Racisme, sexisme, immigration, autant de thèmes qui rappellent la campagne menée par le nouveau président des États-Unis. Il s’agit également de ceux développés dans différents ouvrages plébiscités depuis quelques jours par une partie des Américains. Ou comment le lectorat exprime ses craintes du pire...
Le 13/11/2024 à 11:25 par Clotilde Martin
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Publié le :
13/11/2024 à 11:25
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Réélu pour un second mandat, Donald Trump a battu Kamala Harris à plate couture : quatre années peu tranquilles se dessinent, si l’on se fie aux déclarations du candidat durant sa campagne. Au menu, politiques anti-avortement, lois anti-migratoires ou encore purges au sein de l'administration fédérale... Avec la promesse de ces tristes aubes, une partie de l’Amérique cherche manifestement des réponses dans la littérature.
On connaît la phrase de Philip K. Dick, prononcée lors du discours de Metz en 1977 : « Si ce monde vous déplaît, vous devriez en voir quelques autres. » The Guardian dévoile que, suite au vote outre-Atlantique, certains suivent le conseil du romancier et plongent dans des récits dystopiques, des plus classiques aux plus sombres.
De fait, les dystopies ont cette caractéristique d’explorer des sociétés imaginaires, certes, mais reposant sur les plausibles dérives de notre propre réalité. Avec pour dénominateur commun une société oppressante, voire un pouvoir dictatorial, où le libre arbitre d’une partie ou de la totalité de la population est réduit à néant.
Le phénomène n’est pas nouveau : en 2016, après l'arrivée à la Maison Blanche de Trump, The Handmaid’s Tale (La Servante écarlate, traduit par Sylviane Rué, Robert Laffont) de Margaret Atwood avait déjà connu un vif regain d’intérêt, symbolisant les craintes d’un régime autoritaire et de politiques rétrogrades. D'ailleurs, l'agent de la romancière avait souligné, non sans ironie, qu'elle était « la seule personne à avoir bénéficié de l’élection de Donald Trump ».
George Orwell en avait également profité, alors deuxième des ventes. Les mêmes causes provoquant les mêmes effets, le quotidien britannique s’est penché sur le classement des ventes d’Amazon US, pour en tirer quelques éléments significatifs.
2016-2024, l’effet Trump sur les ventes de Margaret Atwood se retrouve : La Servante écarlate, publiée en 1985, effectue un retour fulgurant, grimpant de 400 places pour atteindre le top 3 des ventes sur Amazon.
Le récit, porté par la voix de Defred (Offred en version originale), dévoile progressivement ses pensées intimes ainsi que le cadre oppressant de la « république de Gilead », régime totalitaire ayant remplacé les États-Unis. Ce futur dystopique décrit une société où la religion dicte la politique, instaurée par un système autoritaire strict qui assigne à chacun un rôle bien défini, tandis que les femmes y subissent une dévalorisation poussée jusqu'à l'esclavage.
Des décennies après sa parution, ce roman reste perçu comme « une puissante critique sociale reflétant les dangers des groupes fondamentalistes américains et du fanatisme religieux », comme le souligne France Culture. Margaret Atwood s’inspire de trois sources majeures : la littérature dystopique qui l'a marquée dans sa jeunesse (1984), ses recherches sur les XVIIe et XVIIIe siècles américains, ainsi que l’analyse des mécanismes des dictatures.
En 2017, lors d'une interview, Atwood avait réagi à ce phénomène : « Les Anglais ont dit : “Très bonne histoire.” Ils ne se faisaient manifestement pas trop de souci. Les Canadiens, avec nervosité, ont dit : “Est-ce que cela pourrait arriver ici ?” Et les Américains ont dit : "Combien de temps nous reste-t-il ?" »
Sa suite, Les Testaments (traduit par Michèle Albaret-Maatsch, Robert Laffont), sortie en 2019, connait également une hausse de ses ventes.
Ce renouveau d’intérêt pour La Servante écarlate et Les Testaments s'inscrit dans un contexte où la réalité semble rejoindre la fiction dystopique d'Atwood. La situation des femmes, déjà décrite dans La Servante écarlate, trouve des échos troublants dans l’actualité politique américaine.
La réélection de Donald Trump, malgré les accusations d'agression sexuelle dont il a été reconnu coupable, ravive les tensions autour des droits des femmes. Le soutien de Trump à l’annulation de l'arrêt « Roe vs. Wade » par la Cour suprême en 2022, qui ouvrait la voie à une remise en cause du droit à l'avortement, accentue ces inquiétudes, faisant resurgir les craintes d'une régression des libertés fondamentales, en particulier celles des femmes et des minorités.
Dans ce climat tendu, les lecteurs se tournent massivement vers des ouvrages féministes. Men Explain Things to Me de Rebecca Solnit (Ces hommes qui m'expliquent la vie, traduit par Céline Leroy, L'Olivier) a bondi de plus de 40.000 places pour se hisser dans le top 300 des ventes.
De son côté, Men Who Hate Women de Laura Bates, qui explore la misogynie et la radicalisation des jeunes hommes, connaît également une forte progression. Ce regain d’intérêt reflète les préoccupations sociétales actuelles, d’autant que Trump aurait attiré près de la moitié des voix des jeunes hommes, comme le suggèrent des sondages de sortie des urnes.
Côté pro-Trump, les mémoires de Melania Trump et Hillbilly Élégie de JD Vance (traduit par Vincent Raynaud, Le Livre de Poche) restent populaires, avec le livre de Melania en tête des ventes et celui de Vance en septième position.
Dans ce contexte de tensions exacerbées, les lecteurs se tournent vers des classiques dystopiques comme 1984 de George Orwell et Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, dont les ventes ont explosé. Ces œuvres, en anticipant un avenir totalitaire où la liberté d’expression est muselée, résonnent avec une actualité marquée par des discours autoritaires. Ce retour en force s'inscrit dans un mouvement plus large où les ouvrages analysant les menaces sur la démocratie connaissent un regain d’intérêt.
La réélection de Donald Trump, avec ses promesses de déportations massives et ses déclarations incendiaires qualifiant ses opposants de « vermine », ravive les craintes d’un virage autoritaire aux États-Unis. Face à ces dérives, des livres comme On Tyranny de Timothy Snyder ou Democracy in Retrograde de Sami Sage et Emily Amick montent en flèche dans les classements.
À LIRE - Les États-Unis et la censure des livres : avec Trump, toujours plus
Ces ouvrages, en offrant des outils pour résister aux régimes oppressifs, semblent répondre à une demande croissante de la part de citoyens inquiets pour leurs droits fondamentaux. Les lecteurs puisent ainsi dans la littérature, qu'elle soit fictionnelle ou analytique, des clés pour décoder un présent de plus en plus menaçant.
Defectors de Paola Ramos, qui se penche sur la montée de l’extrême droite au sein de la communauté latino-américaine, a également enregistré une forte progression, stimulée par les propos et les promesses du candidat républicain.
Les mémoires de Kamala Harris, Nos vérités (traduit par Pierre Reignier, Robert Laffont) ont grimpé de près de 2000 places pour atteindre la 345e position du classement des ventes.
Crédits photo : Gage Skidmore, CC BY-SA 2.0
Par Clotilde Martin
Contact : mc@actualitte.com
Paru le 14/01/2021
576 pages
Robert Laffont
12,50 €
Paru le 25/05/2022
448 pages
9,00 €
Paru le 28/05/2020
400 pages
Editions Gallimard
9,40 €
Paru le 12/09/2018
330 pages
LGF/Le Livre de Poche
9,40 €
Paru le 12/05/2021
672 pages
Robert Laffont
12,00 €
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Gaucho Marx
13/11/2024 à 13:39
Trump a déjà gouverné 4 ans. Les States sont-ils devenus une dictature ?
Trump vient d'être élu à nouveau, à une écrasante majorité. Le peuple lui a donc fait majoritairement confiance. Notamment instruit de ses 4 ans de pouvoir.
Si les démocrates avaient été si merveilleux, Kamala Harris serait à la place de Trump.
Qu'on soit pro ou anti, c'est le jeu démocratique.
Et il y a quelque chose d'assez peu démocratique à se figurer que le nouveau président de la plus grande démocratie du monde, élu démocratiquement, ne gouvernera pas de manière démocratique, juste parce que les options politiques qu'il va pousser déplaisent aux medias du camp adverse.
Je le redis donc ici, après l'avoir dit sous un article parlant de Meloni : arrêtons de nous faire des noeuds au cerveau et commençons par respecter, avant tout, le choix des électeurs. Car que penser de gens qui pensent que la majorité qui a porté tel ou tel au pouvoir est constituée d'idiots ou de crypto-fascistes ? Ces gens honorent-ils vraiment la démocratie ?
Gilles
14/11/2024 à 15:25
Beaucoup de mots pour montrer votre soutien au fascisme.
Beaucoup d'écart entre Harris et Trump = 1,5 % au final.
Grâce à l'élection de Trump, les droits des femmes (avortement) ont été bien réduit, oui, c'est peut-être rassurant pour vous ceci dit, chacun ses goûts. D'extrême-droite donc chez vous.
Gaucho Marx
14/11/2024 à 20:45
Un point Godwin et à la revoyure !
Mick Cana
13/11/2024 à 19:12
Le titre, déjà, pose problème. Le remède à Trump... comme s'il était une maladie !
On aura beau chercher, les mondes dans lequel Harris est devenue présidente ou dans lequel Trump est Néron n'existent pas.
Il y a des raisons d'espérer, avec cette élection, au-delà de ses petites "préoccupations sociétales" personnelles... Ça ronronnait un peu avec Biden. Ca devrait décoiffer pas mal avec Trump, ça tombe bien, gros chantiers en perspective...
Est-ce que j'échangerais par exemple un peu de wokisme américain contre la paix en Ukraine et au Moyen-Orient ? La réponse est oui.
la rédac
14/11/2024 à 12:42
Remède signifie bien que pour une partie de l’Amérique, il y a un mal, et peut-être une maladie. Ce n’est peut-être qu’une approche cathartique, comme détaillé dans l’article, mais au risque d’étonner, Trump ne fait pas l’unanimité. Réduire la situation politique américaine à des caricatures simplistes, comme celle d'assimiler Trump à Néron ou d'imaginer Harris présidente dans un autre monde, ne rend pas justice à la diversité des sujets abordés dans notre article. Je me permets d’ajouter une citation de Donald Trump pour mesurer sa dangerosité : il souhaite mener « la plus grande expulsion d’immigrants de l’histoire ».
Concernant le compromis que vous évoquez entre la paix internationale et des questions de justice sociale comme le "wokisme", il est important de rappeler que ces combats ne s'opposent pas. On ne devrait pas avoir à choisir entre le progrès social et la stabilité géopolitique.
Mick Cana
15/11/2024 à 10:57
Deux petites remarques...
1. « la plus grande expulsion d’immigrants de l’histoire » ; Trump fait du Trump, toujours emphatique. Mais s'il s'agit de clandestins, en quoi c'est dangereux ? Les expulser revient à faire respecter la loi. Vous trouvez ça choquant, faire respecter la loi ?
2. J'aimerais comme vous ne pas avoir à choisir entre une option et une autre ; malheureusement, comme souvent, ceux qui proposent ces choix sont aux antipodes les uns des autres. On ne peut donc tout avoir. (Mais ici je suis obligé de reconnaître ici que ma question était purement rhétorique ; terrasser le wokisme, une idéologie que je juge mortifère pour la cohésion d'un pays, et où je ne vois rien de progrès social, juste une vieille resucée marxiste, est pour moi une très bonne nouvelle).
Gilles
15/11/2024 à 18:47
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john Brunetière
15/11/2024 à 12:56
Yann Moix en PLS
Edco
18/11/2024 à 14:36
Et dire qu on va devoir voir sa ....tronche ...every day..., oh my god !!!!