxAjGCcY6gLCAg0QLhjRAxjHARgnGOoCwgITEAAYgAQYQxi0AhiKBRjqAtgBAcICExAuGIAEGEMYtAIYigUY6gLYAQHCAhkQLhiABBhDGNQCGLQCGMgDGIoFGOoC2AEBwgIWEC4YgAQYQxi0AhjIAxiKBRjqAtgBAcICHBAuGIAEGEMYtAIYxwEYyAMYigUY6gIYrwHYAQHCAgQQIxgnwgILEAAYgAQYsQMYgwHCAggQABiABBixA8ICERAuGIAEGLEDGNEDGIMBGMcBwgIKEAAYgAQYQxiKBcICDhAuGIAEGLEDGNEDGMcBwgITEC4YgAQYsQMY0QMYQxjHARiKBcICERAuGIAEGLEDGIMBGMcBGK8BwgIKEC4YgAQYQxiKBcICDRAAGIAEGLEDGEMYigXCAggQABiiBBiJBcICCBAAGIAEGKIEwgIGEAAYFhgewgIIEAAYFhgKGB7CAgcQIRigARgKwgIFECEYnwWYAxKIBgGQBhO6BgYIARABGAiSBwcxMC4xOS4xoAe_kAQ&sclient=gws-wiz-serp#fpstate=ive&vld=cid:8d51414c,vid:GZrr4zXExV4,st:0
Edco
18/11/2024 à 13:00
https://www.youtube.com/watch?v=GZrr4zXExV4
désolée , me suis trompée !!!! C 'est là ce sketch ......
@xe Livre Libre
20/11/2024 à 09:26
Compagnon est sorti du formol ?
#TeamJeanPaulSartre
Edco
20/11/2024 à 12:19
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-du-week-end-du-dimanche-01-septembre-2024-9778947
vient de sortir un essai (transformé ? ) sur la lecture !!!! .....