Nous sommes nombreux à aimer l’art sous toutes ses formes mais nettement moins nombreux à être atteints du syndrome de Stendhal en contemplant des œuvres d’art. Je me suis penchée sur l’existence (ou non) de ce syndrome, également dénommé syndrome de Florence puisque c’est à Florence que Stendhal, phare de la littérature française, fait l’expérience de ce syndrome pour la première fois.
Le 12/11/2024 à 16:55 par Marie Lebert
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Publié le :
12/11/2024 à 16:55
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Selon Wikipédia, notre bible des temps modernes, ce syndrome est « un ensemble de troubles psychosomatiques (accélération du rythme cardiaque, vertiges, suffocations, voire hallucinations) survenant chez certains voyageurs exposés à une œuvre d’art qui prend une signification particulière pour eux, ou à une profusion de chefs-d’œuvre en un même lieu dans un même temps. »
Stendhal (1783-1842) est le premier écrivain à relater les effets de ce syndrome dans le récit de son voyage en Italie, sobrement intitulé Rome, Naples et Florence même s’il voyage aussi à Milan et à Bologne, entre autres.
Ce récit de voyage est publié en 1817, avec une deuxième édition en 1818 et une troisième édition entièrement refondue en 1826. Stendhal éprouvera une véritable passion pour l’Italie toute sa vie.
Lors de sa visite de la basilique Santa Croce de Florence, où reposent des personnages illustres tels que Michel-Ange, Machiavel et Galilée, Stendhal demande à voir les fresques du peintre Volterrano ornant le plafond de la chapelle située à l’angle nord-est de la basilique.
Il relate dans son récit de voyage : « Les Sibylles du Volterrano [notre illustration] m’ont donné peut-être le plus vif plaisir que la peinture m’ait jamais fait. J’étais déjà dans une sorte d’extase, par l’idée d’être à Florence, et le voisinage des grands hommes dont je venais de voir les tombeaux. Absorbé dans la contemplation de la beauté sublime, je la voyais de près, je la touchais pour ainsi dire. J’étais arrivé à ce point d’émotion où se rencontrent les “sensations célestes” données par les beaux-arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j’avais un battement de cœur, ce qu’on appelle des nerfs à Berlin ; la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber. »
Stendhal s’assoit ensuite sur un banc de la place de la basilique, puis relit « avec délices » quelques vers en italien du poète Ugo Foscolo qu’il avait glissés dans son portefeuille avant sa visite. Un exemple de plus des bienfaits de la poésie pour apaiser le cœur des voyageurs. Le surlendemain, Stendhal transcrit par écrit cette forte expérience esthétique pour l’inclure dans son récit de voyage.
Le syndrome de Stendhal est également appelé syndrome de Florence. Florence favoriserait en effet l’apparition du syndrome de Stendhal — ou de Florence — non seulement chez Stendhal, mais aussi auprès des touristes et autres amateurs d’art du fait de la présence d’un très grand nombre d’œuvres d’art dans la ville italienne.
Citons par exemple le David de Michel-Ange en marbre blanc de Carrare, une œuvre éblouissante de 4,34 mètres de haut (5,14 mètres de haut avec son socle) pesant quelque six tonnes et visible à Florence depuis plus de cinq cents ans.
Les gardiens des musées de Florence sont formés pour pouvoir intervenir en cas de syndrome qui, bien qu’assez rare, peut provoquer des crises d’hystérie et même des tentatives de destruction d’œuvres d’art.
Les Florentins eux-mêmes, qui baignent dans les œuvres d’art depuis leur plus tendre enfance avec leurs cinquante musées, semblent immunisés contre ledit syndrome. Et la remarque semble s’étendre aux touristes italiens en général.
En parcourant Wikipédia, encore, j’apprends que l’expression « syndrome de Stendhal » apparaît pour la première fois en 1977 sous la plume de Graziella Magherini, une psychiatre italienne d’orientation freudienne exerçant dans le service psychiatrique de l’hôpital Santa Maria Nuova de Florence.
Son livre La sindrome di Stendhal (Ponte alle Grazie, 1989) — sans version française à ce jour — est basé sur l’étude clinique d’une centaine de personnes, toutes étrangères, affectées par ce syndrome. Dans les années qui suivent, le nombre de cas étudiés augmente pour atteindre la barre des 200 cas.
Le syndrome de Stendhal existe-t-il vraiment ? Les avis sont partagés. Selon Nicolas Gaillard, qui y consacre un article dans la newsletter n° 37 (juillet 2008) de l’Observatoire zététique, « il aurait été intéressant d’avoir des données d’autres villes comportant des grands musées. Mais surtout, il aurait été pertinent de pouvoir comparer avec l’ensemble des cas d’hospitalisations de touristes à Florence. On peut alors s’attendre à ce que David déclenche plus de gastro-entérites ou d’éruptions d’herpès que de troubles mentaux. »
Le syndrome de Stendhal fait partie de la catégorie plus vaste du syndrome du voyageur, décrit comme un trouble psychique généralement passager. Un autre syndrome du voyageur est le syndrome de Paris, qui touche surtout les touristes japonais visitant la Ville lumière et qui est dû au décalage entre leur vision idéalisée de la ville et la réalité.
Crédits photo : Les Sibylles du Volterrano (détail). Photo de Saiko dans Wikimedia Commons. Licence CC BY 3.0
Par Marie Lebert
Contact : marie.lebert@gmail.com
6 Commentaires
Félix
13/11/2024 à 06:07
Je ne sais pas si j'ai souffert de ce syndrome stendalien devant une oeuvre artistique quelconque. Par contre, ce que je sais - car je l'ai bien étudiée à l'université - l'oeuvre de Marie-Henri Beyle (le véritable nom de Stendhal) - né en 1783 et mort en 1842 - est très forte, notamment ses romans majeurs du XIXème siécle "Le Rouge et le Noir" avec le portrait énigmatique de Julien Sorel en 1830 et "La chartreuse de Parme" en 1839. Mais, il reste néanmoins vrai que l'on ne peut rester insensible - d'une manière ou d'une autre - aux beautés architectutales des grandes villes italiennes comme Rome, que j'ai visitée à plusieurs reprises, et surtout Florence et Milan.
Boris Winkler
13/11/2024 à 09:46
Grâce à vous, je découvre ce terme. Mais oh surprise, je réalise que je peux l'agrafer à l'émotion improbable qui m'a percuté à la Galerie des Offices. Devant un Raphaël, la Vierge au chardonneret.
Oeuvre magnifique mais pas la plus sublime du musée. Et pourtant : durant 4 ou 5 minutes, je suis resté enraciné dans le sol, en pleurant. Je n'ai jamais compris.
Camille U
13/11/2024 à 10:07
Le livre de Graziella Magherini a bien été traduit en français. Le seul exemplaire que j'ai trouvé est consultable à la Bibliothèque Robert Sabatier dans le 18e arrondissement de Paris.
https://bibliotheques.paris.fr/Default/search.aspx?SC=CATALOGUE&QUERY=syndrome+de+stendhal+&QUERY_LABEL=#/Detail/(query:(Id:'4_OFFSET_0',Index:5,NBResults:8,PageRange:3,SearchQuery:(FacetFilter:%7B%7D,ForceSearch:!f,InitialSearch:!f,Page:0,PageRange:3,QueryGuid:a3833865-79a2-463b-b5bc-be73835870ea,QueryString:'syndrome%20de%20stendhal%20',ResultSize:50,ScenarioCode:CATALOGUE,ScenarioDisplayMode:display-standard,SearchGridFieldsShownOnResultsDTO:!(),SearchLabel:'',SearchTerms:'syndrome%20de%20stendhal',SortField:!n,SortOrder:0,TemplateParams:(Scenario:'',Scope:Default,Size:!n,Source:'',Support:'',UseCompact:!f),UseSpellChecking:!n)))
Manuel Soufflard
13/11/2024 à 11:32
Que ces symptômes aient un nom ou bien une description médicale précise ou non, je sais bien ce que j'ai ressenti, en Italie, et c'est exactement ce que décrit Stendhal : une sorte d'état de transe lié à la beauté qui nous entoure (ou l'idée qu'on s'en fait). On pourrait associer ce phénomène au coup de foudre amoureux, à certains égards. Je l'ai ressenti plusieurs fois en Italie : classiquement à Florence, en Emilie-Romagne ou à la Capella degli Scrovegni à Padoue (Vénétie). Mais j'ai aussi eu un ressenti proche une fois au temple d'Abou-Simbel après un long voyage égyptien et une fois au Mexique.
Pour ce que ça vaut...
Lou Brunet
13/11/2024 à 11:58
"Stendhal, phare de la littérature française"
Amusant, vraiment
#MDR #ISSOU
À ressortir dans les diners mondains.
Le PHARE qui explose les yeux de ses lecteurices :)
Stendhal OMG!!!!!!!!!!!!
Dark Vador
13/11/2024 à 12:44
A-t-on plus de chances d'attraper le syndrome de Stendhal si on s'appelle Florence ? Vos lecteurs veulent savoir.